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Critique de film
Le film

Law and Order

L'histoire

1881. Après avoir nettoyé pas mal de villes de cet Ouest encore violent et impitoyable, l’ancien homme de loi Frame Johnson (Walter Huston), accompagné de son frère Luther ainsi que de ses amis Brandt (Harry Carey) et Deadwood, arrive à Tombstone dans l’espoir de trouver enfin une localité calme où s’installer pour y jouer paisiblement au poker. Malheureusement cette bourgade est aussi agitée que les autres, de plus contrôlée par un tyran local nommé Northrup qui a sous sa botte un shérif véreux. La réputation de nettoyeur de Johnson étant bien connue au Kansas, les notables, qui ne supportent plus la mainmise de Northrup sur leur ville pas plus que le chaos qui y règne, viennent lui demander de l’aide pour restaurer la loi...

Analyse et critique

Law and Order est un western toujours difficile à voir - et de ce fait encore peu connu en France - mais qui bénéficie pourtant d’une réputation plus que flatteuse auprès de la plupart des amateurs qui ont eu la chance de le découvrir ; il est même considéré aux USA comme un des meilleurs films du genre, les ouvrages de référence ne tarissant pas d’éloges à son égard. Il faut dire qu’historiquement parlant il s’avère effectivement un solide pilier, une œuvre totalement atypique pour l’époque et la matrice d’un nombre impressionnant de futurs classiques du western. Alors qu’en ce début des années 30 et à quelques exceptions près, le western est un domaine où règnent uniquement l’optimisme béat et la fantaisie, l’obscur et besogneux Edward L. Cahn, ex-monteur de grands réalisateurs du muet, ainsi que John Huston adaptent un roman de W.R. Burnett qui - en modifiant les noms - narre en fait le "nettoyage" de Tombstone qui se conclura par le fameux règlement de comptes à OK Corral. Lors d’un entretien avec Bertrand Tavernier repris dans son indispensable Amis américains, John Huston le décrivait ainsi : "C’était un western très conventionnel, mais avec quelques choses en plus : de l’humour et un sens précis de l’époque. Il y avait aussi une idée : montrer que ces quelques hommes qui arrivaient dans cette ville n’étaient que des satellites de cette légende vivante. Ils vivaient dans son ombre, faisaient le même travail, et comme lui tiraient au revolver pour nettoyer une ville. Au début, c’étaient des héros pour les habitants. Puis ils découvraient que tout n’étaient pas aussi clair : les intérêts étaient multiples et divergents, et la ville se tournait lentement contre ces hommes..."


Le film proposait ainsi des réflexions sur la loi et l’ordre tout en traçant un portrait étonnement réaliste et austère, une peinture impitoyable et sans concessions de cet Ouest tumultueux finalement encore assez récent, Wyatt Earp venant d’ailleurs de décéder quelques années plus tôt. En replaçant Law and Order dans son contexte, il est donc évident qu’il marque une date très importante pour le genre et qu’il est tout à fait légitime de le considérer comme un western fondateur, certains parlant même de "western crépusculaire avant l'heure". On pourra également s'extasier à juste titre sur la modernité d’un ton très âpre, sur une volonté de dramatisation minimale, sur la mise en avant de personnages rustres et peu sympathiques, sur des idées de mise en scène assez novatrices et encore peu vues en ce début du cinéma parlant (longs et étonnants travellings, montage cut...). Le comédien qui interprète l’homme de loi inspiré du célèbre Marshall Earp n’est autre que le père du scénariste du film, Walter Huston, tandis que celui qui ressemble fortement à Doc Holliday, il est tenu par un des grands acteurs westerniens du muet, Harry Carey Sr. À leurs côtés, on pourra reconnaitre des visages très connus par les aficionados du genre comme Russell Simpson ou Andy Devine, ce dernier étant de la partie la plus savoureuse du film, celle de sa pendaison au cours de laquelle le condamné accepte son sort avec une certaine jubilation lorsqu'on lui fait comprendre qu'il devient le premier homme à être pendu "légalement".


Cela étant dit, et au risque de faire bondir les puristes, plutôt qu'à ce film anti-spectaculaire et anti-héroïque il n’est pas interdit de prendre autrement plus de plaisir aux innombrables westerns ayant repris par la suite ce canevas, voire même au pourtant vilipendé remake de Nathan Juran avec Ronald Reagan reprenant le rôle de Walter Huston, le très distrayant Quand la poudre parle (Law and Order). Il est même possible de grandement s'ennuyer devant Law and Order et de trouver le fameux règlement de comptes totalement illisible, l’excuse de la confusion ne permettant pas de s’y immerger, d’autant plus qu’il aura été difficile d’éprouver de l’empathie pour les protagonistes de ce gunfight. Je vous invite néanmoins à aller vous rendre compte par vous-mêmes : il est fort possible que, comme une grande majorité des spectateurs, vous tombiez sous le "charme" de l’atmosphère de ce western sombre et minimaliste au ton s’apparentant bien plus à un film noir, assurément aux antipodes de la production westernienne des années 30, de plus une reconstitution a priori assez crédible du Far West des "temps héroïques".

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 9 novembre 2018