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Critique de film
Le film

La Belle rousse du Wyoming

(The Redhead from Wyoming)

L'histoire

Ayant pour ambition de se faire élire gouverneur de l’État du Wyoming, Jim Averell (William Bishop) exhorte les nouveaux arrivants à ne pas se laisser faire par Reece Duncan (Alexander Scourby), le plus gros rancher de la région. Pour gagner leur confiance (et leurs votes), il leur promet de les aider à lutter contre ce dernier. En effet, Reece ne supporte pas que l’on vienne sur ses terres pour s’accaparer les veaux qui n’auraient pas encore été marqués (les fameux mavericks) et prévient quiconque s’aventurerait sur son territoire qu’il recevrait du plomb en retour. Malgré la présence du shérif Stan Blaine (Alex Nicol), la discussion devient houleuse et aurait même tourné au drame si la diligence ne venait pas de faire son apparition avec à son bord la charmante et nouvelle tenancière de saloon, Kate Maxwell (Maureen O’Hara). Averell la présente également comme sa future collaboratrice dans l’association qu’il a décidé de créer pour faire concurrence à Duncan dans la vente de bétail. Le shérif, qui s’est immédiatement amouraché de la jeune femme, prévient celle-ci que Jim se sert d’elle et que ses vilaines combines pourraient déclencher une guerre des prairies comme il en a déjà connu une au Texas, au cours de laquelle tous les membres de sa famille ont péri. Averell, dont le but est de faire s’entretuer les deux camps afin de récupérer toutes les terres, fait monter la tension de part et d’autre ; il engage même des hommes chargés de voler le bétail de Duncan pour l’amener dans le cheptel de Kate. Cette dernière, logiquement accusée de vol et de meurtre, se retrouve dans une situation périlleuse. Mais le shérif veille et va la tirer de cette mauvaise passe en révélant, preuves à l’appui, les malversations de celui qui se présentait comme le bienfaiteur de la ville. Un piège lui est tendu par les deux camps enfin réconciliés...

Analyse et critique

C’est la compagnie Universal qui ouvre le bal pour la cuvée westernienne 1953, et ce dès le deuxième jour de l’année. Le studio nous offre à cette occasion l'une de ces petites séries B dont le producteur Leonard Goldstein a le secret, sans aucune prétention ni réelles surprises et même totalement oubliable cinq minutes après le "The End" traditionnel, mais néanmoins sacrément plaisante sur le coup (certaines de ces productions Goldstein dépassent néanmoins ce cadre, témoin le superbe Tomahawk de George Sherman). Bref, La Belle rousse du Wyoming se présente comme un honnête divertissement en Technicolor pour les aficionados uniquement et qui narre les habituels conflits entre deux groupes d'éleveurs, ici l'imposant Cattle Baron contre les nouveaux pionniers, sauf qu’entre les deux vient se placer un politicien ambitieux qui tire les ficelles avec pour but que les deux camps finissent par s’autodétruire pour lui faire place nette. L’histoire du film s’inspire de faits historiques qui ont eu lieu en 1892 et qui sont connus sous le nom de The Johnson County War ; des événements tragiques que racontera Michael Cimino en 1980 dans son célèbre La Porte du paradis (Heaven’s Gate).

Les rivalités entre deux factions, une situation connue par cœur par tous les habitués du genre me direz-vous ; sauf qu' il s’agit le plus souvent du cas de figure de la lutte pour les terres entre éleveurs et fermiers. Nous avons ici affaire à petite variation en l’occurrence, puisque dans le film de Lee Sholem sont abordés les antagonismes qui ont lieu entre les ranchers installés depuis quelques années et les nouveaux arrivants qui souhaitent eux aussi se lancer dans l’élevage du bétail. A l’aide d’un montage ultra rapide plutôt efficace, la séquence qui suit le générique (et qui défile d’ailleurs sur un joli thème musical écrit par Herman Stein, compositeur qui marche sur les pas de l’excellent Hans J. Salter) fait une sorte de résumé en voix-off de l’histoire des Cattle Barons et de leur situation en cette fin de XIXème siècle, racontant comment ces gros ranchers en sont arrivés à empêcher les suivants de procéder de la même façon qu’eux-même l’avaient fait en arrivant sur ces terres vierges, c'est-à-dire s’approprier en toute légalité les mavericks, les veaux non marqués.

Pour ceux que le sujet intéresserait, voici intégralement reproduit ce qui se dit lors de cette introduction ; et désolé par avance pour les non-anglophiles car ce rapide et intéressant survol historique, traduit dans les sous-titres en canadien du DVD, rendait le tout encore plus abscons qu’il peut sembler l’être ici : "When the territories of the great west were thrown open, men of all kinds rushed in. Most came to settle peaceably, lured by free land, gold, cattle. A man could begin a herd with a maverick, an unbranded stray on the public range. By putting his brand on it, he owned it. The cattle barons had started their great herds with mavericks. Now, they fought each settler who tried to do the same. They fought to keep the settlers off the public lands, drive them from their homes, destroy their towns. Vast ranges became the battlegrounds of cattle wars. When the Wyoming big ranchers found guns were not enough, they used the Maverick Law, a law through which they appointed themselves commissioners with power to rule on the ownership of every maverick branded. A commissioner's ruling could declare the settle a rustler, outlaw his brand, make his mavericks illegal to sell. Of course, there was no shortage of sharp-witted men who were quick to take advantage of the law." Une fois la situation exposée, la "Maverick Law" explicitée, on entre directement dans le cœur de l’intrigue.

Même si ce western aborde sans le nommer un conflit encore jamais évoqué, la Johnson County War qui a violemment culminé comme ici par un affrontement sanglant entre les ranchers locaux, des tueurs payé par Jim Averell (personnage qui a réellement existé) et le Posse mis en place par le shérif du comté, le film de Lee Sholem reste tout à fait prévisible et conventionnel. Cela dit, il s’avère plutôt efficace grâce à un scénario bien écrit et bien mené, ainsi qu'à une mise en scène très correcte. Doit-on imputer cette petite réussite à l’homme habituellement spécialisé dans la série Z, ayant auparavant réalisé deux Tarzan avec Lex Barker ou un Superman à la réputation de ridicule nanar ? Ou à son assistant, un nommé Jesse Hibbs qui deviendra par la suite un honnête artisan de cette même série B westernienne ? Ou alors tout simplement au système de production de Leonard Goldstein et d'Universal concernant les westerns du studio ? Car, ces westerns Universal (qui me tiennent fortement à cœur) possèdent tous plus ou moins des points communs et s’avèrent assez reconnaissables comparés à ceux des autres Majors : une violence plus sèche, un rythme plus soutenu, une volonté de ne pas trop s’appesantir sur des éléments de romance inutiles, une recherche de plus grand réalisme avec l’emploi de cascadeurs chevronnés et le refus d'utiliser des transparences lors des séquences d’action en extérieurs, un usage très restreint de l’humour et du pittoresque mais surtout des comédiens toujours parfaitement choisis - des premiers au derniers rôles - sans nécessairement faire appel à de grandes stars de l’écran.

Ici en l’occurrence, nous avons trois personnages masculins principaux interprétés par des acteurs quasiment inconnus : William Bishop, le politicien aux dents qui raient le plancher et qui tente de gagner la confiance des colons pour servir ses intérêts (« I'm going to make the whole territory of Wyoming my own private range »), faisant un peu penser au personnage que tenait Robert Ryan dans Le Traître du Texas (Horizons West) de Budd Boetticher, Alexander Scourby, l’élégant Cattle Baron plutôt effacé (ça nous change des propriétaires d’élevage grandes gueules et trop charismatiques) et surtout Alex Nicol dans la peau de l’homme de loi appelé tout du long "The Drifter" ou "The Maverick". Ce "beau gosse" qui fait un peu penser à Audie Murphy s’avère plutôt bon dans le rôle de ce shérif laconique (« He's just a drifter. Doesn't make any trouble, doesn't want any »). Mais The Redhead of Wyoming, comme son titre le laissait présager, est surtout un véhicule chatoyant pour sa star féminine, la rousse flamboyante Maureen O’Hara, ici dans la peau d’une femme de tête n’hésitant pas à chevaucher à vive allure, prendre d'importantes décisions et à tenir des armes ; elle apporte une petite touche de féminisme bienvenue au milieu de cet univers viril : « Il est grand temps que les femmes se mettent à diriger le monde » dira-t-elle. Le plus gros du budget de cette production semble être tombé dans l’escarcelle des costumiers car pour le plus grand plaisir des yeux, l’actrice change de tenue quasiment à chaque séquence.

La Belle rousse du Wyoming s'avère une divertissante série B westernienne, assez vigoureusement menée même si assez bavarde et parfois inutilement complexe, aux dialogues assez vifs et portée à bout de bras par Maureen O'Hara dans un rôle cousu sur mesure de femme forte. Le reste de la distribution est correct et le Technicolor rutilant permet à l'actrice d'étaler une garde robe colorée du plus bel effet d’autant que la photo est signée du grand chef-opérateur Winton C. Hoch - qui nous avait enchantés avec celle de La Charge héroïque (She Wore a Yellow Ribbon) de John Ford. Un film sympathique donc, mais qui ne pourra raisonnablement plaire qu'aux amateurs du genre. A noter pour l’anecdote qu’en lieu et place de William Bishop et Alex Nicol, Stephen McNally et Charles Drake avaient été initialement prévus pour entourer Maureen O’Hara.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 15 septembre 2012