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Critique de film
Le film

L'Homme des plaines

(The Boy from Oklahoma)

L'histoire

New Mexico. Tom Brewster (Will Rogers Jr.) est un cow-boy qui étudie le droit par correspondance, rêvant de s’établir en tant qu’avocat... Sur son cheval, il arrive à Blue Rock pour y poster ses examens. La ville est en effervescence, elle fête la victoire (truquée) de Barney Turlock (Anthony Caruso) aux élections municipales. Ayant pu constater la gaucherie et la naïveté de Tom, Turlock a l’idée de l’embaucher en tant que shérif, croyant ainsi avoir trouvé un homme manipulable à souhait et de plus non dangereux puisque ne sachant pas se servir d’une arme à feu. Tout d’abord réticent, Tom décide d’accepter quand il apprend que le courrier contenant son examen a été volé. En effet, les hommes de main de Turlock viennent d’attaquer la diligence pour s’emparer de la sacoche postale dans laquelle se trouvait une lettre qui compromettait leur patron, écrite par l’ancien shérif, décédé mystérieusement alors qu’il était parti à la recherche de voleurs de bétail. Étant tombé amoureux de Katie Brannigan (Nancy Olson), la fille de son prédécesseur, Tom commence à enquêter sur les circonstances de cette mort étrange. Dans le même temps, il se fait remarquer par sa manière de maintenir la quiétude en ville sans avoir à user de violence...

Analyse et critique

« I’m a poor lonesome cow-boy and a long way from home. »
Je n’aurais jamais cru entendre un jour dans le courant d’un film la célèbre chanson entonnée par Lucky Luke à chacune des dernières cases de ses différentes aventures en bande dessinée (à partir de l'album Des rails sur la prairie, première collaboration entre Morris et Goscinny), alors qu’il repart chevauchant Jolly Jumper au soleil couchant. Eh bien, Will Rogers Jr. l’a fait et ouvre le film en la chantonnant, lui aussi en caracolant sur sa monture. Nous aurons désormais une mélodie à accoler sur ces paroles même si l’air n’est pas évident à retenir à la première écoute ! Le fils de Will Rogers, le célèbre acteur fordien du début des années 30, interprète ici un cow-boy sachant parfaitement maîtriser le lasso alors qu’il est incapable de tenir un revolver, ayant préféré étudier le droit par correspondance plutôt que le maniement des armes. Il se retrouvera néanmoins nommé shérif d’une petite bourgade du Nouveau Mexique alors qu’il n’avait rien demandé. Une situation a priori cocasse, et c’est Michael Curtiz qui se retrouve aux commandes de ce western sans prétention qui sera son dernier film chez le studio pour lequel il avait travaillé quasiment toute sa carrière et au sein duquel il avait réalisé ses meilleurs films : la Warner.

Certains parlent à propos de The Boy from Oklahoma d’une comédie, voire même d’une parodie ; à mon avis, il n’en est rien même si le sujet et les situations décrites auraient pu y faire penser. C’est d’ailleurs la plus grande qualité de ce western que de prendre au sérieux ce tenderfoot dont la meilleure incarnation fut jusqu’à présent celle de James Stewart dans Femme ou démon (Destry Rides again) de George Marshall, pas une parodie lui non plus malgré le fait qu’il soit également souvent rattaché à ce style. Donc il ne faut surtout pas s’attendre à rire aux éclats, auquel cas on risque de trouver le film encore plus terne qu’il ne l’est déjà au départ. Le western de Curtiz n’a donc rien à voir avec un quelconque Chercheurs d’or (Go West) avec les Marx Brothers, Visage pâle (The Paleface) avec Bob Hope ou La Blonde du Far West (Calamity Jane) avec Doris Day. Malgré quelques traits d’humour et de nombreuses situations cocasses, Michael Curtiz et ses scénaristes traitent leur histoire le plus sérieusement du monde ; dommage qu’il ait manqué au final, contrairement à Destry Rides Again, une intrigue plus consistante, un casting plus pimpant et une mise en scène plus recherchée. Bref, si L'Homme des plaines est loin d’être captivant, la faute en incombe un peu à tout le monde, à commencer par le réalisateur qui a été très souvent bien plus inspiré, c’est le moins que l’on puisse dire.

The Boy from Oklahoma se situe d’ailleurs dans sa carrière entre deux films d’une toute autre qualité (même si loin de ses plus grandes réussites des décennies précédentes) : Un homme pas comme les autres (Trouble Along the Way) et le très intelligent péplum qu’est L’Egyptien (The Egyptian). Son western n’est pas déplaisant mais au vu de sa signature, on était en droit d’en attendre davantage. Si la première partie se suit avec un certain plaisir, la seconde qui voit notre héros mener l’enquête n’est guère captivante de par son absence de surprises et sa mollesse d’exécution. Auparavant, il n’avait pas été désagréable de voir la description légère de cette petite bourgade, celle d’un héros (loin des canons de la beauté et du charisme) demandant à boire une salsepareille, le maniement virtuose du lasso par Will Rogers Jr. (qui l’avait appris de son père), l’arrestation très amusante de Lon Chaney Jr. par notre adepte de la non-violence (ce dernier lui vante les mérites et le confort de sa prison au sein de laquelle il sera au moins à l’abri du courroux de son épouse), le discours de Tom à sa "fiancée" qui lui prône l’indépendance d’esprit et le fait de ne pas prêter attention à l’opinion des gens..

Bref, pas mal d’éléments sympathiques (dont la musique de Max Steiner), voire même attachants, sont présents mais le film perd de son intérêt au fur et à mesure de son avancée d’autant que Michael Curtiz ne fait pas grand-chose pour nous secouer un peu. Sympathique mais guère passionnant. Malgré tout, le film donnera lieu à une série télévisée intitulée Sugarfoot avec Will Hutchins dans le rôle de Tom Brewster et dont le pilote (Brannigan’s Boots) possède une intrigue quasi similaire au film de Curtiz.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 17 février 2018