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Critique de film
Le film

L'Adorable voisine

(Bell, Book, and Candle)

L'histoire

New York, un soir de Noël. Une ravissante sorcière souhaite secrètement tomber amoureuse, les femmes de son espèce n’étant censées éprouver aucuns sentiments si ce n’est le désir (« Elle est amoureuse ? Horreur ! Mieux aurait valu qu’elle soit morte ! » prononce sa tante, sorcière elle aussi). En l’ensorcelant, elle va mettre le grappin sur son voisin du dessus, un éditeur quinquagénaire sur le point de se marier. Cet amour, au départ peu naturel, perdurera-t-il une fois l’envoûtement terminé ?

Analyse et critique

Comédie la plus célèbre de Richard Quine, cinéaste trop méconnu qui eut Blake Edwards comme scénariste pour ses premiers films, cette Adorable voisine passe pour être le film qui a donné naissance à Ma sorcière bien-aimée, série mythique et délicieuse diffusée en France dans les années 70. Elle rentre dans le cadre de ces comédies à caractère fantastique prenant pour héros de gentils sorciers ou fantômes, dont les plus connus sont L’Aventure de Mme Muir de Mankiewicz ou Ma femme est une sorcière de René Clair. Il s’agit ici d’une adaptation d’un succès théâtral de Broadway dont le passage à l’écran devait voir au départ Jennifer Jones interpréter le rôle principal.

Finalement, c’est le couple James Stewart et Kim Novak qui se reforme la même année que Sueurs froides mais dans un film au registre beaucoup plus léger quoique empreint d’une certaine mélancolie. Richard Quine réalise une nouvelle fois un hymne à la beauté de son actrice fétiche, aidé en cela par la somptueuse garde-robe que lui a créée le costumier Jean-Louis. Divinement habillée, elle rayonne sur toute la durée du film et son talent n’est pas en reste. Mais ses partenaires ne doivent pas être négligés pour autant : James Stewart égal à lui-même pour son dernier rôle dans une comédie, Jack Lemmon (sorcier un peu immature) et Ernie Kovacs (l’écrivain, soit disant spécialiste de la magie), très drôles tous les deux, mais aussi les autres sorcières exubérantes interprétées par les pittoresques Hermione Gingold et Elsa Lanchester.


Ce film, mené sur un tempo assez nonchalant, baigne dans une ambiance feutrée bien rendue par les décors, la musique jazzy de George Duning et la belle photographie de James Wong Howe. Une assez jolie mise en scène, qui réussit à être vraiment superbe lorsque Quine aère la pièce de théâtre par des échappées à l’extérieur de l’appartement : les scènes de déambulations nocturnes dans les rues enneigées ; ou encore cette scène fabuleuse du premier baiser suivi d’un travelling ascendant, caressant en plan d’ensemble un New-York à l’aube sous la neige, et qui se termine par une vision du couple s’enlaçant en haut d’un building. Et que dire de ce gros plan magnifique sur le visage en larmes de Kim Novak (larmes qu’elle ne pouvait avoir tant qu’elle possédait ses pouvoirs magiques) ? L’un des plans les plus émouvants de l’histoire du cinéma.


Mais alors, pourquoi cette belle et intelligente réflexion sur la valeur du sentiment amoureux nous laisse-t-elle sur notre faim ? Un peu trop sage peut-être. On l’aurait voulu plus drôle, plus romantique, plus émouvante, plus dynamique, plus rythmée. On aurait souhaité un peu plus de l’élégance de Minnelli, de la vigueur de Hawks et du mordant de Wilder. La déception est d’autant plus grande que l’on sent qu’il aurait suffit d’une étincelle pour transformer ce beau film en un chef-d’œuvre du genre de La Garçonnière par exemple. Il reste quand même assez de belles choses pour y passer un très bon moment et, parmi celles-ci, un numéro musical de Philippe Clay dans la scène de la boîte de nuit.

Deux ans plus tard, le réalisateur retrouvera Kim Novak pour son chef-d’œuvre méconnu, un film d’une belle sensibilité mais dans un genre totalement inédit pour lui, le drame de mœurs : ce sera le splendide Liaisons secrètes, drame de l’adultère avec pour partenaire masculin Kirk Douglas dans un de ses rôles les plus émouvants. En attendant, cette Adorable voisine considéré par Bertrand Tavernier comme l’un des plus beau film des années 50, n’est pas à négliger ne serait-ce que pour tous les amoureux de la pulpeuse Kim Novak.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 7 décembre 2002