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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Colosse de Rhodes

(Il colosso di Rodi)

L'histoire

Thar gouverne en despote sur l'île de Rhodes, dont l'unique ouverture du port est gardée par une statue colossale. Il décide de couper les routes maritimes aux Grecs. Parmi le peuple, la résistance s'organise. Darios, un général grec qui se trouvait sur l'île au moment des évènements, sympathise avec les résistants...

Analyse et critique

Le Colosse de Rhodes est le premier film officiel de Sergio Leone et sa deuxième incursion dans le péplum après Les Derniers jours de Pompéi co-réalisé avec Mario Bonnard. Il emmagasine alors cependant une solide carrière d’assistant réalisateur à l’époque puisqu’il aura justement quasiment signé officieusement certains films à ce poste lorsque le réalisateur officiel s’avérait incompétent ou totalement désintéressé comme Robert Aldrich au creux de la vague, venu en touriste signer Sodome et Gomorrhe (Leone racontera plusieurs fois sa déception face à la désinvolture du maître américain). Pas encore le maître absolu du rythme qu’il deviendra, Leone délivre un récit à la narration quelque peu déséquilibrée où une première moitié un peu poussive bascule dans l’overdose de morceaux de bravoure par la suite. Malgré quelques scories donc, le film porte en lui tous les éléments qui feront le sel et la grandeur des chefs-d'œuvre à venir.

Sur une trame de péplum assez classique à première vue, le talent de Leone dans la déconstruction des genres fait déjà merveille. On le sait, Leone avait une sainte horreur du péplum qui vivait son âge d’or et envahissait les écrans italiens et le réalisateur n’accepta d’en réaliser un que pour pouvoir enfin signer son premier film. Le Colosse de Rhodes est ainsi truffé d’entorses plus ou moins discrètes au genre qui en font un péplum atypique. Loin des musculeux qui peuplent le péplum italien, le héros incarné par Rory Calhoun, bien qu'entouré d'une aura de guerrier redoutable, est un bellâtre séducteur constamment manipulé par les femmes et les actions les plus héroïques du film ne sont pas de son fait (le soldat balancé au lion dans l'arène, la mort du méchant). Il ouvre ainsi la voie à Duccio Tessari pour le héros malingre mais malin des Titans l’année suivante, même si ce dernier derrière l’humour entretient une croyance en son récit absente ici. L'intrigue dénote avec ses complots et ses rebondissements incongrus, que ce soit au niveau des personnages ou des évènements (le tremblement de terre final), qui relèvent du pur serial et soulignent l’ironie et la distance qu’entretient Leone avec le genre. Certains dérapages de violence et de sadisme relèvent également de la bande dessinée délirante avec ses scènes de torture particulièrement inventives et cruelles : des gouttes d'acide qui tombe sur la peau nue des prisonniers ligotés, un homme assourdi à l'intérieur d'une cloche, des catapultes qui balancent du plomb fondu...

Les moyens alloués sont vraiment énormes, et la mise en scène de Leone est au diapason avec foule de moments spectaculaires comme Dario affrontant une multitude d'assaillants au sommet du Colosse ou encore l'impressionnante catastrophe naturelle finale, grand moment de destruction avec en point d’orgue la chute du Colosse dans la mer. Ce fossé entre démesure visuelle et narration distanciée et lâche pourrait gêner mais fonctionne de bout en bout, annonçant en plus grossier les écarts de ton de la trilogie des dollars. La réelle fascination ressentie dans l'illustration du gigantisme de ce qui fut la Septième Merveille du monde le dispute donc au relâchement des intrigues plus humaines. On ne s’étonnera pas du casting inégal où pour un Rory Calhoun un peu fade en héros on appréciera Georges Marchal à la présence charismatique en Peliocle. Le duo de méchants est excellent, quant à lui, avec Conrado Saint Martin en tyran manipulateur et la jolie Léa Massari campant le personnage le plus ambigu de l’intrigue. Le film rencontrera un très grand succès, qui donnera les coudées franches à Leone pour entamer une révolution risquée mais fort lucrative, le western spaghetti...

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 3 septembre 2014