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Critique de film
Le film

La Hache de la vengeance

(When the Redskins Rode)

L'histoire

1753 en Virginie. Le Colonel George Washington (James Seay) et l’éclaireur Christopher Gist (John Ridgely) introduisent le prince Hannoc (John Hall) de la tribu des Delaware dans la bonne société de Williamsburg. Grâce à leur protégé, ils espèrent ainsi conclure une alliance avec la tribu indienne dans le but qu’elle ne rallie pas - comme bon nombre d’entre elles - les Français dans le conflit franco-britannique qui s’avère imminent, "la guerre de la Conquête". Mais Elizabeth Leeds (Mary Castle), une charmante espionne française, tente d’envoûter le prince indien pour faire échouer ces négociations. Les Français, apprenant de la bouche de Hannoc la prochaine rencontre entre les Anglais et son père, le chef Shingiss (Pedro De Cordoba), tendent un piège à la petite troupe de 40 hommes conduite par Washington. Hannoc sauve les Anglais qui ne sont pourtant pas au bout de leurs peines jusqu’à ce qu’ils se retrouvent même bloqués à Fort Necessity, entourés pas des Français bien plus nombreux...

Analyse et critique

Les faits historiques relatés étant plus passionnants que le film qui les raconte, appesantissons-nous très brièvement dessus d’autant plus que le nombre de films hollywoodiens consacrés à cette période de l’histoire de l’Amérique reste assez chiche, les deux plus connus étant Le Grand passage (Northwest Passage) de King Vidor ainsi que le magnifique Sur la piste des Mohawks (Drums Along the Mohawk) de John Ford. Les intrigues de ces deux films se déroulent quelques années après celle de When The Redskins Rode. Au milieu du XVIIIème siècle, les Français et les Anglais se disputent âprement pour la domination coloniale les terres du Nord des USA, chacun des deux pays s’étant allié avec des tribus indiennes, les Iroquois pour les Anglais, quasiment toutes les autres pour les Français. Le 3 juillet 1754 a lieu la bataille de Fort Necessity - le fait historique qui termine le film de Lew Landers - qui oppose 700 Français à 200 Anglais bloqués à l’intérieur de la forteresse de fortune sous le commandement du futur premier président des États-Unis, un George Washington alors âgé de seulement 22 ans. Avec un tel postulat de départ, de plus nourri par des faits véridiques, il y avait vraiment de quoi faire un film historiquement captivant à partir de cette histoire réelle qui met en scène un célèbre futur homme politique essayant d’allier les Anglais à une tribu indienne - les Delaware - dans les vallées verdoyantes de l’Ohio ; mais ce sera au final un nanar hautement fantaisiste.

Plutôt que de dénigrer moi-même le réalisateur Lew Landers - ce qui serait totalement gratuit, ne connaissant qu’un autre film de sa carrière prolifique, le totalement niais Captain John Smith and Pocahontas en 1953 - je vous invite à aller lire la page que Bertrand Tavernier et Jean-Louis Coursodon lui consacrent dans 50 ans de cinéma américain, l’une des plus méchamment jubilatoires de leurs livres, très probablement injuste aux dires de certains mais qui au vu de ces deux westerns peut tout à fait se comprendre. Cette seconde de mauvais esprit devant être immédiatement oubliée et évacuée, La Hache de la vengeance se révèle néanmoins un peu plus sympathique que son film sur Pocahontas : sa naïveté, son côté kitsch (les costumes du prince des Delaware semblant sortis tout droit d’un spectacle de fin d’année d’école primaire), la beauté des couleurs du procédé SuperCineColor, le personnage de l’espionne française peu farouche interprétée par la charmante Mary Castle ainsi qu’une "certaine efficacité" pour les scènes d’action arrivent parfois à sortir le spectateur de sa torpeur - et j’insiste bien sur la nuance "certaine" car il ne faut pas y regarder non plus de trop près (si certains plans lors des scènes de batailles font leur petit effet par leur sécheresse et leur pouvoir d’évocation, les bagarres à poings nus sont assez mal fichues).

Il faut dire aussi que, hormis l'agréable John Ridgely, l’attrayante Mary Castle et le toujours excellent John Dehner - néanmoins ici complètement sous employé -, le reste du casting est loin de faire des étincelles. Et ce sont les Indiens les plus mal lotis, tous très mal campés par des acteurs bien blancs. Parmi ces derniers, le principal protagoniste, le prince Hannoc, est médiocrement interprété par un spécialiste des rôles exotiques dans des films d’aventures bariolés et dépaysants - la plupart produits par Sam Katzman pour la Columbia - le totalement fadasse John Hall qui voyagera dans l’espace et le temps, des mers du Sud aux contes des Mille et une nuits, en passant par l’Égypte ancienne ou comme ici par le Nord de l'Amérique durant la guerre de la Conquête communément appelée dans sa langue originale French and Indian War. D'emblée, un signe aurait pu nous mettre la puce à l’oreille quant à la médiocrité de l’ensemble : alors que le film débute, on va assister à une après-midi de festivités en extérieurs en l’honneur du prince indien ; un plan s’arrête une bonne vingtaine de secondes sur le détail du programme et je peux vous assurer que 20 secondes paraissent interminables lorsqu’il s’agit de fixer les yeux sur un texte sans aucun intérêt (pas plus pour le spectateur que pour l’intrigue). Dès lors, on se dit que les auteurs semblent vouloir faire trainer et c'est effectivement ce qui arrivera avec notamment beaucoup de bavardage intempestif.

When The Redskins Rode est un "pré-western" qui pourra faire passer un moment pas trop désagréable lors d'une après-midi pluvieuse mais sous plusieurs conditions dont voici énumérées seulement quelques-unes : ne s’attendre à rien de spécial pour pouvoir glaner quelques menus plaisirs, ne pas avoir peur du kitsch, accepter des nuits américaines complètement "foirées" et également qu’un film se déroulant dans le Nord des USA ne cache pas ses lieux de tournage californiens - ce qui représente quand même un sacré grand écart géographique... Pour résumer, à moins d'apprécier le charme naïf des sympathiques nanars, ceux qui ne peuvent s'en contenter peuvent d'ores et déjà passer leur chemin !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 25 février 2017