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Critique de film
Le film

L'Enfer au-dessous de zéro

(Hell Below Zero)

L'histoire

Le navire Baker signale la disparition en mer de son capitaine. Aussitôt informés, Judie, sa fille, et son associé s'envolent pour l’Antarctique dans l'espoir de retrouver sa trace. Chemin faisant, ils font la connaissance d'un ancien officier de la Navy à qui Judie confie sa crainte que son père ait été assassiné...

Analyse et critique


Inégal, capable du meilleur (Les Plaisirs de l’enfer) comme du pire (La Vallée des poupées), Mark Robson est relativement méconnu du public français. Bedlam (1946), Le Champion (1949), Les Ponts du Toko-Ri (1954), Le Procès (1955), Tremblement de terre (1974), Avalanche Express (1979) : véritable touche-à-tout, initialement assistant monteur pour Orson Welles (Citizen Kane) et monteur pour Jacques Tourneur (La Féline), il passe très adroitement du film noir au drame social, du film fantastique à la comédie légère. Éclectique, mais toujours scrupuleux dans son rapport à la technique, il acquerra rapidement la réputation de "cinéaste courageux" : des films comme Home of the Brave (1949) sont de l’ordre du drame racial, alors que des films comme Plus dure sera la chute (1956) dénoncent la corruption dans le milieu de la boxe. Un ensemble disparate, donc, dans lequel nous pouvons entrer via L’Enfer au-dessous de zéro, sympathique petit film d’aventures. Propre, sans fioritures, il donne une bonne idée de ce qu’est une œuvre typique des années 1950.


Une intrigue classique, tout d’abord : Bernd Nordhah, capitaine sur un baleinier, disparaît mystérieusement en mer. Sa fille, Judie, décide de rejoindre l’Antarctique afin d’enquêter et de démêler le vrai du faux. Elle rencontrera Duncan Craig, ancien officier de la Navy : ils tomberont amoureux. Un ex-fiancé cupide, des acolytes qui n’hésiteront pas à se sacrifier pour la bonne cause, des retournements de situations en tout point prévisibles : chaque case est méthodiquement cochée. Et ce au risque d’aller un peu trop vite : les intentions cachées se dévoilent très rapidement, les petits penchants de chacun sont signalés, les "camps" (les bons, les méchants) se forment naturellement. Heureusement, Mark Robson s’autorise plusieurs pas de côté : la chasse à la baleine nous est expliquée de manière très pédagogique. Traque du mammifère, utilisation de la viande, coordination entre navires-usines et navires-frigorifiques... Un nombre suffisant de stock-shots est utilisé à bon escient, ce qui dispense le film des trucages habituels (le plus souvent malhabiles). Heureusement, ces digressions ne rompent pas l’unité du récit. Au contraire, elles ouvrent les perspectives, proposent des plans moins statiques et aboutissent à d’inoubliables scènes de harponnage. Une pêche ravageuse, certes, mais une pêche qui en impose au cinéma (bien menée par l’actrice Jill Bennett). On est loin de La Perle noire (Richard Thorpe, 1953), mais on ne boude pas son plaisir.


Alors qu’il était extrêmement mauvais dans son précédent film, Le Serment du chevalier noir, Alan Ladd se montre au contraire parfaitement à l’aise dans son rôle de baroudeur des mers. Sobre, mais très efficace, nous pouvons enfin apprécier une (petite) partie de son (immense) talent. C’est d’ailleurs le seul acteur qui tire un tant soit peu son épingle du jeu. Car Basil Sydney, Stanley Baker, Joseph Tomelty et même Joan Tetzel, terne et pâle héroïne, n’incarnent jamais vraiment leurs personnages. Il faut dire que les psychologies sont absentes et que le scénario ne s’embarrasse pas de "détails". Tout juste le passé de Duncan Craig est-il évoqué... et c’est déjà beaucoup. L’important, pour Mark Robson, est d’offrir au spectateur un long métrage maîtrisé de bout en bout. Sans ambition, mais plutôt bien ficelé, L’Enfer au-dessous de zéro n’a pas marqué les esprits. Répondant aux exigences de l’époque, calqué sur un modèle de production efficace. Alan Ladd assume son premier rôle, tout le monde assume d’être subalterne. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.



 

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Florian Bezaud - le 13 juin 2017