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Critique de film
Le film
Affiche du film

La Chevauchée des Vaqueros

(Cattle Empire)

L'histoire

John Cord (Joel McCrea) vient de passer cinq années en prison pour avoir été tenu responsable du saccage d’une ville par ses cowboys ivres qui s'étaient rendus dans cette bourgade pour fêter la fin de leur long convoyage de bétail. A Hamilton où eurent lieu ces fâcheux événements ayant causé morts et blessés, les habitants ne lui ont toujours pas pardonné ; avides de vengeance, dès que Cord remet les pieds en ville, ils tentent de le lyncher. Heureusement pour lui, l’intervention du plus gros éleveur de la ville vient stopper ces violences in extremis. Ce rancher a pourtant perdu la vue lors de cette tristement célèbre soirée de vandalisme mais semble avoir tourné la page. Il s’est entre-temps marié avec la fiancée de Cord et propose à ce dernier de convoyer son troupeau de plusieurs milliers de bêtes. Cord accepte à condition que son épouse, lui-même, ainsi que tous les éleveurs qui ont failli le pendre fassent partie du convoi... Pour quelles raisons mystérieuses ? On ne le comprendra jamais vraiment...

Analyse et critique


Charles Marquis Warren, tout d’abord écrivain, avait consacré nombre de ses romans à l’histoire de l’Ouest, privilégiant les faits peu connus, les thèmes originaux, les personnages atypiques. Il fut aussi un scénariste parfois très efficace, écrivant par exemple le script diablement réjouissant de l’excellente Mission du Commandant Lex (Springfield Rifle) d’André de Toth avec Gary Cooper. Quand au début des années 50 on lui proposa de passer derrière la caméra, il le fit sans hésitation, demandant néanmoins des conseils à Budd Boetticher. Après le très bon Little Big Horn, le médiocre et raciste Arrowhead (Le Sorcier du Rio Grande) nous avait déjà mis la puce à l’oreille quant à la médiocrité de Warren en tant que réalisateur. Même si auparavant Hellgate tenait également un peu mieux la route grâce surtout au décor unique choisi pour y implanter son intrigue, il s’avère désormais clair que le cinéaste n’a pas eu l’air de tenir compte des recommandations prodiguées par le réalisateur de Comanche Station tellement une fois encore la mise en scène de Cattle Empire reste nullissime tout du long. Ce film s'avère encore plus mauvais que le précédent et déjà minable Trooper Hook, tous deux d’une immense platitude, sans aucune vigueur ni rigueur, et dont la direction d’acteurs se révèle tout aussi inefficace, trouvant le moyen de rendre ici et là Joel McCrea totalement amorphe. Sans parler du reste du casting, tous les comédiens étant plus mauvais les uns que les autres.


Et pourtant sur le papier cela semblait bien pouvoir tenir la route, l’histoire de départ ayant de plus été écrite par le très bon Daniel B. Ullman qui scénarisa avec talent des westerns aussi réussis que Fort Osage de Lesley SelanderUn jeu risqué (Wichita) de Jacques TourneurTerre de violence (Good Day for a Hanging) de Nathan Juran ou encore Le Salaire de la haine (Face of a Fugitive) de Paul Wendkos. Un lynchage sur le point d’avoir lieu sur un homme dont on ne sait pas vraiment de quels maux il est accusé ; un rancher aveugle qui a épousé la fiancée de ce dernier alors que celui-ci purgeait une longue peine de prison ; des citoyens haineux qui vont devoir se joindre à un convoi dont le patron sera celui qu’ils voulaient pendre... Des situations plutôt nouvelles - ou en tout cas rarement vues - et a priori assez intéressantes à développer ; mais quand vous aurez constaté à quel point tout ceci est mal amené et mené, vous aurez d’emblée compris que le visionnage de ce film pourrait s'avérer un véritable calvaire.


Une chose positive, on pressent dès le laborieux préambule que le western de Charles Marquis Warren va être mauvais. Alors qu’il aurait dû être tendu, ce prologue se voulant également très sombre se révèle aussi anémié que tout ce qui va suivre ; de plus, comme le budget est ridicule, les équipes techniques et artistiques n’ont fait aucun effort pour dissimuler ce manque de moyens. On a beau dire que des conditions difficiles forcent parfois les artistes à se surpasser, à stimuler leur imagination et à avoir de l’inspiration pour trouver des solutions palliatives, ici ce n’est absolument pas le cas : tout s'avère au contraire d’une pauvreté abyssale, que ce soit l’écriture, la réalisation, la musique, la photographie - pauvre Cinémascope, utilisé sans la moindre once de talent -, les décors en studio ou l’interprétation... Il faut dire que les personnages sont tous décrits sans la moindre nuance, le pompon allant aux protagonistes féminins totalement sacrifiés et/ou nunuches comme ce n’est pas permis. A signaler néanmoins pour information que les dernières minutes se déroulent au même endroit de Lone Pine où furent tournés les chefs-d’œuvres de Boetticher.


A force de vouloir faire mystère de tout ce qui concerne certains personnages, on ne comprend rien aux motivations de chacun et à vrai dire on s'en désintéresse totalement, d’autant que par ailleurs les poncifs se font abondants, que les invraisemblances s’accumulent et que personne ne semble s’être senti impliqué, le film paraissant du coup durer trois heures. Bref, ayant des milliers de choses plus intéressantes à voir que ce western à l’encéphalogramme plat, on va s’arrêter là en vous laissant vous faire votre propre opinion. Mon conseil serait pourtant : "Circulez, y a rien à voir." Décidément, la filmographie westernienne de Joel McCrea n’aura vraiment pas été très glorieuse, seul un petit quart s’en sort relativement bien. Plutôt que ce film totalement bâclé, revoyez La Rivière rouge de Howard Hawks, un western inégalé pour ce type d’histoires.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 3 mars 2018