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Critique de film
Le film

La Furie du Texas

(Fort Worth)

L'histoire

Ancien tireur d’élite, Ned Britt (Randolph Scott) a troqué son six-coups contre un stylo depuis qu’il dirige un journal au Kansas, souhaitant désormais combattre les injustices d’une manière plus pacifique. Avec ses partenaires Ben Garvin (Emerson Treacy) et Luther Wick (Dick Jones), il se dirige au sein d’une caravane de pionniers vers San Antonio pour ouvrir un nouveau journal. Sur leur route, Flora Talbot (Phyllis Thaxter) rejoint la caravane. Ned la connait bien puisqu’il fut l’employé de son père des années auparavant à Fort Worth. Elle lui apprend qu’elle projette de se marier avec Blair Lunsford (David Brian), ancien ami et complice de Ned, désormais richissime vendeur de bétail. Gabe Clevenger (Ray Teal), chef d’un redoutable gang qui terrorise la ville de Fort Worth, et qui a déjà eu maille à partir avec Ned quatorze ans auparavant, ne souhaite pas que ce dernier revienne s’installer dans son fief. Un de ses hommes déclenche une panique au sein d’un troupeau de bétail, ce qui cause la mort d’un jeune garçon qui faisait partie du convoi et dont Ned s’était pris d’amitié. Au grand dam de Flora, Ned refuse néanmoins de se servir de ses armes pour punir les "meurtriers". A leur arrivée à Fort Worth, Blair persuade Ned d’ouvrir le journal dans sa ville qui attend instamment l’arrivée du chemin de fer et qui devrait très vite prospérer. Une chose chiffonne néanmoins Ned : comment son ancien ami s’est-il débrouillé pour s’approprier autant de terres à si bas prix et aussi rapidement ? Serait-il en cheville avec Clevenger ? Ne se serait-il pas considérablement enrichi en escroquant les terres de la population menacée par le banditisme florissant soutenu par lui-même ? Quoi qu’il en soit, dans le doute, les deux hommes travaillent en bonne entente. Et quand les mots ne s’avèreront pas assez puissants pour déloger la mauvaise herbe, Ned n’hésitera pas à s’emparer de l’insigne de shérif qui se trouve sur le torse d’un couard, et d’aller régler ses comptes à coups de revolver...

Analyse et critique

Edwin L. Marin n’assistera pas à la première de son dernier film puisqu’il décéda quelques semaines avant sa sortie. Né en 1899, il arrive à Hollywood au début de 1930. D’abord assistant metteur en scène, il signe son premier film en 1933 et en réalise plus de trente cinq avant d’aborder le western. Ce sera en 1944 pour la RKO avec L’Amazone aux yeux verts (Tall in the Saddle) : John Wayne en était la tête d’affiche et il était accompagné par Ella Raines dans un rôle de femme forte qui faisait forte impression. Cela dit, ce western-policier ne se révélait que tout juste plaisant tout comme celui qui suivit, Abilene Town où le cinéaste fit tourner Randolph Scott pour la première fois. Ce furent pourtant, de ceux que j’ai pu voir, ses meilleurs westerns si on leur ajoute l’intéressant Raton Pass avec Patricia Neal, mélange de western et de mélodrame. Juste moyens mais pas déplaisants. Parmi ses sept autres westerns, six ont Randolph Scott comme acteur principal. Trois bénéficient de titres "exotiques" aux parfums d’aventure pour le moins alléchants : Canadian Pacific, The Cariboo Trail ou Fighting Man of the Plains. Ils furent produits par l’indépendant Nat Holt et distribués par la Fox mais sont malheureusement difficiles à voir. Les trois autres, plus connus par le fait d’être plus souvent diffusés, ont été tournés pour la Warner. Dans le domaine de la série B westernienne, le studio proposant depuis quelques années le bas du panier, Colt 45 et Sugarfoot ne représentent en effet pas grand intérêt (le second étant même un sombre navet) et il en est de même concernant son ultime film, Fort Worth, baptisé en français La Furie du Texas - on se demande bien pourquoi, le personnage féminin interprété par Phyllis Thaxter n’ayant que peu d'importance et n'étant en rien une harpie.

Hormis le fait de trouver Randolph Scott dans la peau d’un journaliste n’hésitant pas à endosser le tablier d’imprimeur à l’occasion, affirmant à plusieurs reprises préférer l’efficacité des mots à celle des armes à feu, il n'y a rien de bien nouveau à se mettre sous la dent ! Comme Fort Worth est produit par la Warner, les conventions scénaristiques vont même bon train et les personnages caricaturaux foisonnent. Edwin L. Marin n’étant pas un très bon metteur en scène, il est clair qu’il n’allait certainement pas pouvoir relever le niveau ; bref la cuvée s’annonce plutôt terne. Heureusement, Fort Worth bénéficie d’un "méchant" flamboyant de tout premier ordre, superbement interprété par un David Brian sacrément charismatique et qui vole carrément la vedette à Randolph Scott ; ce qui n’empêche pas ce dernier d’avoir toujours autant de classe et d’élégance. Le personnage de Blair Lunsford, arriviste visionnaire et sans scrupules est quasiment la seule bonne chose à sauver de ce western plus que faiblard. Très ambigu, on ne sait jamais dans quel camp il se situe, on ne sait jamais s’il ment ou dit la vérité mais il se révèle crédible dans tous les cas. Son sourire carnassier, sa manière de se servir de deux armes à la fois, ses volte-face permanentes, sa prestance et son bagout font de Blair Lunsford un personnage assez passionnant ; il le restera d’ailleurs jusqu’au bout, toutes les équivoques n’ayant pas été levées au moment où il succombe. Voulant s’approprier le maximum de terres (pour cela, il capitalise sur la peur des habitants face à la terreur que fait régner Clevenger et rachète leur propriété à prix plancher quant ils décident de fuir la région) et devenir gouverneur du Texas, sa mégalomanie dictatoriale est toujours accompagnée d’une bonhommie et d’une intelligence qui peuvent faire croire que ses idées de grandeur veulent peut-être servir l’Etat du Texas et non seulement ses intérêts personnels. On pense parfois au personnage d’Errol Flynn dans La Rivière d’argent (Silver River) ou à celui de Vincent Price dans Le Baron de l’Arizona de Samuel Fuller.

A ses côtés, on trouve quelques seconds rôles peu marquants, un "bad guy" peu convaincant et encore moins effrayant en la personne de Ray Teal, ainsi qu’un personnage féminin sous-employé. Bref, David Brian porte le film sur ses épaules, ce qui évite qu’on s’y ennuie. Mais il est bien le seul à nous tenir éveillé au sein d’une intrigue inutilement embrouillée et autrement plutôt convenue. L’impression de déjà-vu pour le reste est amplifiée par le fait de nous retrouver devant des situations et même des plans et séquences repris intégralement de Dodge City de Michael Curtiz : la mort d’un enfant piétiné, la course entre une diligence et un train, la fusillade dans un wagon en flammes... On y trouve néanmoins un Technicolor toujours aussi réjouissant pour les mirettes et quelques moments assez efficaces, notamment les fusillades très bien menées : l’échange des revolvers à la volée entre Randolph Scott et David Brian alors qu’ils étaient tenus en joue est même assez jouissif. Dans l’ensemble, ce n’est guère mieux que Colt 45 - pour ceux qui connaîtraient ce dernier - mais moins idiot que Sugarfoot ; dans tous les cas, hormis les fans de Randolph Scott ou les aficionados de la série B peu difficiles ou regardants, La Furie du Texas ne pourra probablement pas plaire à grand monde. On peut facilement faire l’impasse si l'on veut ne pas être trop vite lassé du western américain classique. Il n'y a pas grand chose à en dire de plus en tout cas.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 22 mars 2013