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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Beau Serge

L'histoire

Le Beau Serge : Après une longue absence d’une dizaine d’années, François revient dans son village d’origine. Mais une fois sur place, bien des choses ont changé : l’ambiance amicale a disparu, son ami Serge est devenu alcoolique. François va tenter de le sortir de cet enfer.

Les Cousins : Charles, jeune étudiant, vient terminer ses études à Paris et profite de l’hospitalité que lui offre son cousin Paul. Le tempérament radicalement opposé des deux cousins ne sera pas sans conséquences.

Analyse et critique

A la fin des années 50, Claude Chabrol écrit avec un certain brio nombres de dialogues de films sans grande envergure. Baignant avec ses amis (Truffaut, Rohmer, Godard et Rivette principalement) dans un bain que l’on appellera "La Nouvelle Vague", Chabrol peine à trouver un financement pour filmer son scénario original intitulé Le Beau Serge. Jusqu’au jour où la grand-mère de sa première femme décède et laisse plusieurs millions de francs à sa disposition. Ainsi naît le film à l’écran.

Même si chronologiquement, il n’est pas le premier film à se voit assimilé au mouvement de La Nouvelle Vague, Le Beau Serge est, un an avant A bout de souffle, celui qui contribua à la définir, tant par ses ambitions que par ses prises de position vis-à-vis du cinéma de l’époque (en particulier français).

Le Beau Serge est donc le premier film de son auteur. Pour le juger à sa juste valeur, il convient de se remémorer le contexte dans lequel il a été pensé, conçu et réalisé. A l’instar de François Truffaut, Chabrol ne porte guère dans son cœur le cinéma d’après-guerre (à quelques exceptions près). Comme ils l’ont d’ailleurs reconnu plusieurs années plus tard, leur conception du cinéma était avant tout fondée sur le rejet du "cinéma à papa". Le cinéma de cette époque est donc résolument marqué du sceau de la contestation, de l’amertume et de la virulence. D’où une vision plutôt sombre et désenchantée de leur art.

C’est dans cette atmosphère particulière que baigne Le Beau Serge et son successeur (tourné dans la foulée), Les Cousins. Ces deux films sont donc des coups de pied dans la fourmilière cinéma de la fin des années 50. Une formule célèbre dit que tout premier film est autobiographique, Chabrol l’applique presque à la lettre. Hormis le fait qu’il va tourner son film dans son village d’enfance, entouré d’amateurs, d'amis et de proches, ce premier long est très métaphorique. Paul arrive dans son village comme Chabrol arriverait sur les terres du cinéma après avoir été critique. Sa vision du 7è art se ressent particulièrement dans le fait que Paul découvre un lieu connu métamorphosé, en ruine, voire en décomposition (le ravage de l’alcool) ; un lieu en quelque sorte à l’image du cinéma français des années 50.

Tout respire ici donc la liberté de faire du cinéma, d’agir sans la pression d’un producteur et d’aborder sans tabou des thèmes aussi divers qu’osés comme la déchéance humaine, l’alcoolisme ou encore le suicide. Cette audace du fond va de pair avec une forme en parfaite adéquation avec le contenu. La mise en scène (qui n’est pas encore le principal souci de Chabrol) colle de près à ses personnages, à leurs sentiments, leurs regards, en un mot à leur intériorité. Nul doute que quelqu’un comme John Cassavetes a du être influencé par ses films (cf. Faces entre autres). Ces deux longs métrages, plus que n’importe quel autre film français de l’époque, offrent une vision des plus critiques de l’être humain, les jeunes en prenant particulièrement pour leur grade (Ils ne lisent plus que du porno et des policiers). Le Beau Serge et Les Cousins racontent tous deux le revirement et le basculement de la vie d’un homme : son éloignement progressif de la vie sociale (brillamment illustré dans Les Cousins par l’utilisation de la musique). Les films nous offrent, en outre, la possibilité de découvrir plusieurs grands talents parmi lesquels Bernadette Lafont, Jean-Claude Brialy et surtout Gérard Blain, remarquable de finesse et d’émotion dans les deux films.

Le cinéma de Claude Chabrol ressemble en somme au personnage de Paul dans Les Cousins : à l’écart, presque isolé, glaçant sans pour autant être distant. 1959 est donc une grande année pour le cinéma français puisque sort la même année Les Quatre cents coups, un film également acclamé, autant par la public que par la critique. Une nouvelle route est désormais tracée.

Le cinéma français ne sera désormais jamais plus comme avant.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Leopold Saroyan - le 17 janvier 2003