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Critique de film
Le film
Affiche du film

La Diligence vers l'Ouest

(Stagecoach)

L'histoire

Malgré la menace qui pèse sur la région après qu’une bande d’Indiens a massacré un détachement de la cavalerie américaine, plusieurs personnes décident de prendre place à bord d’une diligence assurant la liaison de Tonto à Cheyenne. Ce groupe hétéroclite se compose d’un homme de loi ayant décidé de les escorter (Van Heflin), d’un conducteur débonnaire et peureux (Slim Pickens), d’un médecin alcoolique (Bing Crosby), d’une prostituée expulsée de la ville (Ann-Margret), d’un banquier malhonnête (Robert Cummmings), d’un mystérieux joueur (Mike Connors), d’un timide représentant en whisky (Red Buttons) ainsi que de l’épouse enceinte d’un officier de cavalerie (Stefanie Powers). En cours de route, un nouveau passager vient se joindre à eux, Ringo Kid (Alex Cord), un hors-la-loi malgré lui qui cherche à se venger de la mort de membres de sa famille. Le voyage ne va pas être de tout repos, d’autant plus dangereux à partir du moment où leur escorte militaire rebrousse chemin et les laisse seuls en ces lieux infestés d’Indiens faméliques...

Analyse et critique

Avant toute chose et avant que les amateurs du film ne me tombent dessus à bras raccourcis, il leur faut savoir que si, comme une grande majorité de spectateurs, je trouve ce remake inutile, c’est uniquement parce que j'estime que ce western est très mauvais indépendamment du fait qu'il soit un remake. En effet, je ne fais pas partie de ceux qui s’offusquent lorsque est annoncé le remake d’un film réputé intouchable, y compris d’un de mes films fétiches, considérant au contraire qu’une même histoire a le droit de tomber entre les mains de n'importe qui et que, si le cinéaste qui s’y lance à nouveau possède une vision différente de celle du réalisateur du film original, le remake pourrait tout à fait se révéler tout aussi intéressant ou (et) réussi que son prédécesseur. Cela étant dit et en l’occurrence, puisque La Diligence vers l’Ouest est un quasi décalque de La Chevauchée fantastique, il faut bien se rendre à l’évidence : le film de Gordon Douglas n’arrive pas à la cheville de celui de John Ford dans quelque domaine que ce soit !

Et pourtant, même si dans le genre il m’a déçu à de très nombreuses reprises, Gordon Douglas est en principe loin d’être un tâcheron. Son premier essai dans le domaine du western était même superbe, il s’agissait du dynamique et généreux Face au châtiment (The Doolins of Oklahoma) avec Randolph Scott ; mais le cinéaste ne réussira jamais par la suite à l’égaler. Plus tard, on pouvait encore trouver dans sa filmographie d’autres westerns presque tout aussi réjouissants comme en 1958 l’excellent Sur la piste des Comanches (Fort Dobbs) puis, encore plus proche de nous, Rio Conchos, sans aucun doute l’une des œuvres les plus maîtrisées de son auteur avec également durant la même décennie le jubilatoire Tony Rome est dangereux (Tony Rome) avec Frank Sinatra. L’idée de produire une version en Cinémascope et en couleurs du très beau film de Ford était a priori tout aussi alléchante qu'intéressante d’autant que le cinéaste avait décidé de tourner dans des lieux totalement différents, les paysages désertiques du premier étant remplacés par des forêts verdoyantes et des montagnes parfois enneigées.

Plein de bonne volonté, confiant dans l’efficacité de Gordon Douglas, j’ai malheureusement très vite déchanté. On se demande tout d’abord où a bien pu passer le budget qui semble pourtant avoir été assez conséquent. Dans le cachet des acteurs et la location de l’hélicoptère à partir duquel Douglas filme des plans aériens assez impressionnants (notamment lors du générique) mais très peu raccord avec ce qui suit ? Car comment expliquer autrement, pour l'époque, de telles minables transparences lors des séquences mouvementées, la tristesse et la pauvreté des décors ou encore l'utilisation d'un petit bricolage à peine digne d’une classe de primaire, témoin la reconstitution de la rivière en fond de canyon par du papier aluminium (sic). Pas bien sérieux, vous en conviendrez. Ajouté à tout cela un humour vulgaire ou stupide (le lalalalala de Red Buttons), des comédiens qui pour la moitié d'entre eux cabotinent (pauvre Bing Crosby dans son dernier rôle) et pour l’autre semblent aux abonnés absents (Van Heflin en tête), des personnages stéréotypés et sans nuances, une absence totale d’émotion... Reste un travail plutôt efficace de Ray Kellog à la tête de la seconde équipe (mais que les scènes d'action sont inutilement étirées...) ainsi que le joli minois des deux comédiennes Ann-Margret et Stefanie Powers. Voilà un bien maigre bilan !

Gordon Douglas peut se moquer totalement de sa mise en scène au point de ne pas faire la mise au point sur le sublime visage d'Ann-Margret pendant une bonne minute ; sa direction d'acteurs peut s'avérer médiocre au point de rendre entièrement mauvais un prestigieux casting, y compris un Van Heflin totalement quelconque ; une même histoire peut accoucher à la fois d'un chef-d'œuvre et d'un très mauvais western ; un film peut être tour à tour ultra-violent (une violence d’ailleurs totalement gratuite) et d'une mièvrerie confondante la minute suivante ; Jerry Goldsmith pouvait se montrer capable de s'endormir sur sa partition... L'avantage avec ce western est qu'il nous démontre que tous ces paradoxes peuvent bel et bien coexister dans un seul et même film. S'il ne nous prenait pas l'idée de réfléchir à tout cela, il y a longtemps que nous nous serions assoupis devant ce déplorable gâchis.

Décidément Gordon Douglas n’aura pas eu de chance avec ses remakes, Stagecoach faisant suite à celui qu’il avait entrepris une dizaine d’années plus tôt : The Fiend Who Walked the West (Le Tueur au visage d'ange) reprenait alors le scénario du Carrefour de la mort de Henry Hathaway pour en faire une version westernienne entièrement gâchée par l'interprétation pénible de Robert Evans. Mais inutile de s’étendre plus longuement sur ce Stagecoach bâclé, paresseux, inutilement bavard, sans rythme et sans vie, sanctionné par un échec commercial totalement justifié.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 19 novembre 2016