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Critique de film
Le film

La Ruée sauvage

(The Texans)

Analyse et critique

1965. La Guerre de Séssion a beau être terminée, les ressentiments et les rancunes sont encore tenaces parmi les gens du Sud. Il faut dire que le gouvernement américain ne leur fait pas de cadeaux. Les "carpetbaggers" opportunistes qu’il envoie au Texas se comportent le plus souvent en voleurs et en escrocs, menant la vie dure aux vaincus, rachetant leurs terres pour des bouchées de pain, les expropriant sans raisons valables, leur imposant des taxes sur tout et n’importe quoi. Pour cette raison, d’anciens soldats de la Confédération, que l’on nomme les rebelles, pensent continuer leur propre guerre. Dans ce but, ils ont dans l’idée d’aller demander de l’aide au Mexique, plus précisément à l’Empereur Maximilien et aux troupes françaises, leur amenant en échange des surplus d’armes volées. D’autres, moins belliqueux, pensent que cette situation confuse et humiliante va se tasser ; apprenant que la pénurie de viande sévit dans le Nord, ils décident d’aller leur vendre leurs immenses troupeaux et ainsi, dans le même temps, de se refaire un pécule. Si certains étaient encore réticents, il se joignent à cette décision le jour où le gouvernement leur sort du chapeau un nouvel impôt de 1 dollar par tête de bétail. Pour y échapper, ils se regroupent en convoi et entament un long voyage en territoire indien avec 10 000 bêtes à cornes par la piste de Chisum (Chilsom Trail) qui doit les conduire jusqu’à Abilene (Kansas), lieu de départ du train transcontinental pour les régions du Nord. Entretemps, les Sudistes forcenés ont perdu toute leurs illusions mexicaines puisque les troupes du dictateur viennent d’être renversées ; les plus dépités décident de créer une nouvelle organisation baptisée K.K.K. (Le Ku Klux Klan), dont le but premier est de chasser les Yankees hors du Sud...

Voilà un rapide point d’histoire qui se trouve être dans le même temps la colonne vertébrale de l’intrigue du film de James Hogan (surtout connu pour avoir réalisé l’un des seuls films américains sur la Guerre d’Espagne et de nombreux Bulldog Drummond), The Texans. On constate la richesse et le nombre de pistes de réflexions historiques sur lesquelles semblait devoir nous lancer cette production de prestige de la Paramount, remake de la suite officielle de The Covered Wagon, North of 36’. Malheureusement, aucune de ces pistes ne sera vraiment approfondie, les scénaristes ayant préféré insuffler de l’humour à tout bout de champ dès qu’un semblant de sérieux paraissait vouloir se mettre en place. Nous avons en définitive plus à faire à une pantalonnade qu’à un western à l’humour fin et subtil. On ne peut pas dire que le film de James P. Hogan soit ennuyeux mais il nous déçoit régulièrement, les éléments comiques lui "coupant les ailes" à chaque fois qu’on s’attendait à ce qu’il prenne son envol, à chaque amorce d’ampleur ou de gravité. On assiste néanmoins à de spectaculaires séquences de traversée du Rio Grande par un troupeau, d’attaques indiennes ou d’incendies de prairie, mais James P. Hogan se révèle un piètre réalisateur, gâchant ces scènes par un montage approximatif, l’utilisation de vilaines transparences et un réel manque de souffle dans sa mise en scène.

Sa direction d’acteur n’est guère plus convaincante : Robert Cummings (futur interprète d’Alfred Hitchcock dans Cinquième colonne notamment) est d’une rare fadeur, Randolph Scott, loin de sa réputation d’ascétisme et de laconisme, en fait parfois des tonnes, peu aidé par son maquillage outrancier et sa coupe de cheveux frisés, et May Robson cabotine sans retenue. Seul Walter Brennan, qui teste ici son personnage de vieux grincheux édenté, semble paradoxalement plutôt sobre. Quant à la future interprète de Fritz Lang, Joan Bennett, elle nous gratifie de son beau visage angélique mais ne semble quand même pas spécialement à l’aise en femme de l’Ouest, sympathisante sudiste ; dommage d’autant que son personnage de femme forte et obstinée était plutôt intéressant, coincée entre son amour pour un Sudiste revanchard (Robert Cummings) et les idées plus progressistes de l’homme qui lui a sauvé la mise au début du film (Randolph Scott) en lui permettant de passer entre les mailles des fouilles yankees alors qu’elle transportait des chargements de fusils à destination des rebelles.

L’impact de l’arrivée du chemin de fer, les agissements d’hommes politiques peu scrupuleux, la volonté de certains Texans de vouloir s’intégrer aux États-Unis alors que d’autres les appelant les "Yankees-Unis" considèrent la reprise des conflits comme une priorité, la confusion de cet après-guerre démoralisant pour les vaincus, le fourmillement de cette ère trouble de reconstruction… Un fort potentiel qui ne tient pas toujours ses promesses et au final une fresque insipide (pour laquelle on se demande parfois où a bien pu passer le budget alloué), et limite raciste, mais néanmoins pas désagréable et intéressante pour comprendre la complexité de la situation et les dérives qui en ont découlées.

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 5 juin 2010