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Critique de film
Le film

Le Dernier des peaux-rouges

(Last of the Redmen)

L'histoire

1757 ; alors que la guerre franco-britannique bat son plein, les troupes anglaises s’attendent d’un moment à l’autre à une attaque par les français et leurs alliés les indiens iroquois d’une de leurs principales places fortes. La venue des trois enfants du colonel Munro n’est donc pas des plus bienvenues au regard du danger qui règne sur la région d’autant plus que l’éclaireur Magua (Buster Crabbe) s’avère être un espion à la solde des français ; il espère faire tomber les anglais dans un piège, ayant de plus une revanche à prendre sur les Munro. Seuls Hawkeye (Michael O’Shea) et son fidèle compagnon mohicans Uncas ne lui font pas confiance. Ils vont néanmoins avoir pour mission de conduire les enfants à leur père qui commande actuellement Fort Henry. Un voyage plein de périls se met en place avec pour diriger la petite escorte le Major Duncan Edward (Jon Hall) qui a des vues sur l’une des ravissantes filles de son colonel…

Analyse et critique


Last of the Redmen, une des nombreuses adaptations du célèbre roman Le Dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper, fait partie des films de séries fauchés du médiocre producteur qu’était Sam Katzman à la Columbia, entre autre spécialisé dans les 'Easterns' se déroulant au 18ème siècle, et qui avaient donc pour toile de fond la guerre entre Français et Anglais pour la possession des terres du Nord-Est de l’Amérique ; des films de série interchangeables, réutilisant les mêmes décors et costumes sans aucun souci de véracité historique, les paysages utilisés étant d’ailleurs ceux 'plein-Ouest' de Californie. Lorsque George Sherman réalise ce film en 1947, le prolifique cinéaste en a déjà une soixantaine à son actif, quasiment tous inconnus par nous autres cinéphiles français. Autant dire qu’il reste encore sacrément à défricher au sein de cette œuvre quantitativement conséquente, même s’il semblerait qu’une majorité de ses ‘premiers’ films n’ait en fait guère trop d’intérêt, ce que prouvait déjà l’année précédente, toujours pour la Columbia, l’excessivement mauvais Renegades (Les Indomptés). Car comme il m’était déjà précédemment arrivé de l’écrire, il ne faudrait surtout pas aller dans l’excès inverse, qui prendrait le contrepied de la médiocre réputation qu’avait Sherman dans notre pays voici seulement vingt ans en arrière en s’agenouillant désormais devant chacun de ses opus. En effet, au regard de ce que nous avons pu découvrir ces dernières années de sa filmographie, il s’avère que, malgré le fait de contenir pas mal de très belles pépites surtout entre 1948 et 1953, ce corpus demeure néanmoins sacrément inégal, notamment en qui concerne les westerns.


En cette année 1947, Le Dernier des peaux-rouges précède la période qualitativement faste du cinéaste qui débutera deux ans plus tard lorsqu’il signera un contrat pour le studio Universal. En attendant cette suite de westerns ou de films d’aventures colorés pour la plupart hautement divertissants - voire plus concernant des petits bijoux comme Tomahawk -, le western Columbia qui nous concerne ici se révèle au contraire malheureusement à nouveau plus que médiocre. On peut néanmoins affirmer que, grâce au métier et au talent de Sherman, il s’avère sur la forme un peu mieux tenu que les quelques autres Easterns produits par Sam Katzman quelques années plus tard, toutes des bandes de troisième zone aussi mauvaises les unes que les autres telles La Hache de la vengeance (When the Redskins Rode) de Lew Landers, La Levée des Tomahawks (Brave Warrior) de Spencer Gordon Bennet, tous deux déjà avec Jon Hall, ou encore, avec George Montgomery cette fois, Le Trappeur des hautes plaines (The Pathfinder) de Sidney Salkow ou Fort Ti de William Castle, tous sortis également dans la collection western de l'éditeur Sidonis. Concernant ces titres, les faits historiques relatés sont souvent bien plus passionnants que les films qui les racontent ; c’est d’autant plus dommage que le nombre de films hollywoodiens consacrés à cette période de l’histoire de l’Amérique reste finalement assez minimal, les deux plus connus étant Le Grand passage (Northwest Passage) de King Vidor ainsi que le magnifique Sur la piste des Mohawks (Drums Along the Mohawk) de John Ford, sans oublier Le Dernier des Mohicans de Michael Mann avec Daniel Day-Lewis, film qui malgré ses défauts, vole cent coudées au-dessus de tous ceux cités ci-avant.


Les amateurs du roman de Fenimore Cooper que les auteurs du scénario ont ici simplifié à outrance, passeront leur chemin ; quant aux autres, ils peuvent les suivre, car hormis le talent de Sherman qui permet de tomber de temps à autre sur de beaux cadrages, des plans bien pensés, une belle mise en valeur des paysages ainsi que des séquences d’action ma foi assez efficaces -notamment les chevauchées filmées en travellings parfois assez virtuoses…- pas grand-chose d'autre à se mettre sous la dent à moins d’être amateur d’humour involontaire (ah cette porte à l’intérieur de la grotte, digne de celle d’un coffre-fort ! Ah cette 'non interprétation' grotesque de Rick Vallin dans la peau de l’indien Uncas !) ou de kitscherie serialesque, il se pourrait que très peu de monde trouve son bonheur en visionnant ce film plus ridicule que captivant mais néanmoins pourvu d’une sympathique utilisation du cinecolor ainsi que d’une bande originale pas désagréable à l’oreille. A signaler néanmoins que le scénario du duo Herbert Dalmas -An American Romance de King Vidor tout de même- et George H. Plympton –spécialiste de la série Z- est bien plus rythmé et mouvementé que la plupart de ceux écrits par l’auteur habituellement lié à Katzman, Robert E. Kent. Bien plus cocasse, à noter aussi qu’au sein du casting, seul Jon Hall s’en tire honorablement, ce qui pourra faire sourire lorsque l’on sait qu’il s’agit d’un acteur oh combien fadasse et peu charismatique. Beaucoup parlent de Buster Crabbe (Flash Gordon ; Buck Rogers…) qui interprète ici le vilain Magua ; sauf qu’en l’occurrence il m’a semblé loin d’être remarquable.


Un film d'aventure qui a un peu plus de tenue que la plupart des autres productions Katzman de l’époque et qui utilise beaucoup moins de stock-shots… mais cependant pas de quoi s’en relever la nuit car il faut bien l'admettre, à tous les autres niveaux l'ensemble demeure très mauvais. Donc pas d'indulgence à avoir à l’encontre de ce film même s'il est signé par un cinéaste qui nous aura certes ravis à de nombreuses reprises (Calamity Jane and Sam Bass, Black Bart, The Battle of Apache Pass, Tomahawk, Reprisal !, The Hard Man) mais qui ne peut quand même pas rivaliser sur la longueur avec les grands maîtres du genre.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 8 septembre 2018