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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Chien des Baskerville

(The Hound of the Baskervilles)

L'histoire

Suite à la mort mystérieuse de Sir Charles Baskerville, Sherlock Holmes et son assistant, le docteur Watson, sont engagés pour résoudre le mystère de la malédiction qui pèse sur la famille des Baskerville, malédiction se manifestant sous la forme d’un terrible chien surgi des enfers pour protéger le dernier tenant du titre : Sir Henry Baskerville.

Analyse et critique

Nous sommes à quelques minutes du dénouement. Sir Hugo entend les hurlements du chien. Il regarde autour de lui. Travelling sur la lande. Holmes, caché dans un recoin se prépare, il hôte sa veste. Les hurlements deviennent plus forts. Le visage de Hugo se fige de terreur. Devant lui, le chien se dresse et... Arrêtons le film un instant. Peut-être êtes-vous déçu par le chien ? C’est normal, c’est justement parce que ce film est un des meilleurs de la Hammer.

Pour comprendre, il faut revenir en 1957, date à laquelle les dirigeants de la Hammer, firme dont les origines remontent à 1934, ont une idée lumineuse : s’essayer au fantastique, reprendre et moderniser la fameuse galerie de monstres immortalisés par la Universal dans les années 30. Et justement, ils ont sous contrat un réalisateur qui a déjà fait ses preuves et qui leur doit encore quelques films par contrat : Terence Fisher. Voici donc Frankenstein s’est échappé, un immense succès qui permet à la Hammer de poursuivre l’effort en réveillant Dracula. Suivrons La Momie, Dr Jekyll et Mr Hyde, Le Fantôme de l’Opéra et ainsi de suite... En revivifiant les mythes, la Hammer ne va pas juste se contenter de réveiller l’engouement pour le fantastique, un genre alors tombé en désuétude, mais renouveler celui-ci. La recette : un érotisme et une violence baignés dans une atmosphère gothique aux couleurs chatoyantes qui mettent en valeur le rouge sanguinolent, une musique stridente, le tout servi par un budget minimum qui attise l’inventivité des créateurs. En 1958, Fisher s’attaque au Chien des Baskerville. Et c’est peut-être son chef-d’œuvre. Un concours de circonstances ? Probablement. On peut constater que les films de Fisher hors du giron de la Hammer sont décevants, et les films de la Hammer sans Fisher sont souvent médiocres. Quelle magie s’opère alors ? Si ce film est un de ses plus réussis, c’est qu’à ce moment précis, le cinéaste travaille dans les meilleures conditions et adapte le meilleur livre de Conan Doyle des aventures de son fascinant héros.

Le travail de Fisher est un travail d’équipe : il utilise le potentiel de la Hammer, une équipe rodée, et modèle le tout pour créer son propre style. Sa mise en scène est quasi invisible, au service de l’histoire. Refus de la surenchère dans laquelle s’enfonceront bien vite les productions de la firme. L’apparition du chien n’est pas spectaculaire ? Justement, c’est sur l’atmosphère que travaille Fisher. L’atmosphère du film est si marquante que Tim Burton s’en souvient encore quand il tourne Sleepy Hollow, où l’on retrouve une lande ténébreuse et... Christopher Lee. Le secret de Fisher : un travail d’équipe sur lequel repose la cohérence du film.

En démonstration, reprenons le film à son commencement. Générique. Immédiatement, on est plongés dans un flash-back expliquant la légende des Baskerville. Stop. La musique inquiétante de James Bernard, les décors gothiques (ceux du Cauchemar de Dracula, ici habilement réutilisés) de Robert Robinson, les couleurs nocturnes et vives de Jack Asher, les travellings de Terence Fisher sur la lande de Dartmoor où se déchaînent les forces du Mal... Bref, tout le savoir-faire de la Hammer en dix minutes à vous couper le souffle. Tout est là. Tout est dit.

Holmes, une main couvrant son visage, renverse le pion sur l’échiquier. Petit gloussement, il se frotte les mains. Le décor ? 221B Baker Street. Nous sommes dans l’univers familier de Sherlock Holmes. Les fans trépignent. Une fois de plus, Fisher modèle l’œuvre avec son propre style et sa propre thématique. Il s’inspire du long métrage de Sidney Lanfield qui réunissait pour la première fois Basil Rathbone dans le rôle de Holmes et Nigel Bruce dans celui de Watson. On y trouvait déjà certains éléments comme la lande lugubre et le flash-back sur la légende. Mais Fisher introduit son thème de prédilection : la lutte entre le Bien et le Mal. Ici, ce n’est plus Van Helsing (Peter Cushing) contre Dracula (Christopher Lee), c’est Holmes contre le mal absolu : « Je combats le Mal partout où il se trouve » nous annonce-t-il. Christopher Lee n’est pas cette fois-ci un être diabolique, mais un homme qui tente d’échapper à son destin. C’est la noblesse déchue, corrompue et maudite, installée au manoir lugubre, contre la bourgeoise symbolisée par l’appartement de Holmes, le règne de la raison.

Et puis, surtout, il y a les acteurs. Fisher utilise ses stars comme dans la plupart de ses films : Chistopher Lee et Peter Cushing qui n’ont jamais été aussi bons. Christopher Lee trouve en Sir Hugo un rôle plus subtil que les rôles de monstres habituels et Peter Cushing est un parfait Sherlock Holmes, froid, sec, l'un des meilleurs peut-être. Il met en garde Sir Hugo : « N’allez pas seul au manoir des Baskerville. » Mais il n’en fait qu’à sa tête. Ce casting idéal laissera des traces dans la filmographie "holmésienne" : Cushing retrouvera le rôle en 1968 dans une série anglaise, puis dans un téléfilm (Le Masque de la mort, 1984) où il joue un Holmes vieillissant. Christopher Lee jouera le frère de Holmes dans La Vie privée de Sherlock Holmes en 1970, puis le rôle de Holmes dans une série télé en 1990, avant de retrouver Fisher pour ce même rôle dans Sherlock Holmes et le collier de la mort en 1964, film hélas très décevant car produit hors de la Hammer.

Sir Hugo choisit de se rendre au manoir des Baskerville malgré la menace. Il sera accompagné de Watson, Andre Morell, excellent, loin des pitreries naïves de Nigel Bruce. Vous allez les suivre. Alors, avant de partir, écoutez ce dernier avertissement : « Sous aucun prétexte, ne vous aventurez-vous seul sur la lande ! »

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Johnny Guitar - le 7 mars 2003