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Critique de film
Le film

L'Aventure est à l'Ouest

(The Great Sioux Uprising)

L'histoire

La Guerre de Sécession est bien entamée. Les troupes nordistes pensent que la victoire leur serait plus rapide si la cavalerie pouvait disposer de plus de montures ; ces dernières leurs font en effet cruellement défaut. Ils en ont urgemment besoin mais les maquignons du Wyoming n’ont plus grand-chose "en stock". La charmante Joan Britton (Faith Domergue), ayant récupéré l’écurie de son père décédé, a pris sa succession à la tête de son affaire de vente de chevaux. Elle arrive à convaincre Heyoka, sa cuisinière indienne, de la conduire au chef des Sioux, Nuage Rouge (John War Eagle), qui cache d’immenses troupeaux sur les plateaux. Mais le célèbre chef indien refuse de vendre des bêtes susceptibles de servir à des soldats qui, avant la guerre civile, les ont délogés de leurs terres. Stephen Cook (Lyle Bettger), l’autre maquignon de la région qui tourne autour de Joan depuis quelques années (probablement pour annihiler la concurrence par la même occasion), n’a aucun scrupules à avoir suivi cette dernière pour trouver les centaines de chevaux dont il n’hésite pas à s’emparer, tuant au passage quelques membres de la tribu. Un ancien médecin de l’armée, Jonathan Westgate (Jeff Chandler), arrive au campement peu après afin de soigner un cheval ; déprimé d’avoir laissé autant de mourants sur les champs de bataille sans pouvoir les sauver, il s’est reconverti en vétérinaire. Nuage Rouge lui explique ce qui vient de se passer, pensant que Joan était de mèche avec les voleurs. De retour en ville, Jonathan va tenter de démêler la vérité, ayant promis à Nuage Rouge de punir les assassins et voleurs pour éviter que la paix entre Blancs et Indiens vienne à se fissurer...

Analyse et critique

Lloyd Bacon n’aura réalisé que deux westerns tout au long de sa prolifique carrière (quelques 130 films). On ne peut pas dire qu’il ait laissé son empreinte au sein du genre alors qu’il aura été à l’origine de quelques formidables réussites dans d’autres domaines comme la comédie musicale, avec par exemple le superbe et novateur 42ème rue (42nd Street) ! Son premier western était un sacré navet, Terreur à l’Ouest (The Oklahoma Kid), avec pourtant un duo plus qu'alléchant : James Cagney / Humphrey Bogart. L'Aventure est à l'Ouest (quelle imagination de la part des distributeurs français...), l’un de ses derniers films, loin d’être mémorable non plus, a au moins l’avantage d’être plaisant et assez original dans son postulat de départ, abordant la Guerre de Sécession encore sous un angle assez original tout comme le précédent western Universal, L’Héroïque Lieutenant (Column South) signé Frederick de Cordova. Ces westerns sont tous deux des séries B plutôt divertissantes à condition cependant de ne pas trop leur en demander.

Des maquignons durant la Guerre de Sécession, nous en avions déjà croisés au sein de l’excellent Springfield Rifle (La Mission du Commandant Lex) d'André De Toth. Mais dans le western de Lloyd Bacon, il s'agit des personnages principaux aux côtés d’un médecin / vétérinaire. Voilà déjà un petit côté novateur de par la profession des principaux protagonistes du film. Le fait d’apprendre que la cavalerie américaine souffrait à cette époque d'un cruel manque de montures, les grands ranchers du Sud refusant en toute logique de vendre leur cheptel à l’ennemi, s'avère assez intéressant. Tout comme le personnage réel du général Stan Watie, un Cherokee qui a tenté de monter les tribus indiennes contre les soldats de l’Union prétextant un ennemi commun au vu de l’histoire toute récente. Il leur a fourni des fusils et des carabines en essayant de les inciter à rejoindre les troupes confédérées mais sans résultat. Je ne connais pas les raisons du refus dans la réalité, mais dans le film de Lloyd Bacon c’est le personnage joué par Jeff Chandler qui intervient. Après avoir vu le Général maltraiter l’un de ses serviteurs noirs, il conseille aux chefs indiens réunis de garder leur neutralité et leur rappelle que fournir un soutien aux Confédérés reviendrait à soutenir l’esclavage ; un discours naïf mais une nouvelle fois encore bien plaisant à entendre au sein d’un film censé au départ n’être destiné qu’à divertir. Quoi qu’il en soit, pour l’anecdote et la petite histoire, le Général Watie fut en 1864 le seul natif américain à atteindre ce grade au sein de l’armée américaine après avoir eu sous son commandement deux régiments nommés "The Cherokee Mounted Rifles" ; il fut également le dernier général sudiste à se rendre à la fin du conflit.

The Great Sioux Uprising possède de nombreuses caractéristiques inédites auxquelles nous pouvons ajouter une femme maquignon, un héros "dépressif" ne pouvant plus supporter la violence ni les armes, une opération de l’appendicite ainsi qu’une "bataille de versets" entre Jeff Chandler et l’affable Peter Whitney. C’est donc avant tout grâce à un scénario bien écrit et peu avare en éléments nouveaux et cocasses que l’on peut suivre ce petit western avec plaisir, d’autant que dans le même temps il est relativement bien interprété par le trio formé par Jeff Chandler, la séduisante Faith Domergue (la tueuse dans Duel sans merci Duel at Silver Creek de Don Siegel) et Lyle Bettger, assez convainquant en bad guy vicieux ; il n'est pas certain que Stephen McNally prévu au départ ait été plus à sa place. Parmi les seconds rôles, on retrouve avec plaisir l’inquiétant Stacy S. Harris ou l'inévitable John War Eagle en chef indien.

Le dernier quart du film, un peu plus fouillis, multiplie les péripéties, fait se succéder scènes d’action et rebondissements plus conventionnels qui font un peu retomber notre attention, d’autant que la mise en scène de Lloyd Bacon ne brille pas à ces moments-là par son efficacité. C’est ici que le bât blesse ; si dans son écriture The Great Sioux Uprising se tient assez bien, la réalisation a du mal à suivre, se contentant du strict minimum, incapable de donner le moindre souffle aux séquences mouvementées, inapte à faire monter la tension quand la violence se fait jour (voir la scène totalement terne de l’épreuve que font subir les Sioux à Jeff Chandler). "Un western qu'aurait pu signer Nathan Juran" : cette phrase de Bertrand Tavernier jugeant négativement le film tombe donc un peu à plat puisque ce dernier réalisateur avait prouvé qu’il était autrement plus doué dans le genre que M. Lloyd Bacon et d'ailleurs pas plus tard que la même année avec son trépidant Quand la poudre parle (Law and Order). On se consolera en se répétant que les extérieurs de l’Oregon sont magnifiques, qu’aucune transparence n’est utilisée et que le décorum rutilant et en Technicolor des intérieurs flatte l’œil, même si la cuisine de Faith Domergue ressemble plus à celle d’une femme moderne des années 50 qu’à une femme de l’Ouest du XIXème siècle ! Un western aucunement mémorable mais néanmoins pas désagréable.

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 22 février 2014