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Critique de film
Le film

L'Inspiratrice

(The Great Man's Lady)

L'histoire

1942. On est sur le point d’inaugurer la statue de feu le sénateur Ethan Hoyt (Joel McCrea), le pionnier à l’origine de la construction de la ville de Hoyt City. Tous les plus grands journaux ont envoyé leurs reporters sur place, espérant que la centenaire Hannah Sempler (Barbara Stanwyck) leur en révèlera plus sur ce grand homme qu’elle semble avoir très bien connu. Mais la vieille femme veut garder secrète la relation qu’elle eut avec celui que l’on célèbre aujourd’hui ; elle chasse tous les journalistes de sa maison sauf une jeune femme (Katherine Stevens) avec qui elle se sent en confiance. Cette dernière lui avoue être en train d’écrire une biographie sur le sénateur. Pour éviter les erreurs, Hannah décide de lui conter son histoire (d’amour entre autres) avec le fondateur de la ville. Flashback. 1848 à Philadelphie. Le cow-boy Ethan Hoyt n’a qu’un rêve en tête, bâtir une ville dans l’Ouest sauvage ; pour y arriver il demande l’aide financière d’un banquier qui refuse car il ne croit pas une seule seconde à l’extension du pays vers les terres du Far West. Sa fille en revanche tombe immédiatement sous le charme de ce jeune homme courageux, intrépide et aux belles idées de grandeur. Elle décide de le suivre dans cette aventure, et en chemin pour Hoyt City ils se marient. Dans les moments de découragement au cours desquels Ethan sera sur le point de baisser les bras, Hannah sera toujours là pour le pousser à poursuivre son rêve jusqu’au bout. Pour y arriver, Ethan continue donc à chercher fortune à droite à et gauche. Son épouse et conseillère continuera à agir ensuite dans l’ombre après qu’Ethan est parti de chez lui ivre de jalousie, trouvant dans son foyer à chacun de ses retours la présence d’un rival nommé Steely Edwards (Brian Donlevy), un sympathique gambler fou amoureux de Hannah. Ethan venait pourtant de tomber sur un filon d’argent qui le fait devenir immensément riche du jour au lendemain ; il n’a plus qu’à faire prospérer la ville sans plus se soucier de Hannah. A sa décharge, il croit son "inspiratrice" morte dans un accident...

Analyse et critique

En petite forme en ce début des années 1940 quels que soient les genres qu’il aborde, William Wellman réalise ce mélodrame westernien, sorte de remake de La Ruée vers L’ouest (Cimarron), sans aucune conviction. Alors que, comme c'est le cas pour l’excellent western de Wesley Ruggles, l’Histoire avec un grand H aidait à faire de ce dernier un film valeureux et mouvementé sur l’érection d’une ville au fin fond du Far West par un homme qui croit à ses rêves de grandeur et d’humanité, on se retrouve ici devant un pauvre drame amoureux, bavard et sans aucun intérêt. Si, quand même : grâce au talent de Brian Donlevy qui nous offre une interprétation extrêmement touchante d’un joueur passionnément épris de la femme de son ami sans que son penchant soit réciproque, on peut se rabattre sur son histoire d’amour platonique assez émouvante. En revanche, le couple principal (qui était déjà celui de Pacific Express de Cecil B. DeMille) est loin d’être convaincant. Joel McCrea est bien trop naïf et manque encore de charisme pour ce rôle ; on a vraiment du mal à le croire capable de réaliser ses ambitions et encore plus de mal quand le pouvoir lui monte à la tête au moment de l’arrivée du chemin de fer dans sa ville. Quant à Barbara Stanwyck, elle est toujours charmante et talentueuse ; son personnage de femme forte pouvait à l’occasion être assez intéressant, mais on a connu la comédienne bien plus inspirée dans des rôles similaires et dans un nombre incalculables de mélos bien plus passionnants que celui-ci.


Pour que le film puisse acquérir une certaine ampleur au vu d’un thème a priori épique, il aurait fallu que le scénariste ne fasse pas se succéder sans liant des séquences toutes plus plates (voire anecdotiques) les unes que les autres, sans presque aucune action ni aération, un comble pour tel sujet ! Presque tout le film est tourné en studio et la progression dramatique ne se fait pas franchement ressentir. Dommage car lorsque William Wellman a eu quelques rares occasions de filmer en extérieur, il nous a laissé néanmoins deux images mémorables dignes du lyrisme d’un King Vidor : l’arrivée de Joel McCrea et Barbara Stanwyck à l’endroit où ils souhaitent voir naître leur future ville avec au loin les caravanes de pionniers défilant à l’horizon, alors qu’en surimpression on peut voir cette même ville telle qu’elle existe à l’heure actuelle ; et la séquence assez impressionnante de l’accident de carriole sur un pont emporté par les eaux.


Voilà le peu que l’on peut sauver d’un western qui semblait devoir nous promettre bien plus que ces quatre-vingt-dix petites minutes assez insignifiantes au cours desquelles il faut aussi devoir supporter une histoire amenée à plusieurs reprises par de pénibles flashbacks narrés par une Barbara Stanwyck grimée en centenaire. Et puis décidément, Victor Young ne trouve d’inspiration pour ses thèmes d’amour que dans le pillage de symphonies romantiques ; pour Le Banni (The Outlaw) de Howard Hughes, c’était Tchaïkovski, ici c’est Johannes Brahms dont il reprend sans vergogne des thèmes entier de la 3ème Symphonie sans même les retoucher. Une bien grande déception que cet opus de William Wellman !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 11 juillet 2015