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Critique de film
Le film
Affiche du film

Hollywood, Hollywood!

(That's Entertainment, Part II)

L'histoire

Dans le final du célèbre The Band Wagon de Vincente Minnelli, Fred Astaire, Jack Buchanan, Oscar Levant et Nanette Fabray chantaient, avec un enthousiasme non feint « The stage is a World, The World is a Stage of Entertainment ». Une phrase qui résume à merveille le credo et l’esprit de ce triptyque, le "sujet" des trois volets de That’s Entertainment n’étant autre que l’autoglorification de la MGM à travers un montage d’extraits, pour 90% d’entre eux, du genre dont le studio s’était fait le spécialiste : la comédie musicale. Amateurs de violence, de vraisemblance, de noirceur, d’intrigues millimétrées, de richesse psychologique ou d’ambiguïté, pourfendeurs de "‘kitscheries" de toutes sortes, ne vous forcez pas à avaler ces quelques 360 minutes de spectacle respirant la gaieté, la vitalité, la santé et la bonne humeur ! Les autres, laissez votre cartésianisme au vestiaire et ouvrez la porte à ce qu’il reste de votre âme d’enfant ; il vous sera alors très aisé de savourer ces innombrables moments qui ont fait du plus prestigieux des studios hollywoodiens, le prince du "musical". Laissez vous estourbir par le Technicolor flamboyant ou le noir et blanc très contrasté, par les danses tour à tour ébouriffantes, spectaculaires, savantes, vigoureuses, poétiques, acrobatiques ou élégantes ainsi que par cet étonnant défilé de stars, dansant et chantant sur des airs, devenus des standards pour la plupart, signés de noms aussi prestigieux que Cole Porter, Irving Berlin, George Gershwin, Jerome Kern, Oscar Hammerstein, Nacio Herb Brown…

Analyse et critique

Hollywood chante et danse

Les plus de 6 heures de métrage composant les trois volets de That’s Entertainment étant consacrées presque exclusivement à la comédie musicale, profitons de la belle occasion qui nous est offerte pour synthétiser brièvement son histoire, de ses débuts (à l’aube du cinéma parlant) jusqu’à la fin de son âge d’or, en 1958, avec le Gigi de Vincente Minnelli. Après ce dernier film, le plus gros succès du genre jamais remporté par la MGM (Gigi récoltant au passage 9 Oscars), d’autres comédies musicales continueront de voir le jour (avec encore parfois à la clé des chefs-d’œuvre comme West Side Story, The Sound of Music ou, plus près de nous, Cabaret ou Victor Victoria) mais une page est tournée : le style unique mis en place au cours des deux décennies précédentes sera définitivement perdu avec la fin d’un mode de production désormais révolu, celui des grands studios, tous chancelants financièrement au début des années 1960. Pour de plus amples détails sur le genre qui nous préoccupe ici, je vous renvoie au superbe ouvrage de Patrick Brion paru aux éditions de la Martinière, La comédie musicale du Chanteur de jazz à Cabaret, somptueux album qui m’a été d’une aide précieuse pour écrire le bref résumé qui suit.

Le succès du Chanteur de jazz en 1927 incite les "Majors" à renoncer au cinéma muet : dans un premier temps, ce sont les pièces à la mode et les opérettes qui sont pillées pour fournir au cinéma sonore leurs trames, intrigues et chansons. Hollywood se tourne aussi vers les films à sketches et les revues de Broadway. Résultat sur les écrans dès 1929 avec The Hollywood Revue of 1929, film dans lequel on entend déjà la célèbre chanson Singin’ in the Rain jouée et chantée par Cliff Edward. Le genre du "musical" est né et se met en place au sein de tous les grands studios de l’époque. Mais, après le rush qui suit l’avènement du parlant, le public se lasse assez vite de ces numéros filmés sans aucun génie ni mouvements devant une caméra désespérément fixe. A tel point que les cinémas doivent afficher désormais « Ceci n’est pas une comédie musicale » pour que les salles arrivent à se remplir ! Il faut attendre 1933 pour que le genre triomphe à nouveau avec, pour la Warner, les délirantes débauches de girls et les numéros chorégraphiques fastueux, imaginatifs et délirants de Busby Berkeley dans l’étonnant et subversif Gold Diggers of 1933 de Mervyn LeRoy. L’autre studio chef de file de l’époque est la RKO et son célèbre couple Fred Astaire et Ginger Rogers, dont la collaboration la plus célèbre demeure Top Hat de Mark Sandrich. Tous les autres "Majors" refusent évidemment de se faire distancer et chacune de produire ses propres "musicals" avec ses vedettes "maison". Parmi elles, la Metro Goldwin Mayer. Elle prend d’abord sous contrat l’ancienne partenaire de Maurice Chevalier dans The Merry Widow de Lubitsch, Jeanette Mac Donald, et en fait l’héroïne d’un grand nombre d’opérettes dans lesquelles elle forme à huit reprises un romantique duo d’amour avec Nelson Eddy. En 1936, le studio met en chantier une fastueuse reconstitution de la vie de Florenz Ziegfeld, le célèbre producteur et directeur de revues, dans The Great Ziegfeld. Parmi un casting prestigieux, on y découvre l’une des plus talentueuses danseuses de claquettes, celle qui va devenir la première star dansante du studio, Eleanor Powell. La même année, après que Louis B. Mayer ait ordonné « qu’on se débarrasse de cette fille grassouillette » et que, par suite d’un malentendu, c’est Deanna Durbin qui fut renvoyée par erreur, une certaine Judy Garland, à peine âgée de 14 ans, fait son entrée au cinéma dans Pigskin Parade. L’anecdote (ou légende), réelle ou non, demeure délicieuse et nous verrons par la suite que quasiment toutes les plus grandes stars du genre ont été imposées contre la volonté des moguls des studios.

Au milieu de cette première décennie du cinéma parlant, la comédie musicale est déjà, économiquement et artistiquement parlant, l’un des genres les plus appréciés à Hollywood. Mais après ce feu d’artifice, le public boude à nouveau ces films spectaculaires mais sans intrigues. De nouvelles formules à succès sont recherchées : la mise en avant des grands airs de la musique classique, le film de "teen-agers" (Babes in Arms avec le couple d’adolescents chéri du public, Judy Garland et Mickey Rooney), la prétendue "guéguerre" entre jazz et classique... Si elles récoltent les fruits du succès, elles ne font pas long feu non plus. Il faut dire qu’à cette époque les directeurs de production se préoccupent alors moins du génie de leurs réalisateurs, acteurs et techniciens que de leur savoir-faire passe partout. Le cinéma est encore considéré bien plus comme une industrie que comme un art. Dans les studios de la Metro, les méthodes de travail sont les mêmes que chez les concurrents : les vedettes sous contrat doivent rester en conformité avec des schémas préétablis pour chacun ; si elles ne les acceptent pas, elles n’ont qu’à prendre la porte. La marge de manœuvre pour chaque talent est donc bien mince et les films sont fondus dans un moule, ce qui les rend pour la plupart interchangeables. Mais un "sauveur" ne va pas tarder à faire son apparition, qui plus est (et pour notre plus grand bonheur) presque tout en haut de la hiérarchie du studio du lion rugissant.

Comme dans beaucoup d’autres domaines du 7ème art, l’année 1939 marque également un tournant pour la comédie musicale. Tout d’abord, dans The Story of Vernon and Irene Castle, Ginger et Fred dansent une dernière fois pour la RKO, le studio préférant ensuite renoncer au genre. On ne verra ainsi quasiment plus ces couples élégants évoluer au milieu de décors en noir et blanc d’un extrême raffinement. Le musical va se tourner vers autre chose et, entre autres, la couleur dans la majorité des cas. Craignant que la Warner ne lui offre plus la même liberté qu’auparavant, Busby Berkeley se tourne à présent vers la MGM. Warner Bros, dont les sujets de prédilection étaient le film noir et les drames à portée sociale, finit à son tour par déserter le "musical". Seule la Fox maintient le cap, profitant de la cote de popularité toujours aussi haute de Shirley Temple et de la découverte de Carmen Miranda ou de la patineuse Sonja Henie. Etant malgré tout débarrassé de ses principaux concurrents directs, la Metro Goldwin Mayer décide d’investir à fond dans le genre par la création, au sein même du studio, d’une unité autonome qu’elle confie à Arthur Freed. A 45 ans, Louis B. Mayer charge l’ancien auteur de chansons (entre autres Singin’ in the Rain qu’il composa avec Nacio Herb Brown) de trouver des sujets neufs et de nouveaux talents. Le "sauveur" dont nous parlions plus haut, c’est bien lui ! Sa grande force aura été de savoir s’entourer de créateurs de grand talent, de collaborateurs qui lui resteront fidèles et d’attirer dans le giron du studio, l’élite des chorégraphes, paroliers, costumiers, décorateurs, acteurs et cinéastes, qu’il laissera tous s’exprimer à leur guise dans la grande majorité des cas. Vincente Minnelli dira d’ailleurs de Freed dans son autobiographie « Lorsque les cinéphiles soulignent mon apport à l’évolution de la comédie musicale, je plaide non coupable et fais observer que le véritable révolutionnaire en la matière a été Arthur Freed. C’est lui qui, plus que tout autre, a rendu les choses possibles ; c’est lui qui a donné à tous les créateurs la plus grande liberté possible, et c’est bien là la marque de confiance indispensable à toute création ». Quel honneur pour Arthur Freed qu’un tel hommage lui ait été rendu par le réalisateur le plus prestigieux que n’ait jamais connu le genre !

Le premier film au palmarès d’Arthur Freed (même si ce dernier n’est pas crédité au générique) est un classique qui va faire de Judy Garland une des valeurs les plus sûres de la comédie musicale, par ses talents conjugués, et tous deux hors normes, de chanteuse et d’actrice : The Wizard of Oz. Et nous pouvons remercier le producteur d’avoir exigé Judy Garland alors que le studio souhaitait donner le rôle à Shirley Temple. Ses productions suivantes mettent en scène le duo qu’elle forme avec Mickey Rooney pour le plus grand bonheur des spectateurs de l’époque. Arthur Freed relance aussi la carrière de Fred Astaire et, en 1942, après que les dirigeants du studio aient fait la fine bouche estimant qu’il possédait un physique peu convaincant, c’est encore lui qui impose Gene Kelly. Il lui met le pied à l’étrier dans For Me and My Gal où il a pour partenaire... Judy Garland. Il fera danser ensemble Fred et Gene pour la seule et unique fois de leur carrière dans Ziegfeld Folies en 1946. En 1943, il lance et assiste aux débuts remarquables et remarqués de Vincente Minnelli derrière la caméra (après que le cinéaste se soit fait la main sur quelques numéros d’autres réalisateurs) avec le délicieux Cabin in the Sky, entièrement interprété par des comédiens noirs dont Louis Armstrong et Lena Horne. Arrive ensuite le phénoménal succès du merveilleux Meet Me in St Louis, film qui, plus que tout autre, devait contribuer à imposer le nouveau style de "musical" au public. Au cours des cinq années qui suivent, son équipe a l’insigne honneur de signer de nombreux grands classiques indémodables du genre : Yolanda and the Thief, The Harvey Girls, Good News, The Pirate, Easter Parade. En 1949, c’est au tour de On the Town de venir briller sur les écrans. Nous tenons enfin là sous la main "les quatre mousquetaires du roi Freed", Stanley Donen venant rejoindre au panthéon des plus grands génies qu’ait fait naître le genre les précités Vincente Minnelli, l’ancien musicien de jazz George Sidney et l’ex-danseur et chorégraphe Charles Walters.

Les années 1940, ce sont aussi les années de guerre, de la menace nucléaire et de la guerre froide. Un tel climat ne peut que pousser les spectateurs à rechercher des spectacles euphorisants et optimistes plus nécessaires que jamais auparavant. Le "musical" n’a donc pas trop de mal à se frayer plus encore un chemin vers le succès. Les talents étant quasiment tous concentrés dans le giron de la MGM, les autres "Majors" sont complètement découragés de lancer leurs propres politiques de production dans le domaine de la comédie musicale. Seule la 20th Century Fox s’y essaye mais les réussites se compteront sur les doigts d’une main. En revanche, quasiment tous les films du genre qui sortent de l’usine à rêve qu’est la MGM remportent de francs succès (excepté certains films de Minnelli trop en avance sur leur temps comme Le Pirate). Les hits s’enchaînant sans aucune baisse de rythme, le genre musical acquiert vite son autonomie ainsi qu’un profond respect de la part du public et de la critique. Il peut désormais se permettre de s’autocélébrer à l’aide d’une succession de films tournés à la gloire des compositeurs et chanteurs : ce sont tour à tour les chanteurs Al Jolson (The Jolson Story) ou Enrico Caruso (The Great Caruso), les compositeurs George Gershwin (Rhapsody in Blue), Cole Porter (Night and Day), Jerome Kern (Till the Clouds Roll By), les duettistes Kalmar et Ruby (Three Little Words), Rodgers et Hart (Words and Music), etc., qui voient leur vie étalée sur l’écran et... le succès est de nouveau au rendez-vous. En 1949, On the Town vient marquer d’une pierre blanche la comédie musicale dont il renouvelle en partie la conception en sortant des studios et en allant tourner directement dans les rues de New York. C’est une nouvelle fois malgré les réticences des plus hauts dirigeants du studio que le film se fait et il se révèle un triomphe. De son côté, Fred Astaire danse une dernière fois, après dix ans de séparation, avec Ginger Rogers dans The Barkleys of Broadway.

L'activité musicale de la firme du lion est toujours aussi considérable à l’orée des 50’s. La décennie précédente fut éclatante pour le genre ; la suivante le sera tout autant sinon plus, toujours sous la houlette de Arthur Freed qui, s’il fut le principal instigateur des plus grands films musicaux à la MGM, ne devrait pourtant pas nous faire passer sous silence deux autres hommes qui produisirent eux aussi quelques petites merveilles toujours pour le même studio : Joe Pasternak (Gene Kelly dansant aux côtés de Tom et Jerry dans Anchors Aweigh, l’émouvant Leave Me or Leave Me avec James Cagney et Doris Day…) ainsi que Jack Cummings (le sublime Kiss Me Kate , le dynamique Seven Brides of Seven Brothers…). Les 50’s marquent donc l’apogée du genre et ne seront jamais plus égalées par la suite. Pour ne mentionner que quelques titres, ce seront en vrac, et pour la bonne bouche, l’ultime grand numéro de Judy Garland pour la MGM dans Summer Stock ; Fred Astaire dansant au plafond dans Royal Wedding ; l’allègre et énergique Give a Girl a Break ; l’immense réussite d’un mélodrame musical chatoyant avec Ava Gardner, Kathryn Grayson et Howard Keel dans Show Boat ; Cyd Charisse et Fred Astaire plus élégants que jamais dans le parc de The Band Wagon ; l’euphorisant Kiss Me Kate ; le magique Brigadoon ; le très amère It’s Always Fair Weather dans lequel Gene Kelly et ses partenaires dansent avec des couvercles de poubelles ; le délicieux trio constitué par Bing Crosby, Frank Sinatra et Grace Kelly dans un remake réussi de The Philadelphia Story de Cukor : High Society ; un autre remake, celui du Ninotchka de Lubitsch avec Silk Stockings, Cyd Charisse reprenant le rôle de Greta Garbo ; le pirandellien Les Girls ; le rock et bien nommé Jailhouse Rock avec Elvis Presley et enfin le superbe Gigi de Minnelli, chant du cygne du genre marquant la fin d’une époque et de son mode de production.

N’aurions nous pas omis les deux films qui ont donné à beaucoup la passion qu’ils conçoivent pour la comédie musicale ? Dans ce panorama éclair, de nombreux autres merveilles n’ont pas été citées de peur que le texte en soit alourdi et devienne ainsi long et fastidieux mais les deux titres qui seront évoqués à coup sûr comme étant les plus réputés du genre sont An American in Paris et Singin’ in the Rain ; les deux plus grands titres de gloire, à la fois de Arthur Freed, de la MGM, du "musical" et de Gene Kelly. L’euphorie étonnante qui se dégage du second et la perfection qui régit le ballet final du premier ne sont pas près d’être oubliées un jour ! Et pourtant... Malgré cette pluie de dollars, à l’orée des 60’s, les difficultés financières dans lesquelles vont se trouver les "Majors" vont obliger ces dernières à fermer leur département animation jugé trop coûteux et à se séparer des orchestres, musiciens, danseurs qu’ils avaient sous contrat et qui servaient à la production et réalisation de tels films. Ce genre fastueux et spectaculaire devient bien trop onéreux et l’esthétique particulière de chaque firme se dilue. En 1960, Arthur Freed produit un dernier musical, Bells are Ringing de Minnelli, avant de s’en désintéresser définitivement. En 1970, la MGM met en vente costumes, accessoires, maquettes et tous les objets vus dans tous les films cités ci-dessus. Patrick Brion écrit « Une manière pour la MGM d’avouer qu’elle n’a plus besoin de toutes ces pièces – certaines sont des œuvres d’art - et que la comédie musicale se réduira - au cas où elle en tournerait encore - à des adaptations "broadwaysiennes" livrées clés en main ».

En mai 1974, en hommage à son premier cinquantenaire et pour se redonner un coup de fouet, le studio, alors déliquescent, sort sur les écrans un montage à la gloire de la comédie musicale (elle aussi tombée en désuétude) qui recevra un accueil enthousiaste et inespéré. Ecrit, produit et réalisé par Jack Haley Jr. sous les auspices du chef de la Metro, Daniel Melnick, That’s Entertainment est un pillage en règle des tous meilleurs moments du genre qui avaient fait la gloire du lion quelques décennies plus tôt. C’est aussi, sans qu’on le sache encore, le premier volet d’une série qui en comportera trois s’étalant sur 20 ans, le dernier ayant été réalisé en 1994 pour le 70ème anniversaire de ce qu’il reste du studio.

That’s Entertainment : « Nous comptons plus d’étoiles que le ciel » (MGM)

Une petite mise en garde est de mise avant d’aller plus avant dans le succinct décorticage de That’s Entertainment : ces trois films n’ont absolument aucune vocation documentaire. Le but en est tout autre comme le claironnent avec vigueur leurs titres : divertir et donner au spectateur son comptant de joie, de sourires et de bonne humeur, le replonger avec nostalgie dans une époque révolue et enchanteresse, l’âge d’or d’Hollywood, à travers un genre qui lui demeure spécifique (Frank Sinatra dit d’ailleurs avec raison : « You can wait around and hope, but you'll never see the like of this again. ») Il ne s’agit donc ni plus ni moins que d’anthologies dédiées à la glorification du studio à son apogée, de compilations de numéros rares ou célèbres qui devraient donner envie de découvrir ces extraits au sein des films dont ils font partie. Il serait vain de nier que de ce point de vue la réussite n’est pas au rendez-vous : quelques dizaines de DVD de comédies musicales sont venues rejoindre mes étagères dans les semaines qui suivirent le visionnage de ces trois volets ! Et pourtant, ce sont loin d’être des films parfaits si l’on commence à essayer de les critiquer et de chercher la petite bête. Mais le seul mot d’ordre pour ces "documentaires"étant « Let’s Entertain », il faudrait être bien difficile pour ne pas être enchanté devant tant de moments brillants, émouvants, exubérants ! Des films qui devraient sans problème faire retrouver le moral à ceux qui l’ont au plus bas.

Des acteurs et actrices furent appelés pour être les "Monsieur Loyal" chargés de relier les différents segments entre eux. Et comme le studio ne voulait pas faire les choses en petit, ce sont toutes ses stars les plus célèbres qui se retrouvent ici à présenter ce florilège de chants et de danses en arpentant les décors, désormais à l’abandon, dans lesquels tant de grands films furent tournés, à évoquer leurs souvenirs, à raconter quelques anecdotes et faits historiques : Frank Sinatra, Gene Kelly, Fred Astaire, Elizabeth Taylor, Donald O’Connor, Mickey Rooney, Peter Lawford, James Stewart, Esther Williams, Bing Crosby, Lena Horne, Howard Keel, Ann Miller, Debbie Reynolds, June Allyson. Si leurs commentaires se résument, pour schématiser, à « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », on trouve dans le lot quelques phrases assez piquantes comme celle où, Liz Taylor, lucide, avoue en parlant de ses "talents" de chanteuse que « Jane Powell et Judy Garland ne risquaient rien ». Le résultat fut tellement apprécié que seulement deux ans après, la MGM remit le couvert. Elle y reviendra une troisième et ultime fois en 1994 pour fêter son 70ème anniversaire. Certains diront qu’un numéro musical est enthousiasmant dans la continuité d'un film et non en tant qu’extrait au cours duquel il peut perdre tout son charme et sa poésie ; ce n’est pas entièrement faux mais aussi très exagéré et reviendrait à renier justement la beauté intrinsèque et la perfection de certains d’entre eux qui, au contraire, sont tellement réussis qu’ils arrivent à nous émerveiller hors contexte.

Mais alors, que peut-on reprocher à cette série ?

Que les intervenants manquent de spontanéité car débitant un texte constamment flatteur qui leur a été imposé alors que les numéros parlent bien mieux en leur faveur que n’importe quel discours ? Que les réalisateurs et différents techniciens soient bien peu mentionnés et que les titres de films ne nous soient pas tous donnés ? Qu’un effet de répétition se fasse parfois ressentir ? Que les morceaux ne soient pas intégralement retranscris et/ou entrecoupés de commentaires ? Que certaines séquences n’ayant rien à voir avec le "musical" auraient pu être aisément retirées, arrivant un peu comme des cheveux sur la soupe ? Que le côté avantageux pour la MGM transpire par tous les pores ?

Oui bien sûr ! Mais on sait dès le début qu’en lieu et place d’un documentaire, nous allons nous trouver devant un outil promotionnel au cours duquel tout le monde dira du bien de ses partenaires et de son "ex-patron". Une fois la règle du jeu édictée, il ne nous reste plus qu’à savourer de retrouver des acteurs que nous aimions tant venir nous faire un petit coucou et déguster à leur côté les numéros qu’ils nous présentent, même coupés. C’est d’autant plus facile que la passation de pouvoir entre chaque présentateur est fluide et que le montage est plutôt bon même si rarement novateur. Ceci est valable pour le premier et dernier film. Paradoxalement, alors que c’est le volet dans lequel on peut voir les numéros les plus célèbres, That’s Entertainment Part 2 est de loin le plus faible des trois. Il opte pourtant pour l’originalité niveau présentation et enchaînement. C’est Gene Kelly qui l’a réalisé : il s’est mis en scène avec Fred Astaire dans un studio. Force est de constater que l’enchaînement des séquences est bien souvent très laborieux et que l’esthétique "télévisuelle" et les idées du cinéaste sont totalement dépassées et font très "kitsch" et ringardes de nos jours, y compris les séquences le voyant nous faire visiter Paris durant la deuxième heure du film. Malgré tout, certaines conversations entre Fred et Gene en guise de commentaires sont parfois bien sympathiques et, retrouver ces monstres sacrés de 77 et 64 ans en train de danser ensemble, 30 ans après leur unique collaboration dans le numéro Babbit and the Bromide de The Ziegfeld Folies, est assez réjouissant d’autant qu’ils sont encore loin d’être ridicules ! Malheureusement, l’ensemble se révèle très "fourre-tout" : c’est le segment le plus éclaté dans le mauvais sens du terme. Ça part dans tous les sens et se permet des hors sujet, évoquant le burlesque en à peine cinq minutes, les répliques célèbres se réduisant à une dizaine (certaines d’ailleurs sans grand intérêt) et comble du ratage, en milieu de film, une séquence tristement surréaliste, celle des "Farewell". Je vous la laisse découvrir car ce n’est pas vraiment la peine de s’étendre sur cette incongruité venue d’on ne sait où ! En revanche, saluons pour ce deuxième volet, un générique superbe de Saul Bass, faisant apparaître les noms des stars sous différents formes ; certains écrits sur du sable ensuite effacés par la mer, certains autres tapés à la machine à écrire, d’autres gravés dans du bois ou encore représentés par des pétales étalées sur un lac, Liz Taylor en lettres dorées...

Les volets qui encadrent cette ‘trilogie’ se ressemblent étrangement, celui de 1994 étant pourtant plus réussi mais avant tout réservé aux "happy few", les numéros les plus célèbres et prestigieux étant quand même pour la plupart regroupés dans les deux premiers volets. That’s Entertainment Part 3 tient donc pourtant le haut du pavé et clôture en beauté ces 380 minutes de bonheur malgré toutes les maladresses, lourdeurs et autres fautes de goûts (que l’on pardonne aisément) des deux premiers films. Un‘peu moins de langue de bois (Lena Horne parlant des difficultés d’intégration des noirs à la MGM et de ses déceptions de s’être vue refusé des rôles faits pour elle), des inédits passionnants, un texte bien mieux écrit et plus intéressant, un montage bien plus réussi, une utilisation du Split Screen vraiment judicieuse, une assez grande fluidité dans l'enchaînement et une moins grande dispersion dans le n'importe quoi qui avait effleuré à plusieurs reprises That’s Entertainement Part 2.

Reste que cette "trilogie" constitue un bon début pour les non initiés. Elle devrait leur permettre de se faire une idée assez complète du genre. Pour nos amis les statisticiens, nous pouvons dire que la part belle, en terme de temps de présence à l’écran, est donnée très logiquement à Gene Kelly, Fred Astaire, Frank Sinatra et Judy Garland et que, étonnamment, le film le plus représenté est Easter Parade, certes un grand "musical", mais beaucoup moins connu que bien d’autres illustres prédécesseurs ou successeurs. Avant de poursuivre, et de longuement conclure pour les seuls "fondus" du genre, une dernière requête à l’éditeur Warner : à quand la sortie d’une autre anthologie sortie sous le titre de That’s Dancing ?

Le menu à la carte

Les fanatiques de "musical" peuvent rester en ma compagnie, les autres peuvent rentrer chez eux, cette accumulation de noms de numéros et de titres de films risquant très probablement de leur donner une indigestion. Mais pour les aficionados, il me semblait important de rappeler - sans tout citer pour autant, passant allègrement par dessus les plats les moins ragoûtants, notamment le burlesque résumé en deux scènes faisant se succéder uniquement les Marx Brothers et Abbot et Costello qui, même s’ils sont drôles, n’ont absolument rien à faire ici - ce qu’ils allaient pouvoir trouver dans leurs assiettes. Attention, le menu reste malgré tout très copieux et vous est présenté, dans la mesure du possible, dans l’ordre dans lequel vos yeux écarquillés vont pouvoir le déguster !


That’s Entertainment 1

* Un montage de quatre interprétations successives de la chanson culte Singin’ in the Rain : en 1929 par Cliff Edward dans Hollywood Revue, par Jimmy Durante, par Judy Garland et enfin par Gene Kelly.

* Un exemple de l’opérette hollywoodienne dans les années 30 avec un air qui pourra désormais prêter à sourire, Indian Love Call tiré de Rose Marie avec le couple vedette Jeannette McDonald et Nelson Eddy.

* Begin the Beguine dans Broadway Melody of 1940 : numéro de claquettes remarquable et épuré par Fred Astaire et Eleanor Powell sur une musique de Cole Porter.

* June Allyson, "l’ingénue chantante", dans le musical d’université le plus connu : Good News et son enthousiasmant Varsity Drags.

* Le coloré et impressionnant On the Atchison, Topeka and the Santa Fe de Harvey Girls avec une immense figuration remarquablement bien utilisée.

* Petit montage de stars "non chantantes" ayant poussé la chansonnette : Jean Harlow dans Reckless ; Cary Grant susurrant Did I Remember dans Suzy ; Clark Gable et son célèbre Putin’ on the Ritz dans Idiot’s Delight ; James Stewart s’y essayant lui aussi dans Born to Dance avec un morceau de Cole Porter dont il dit avec amusement en commentaire que « même ma voix ne pouvait pas la couler ».

* Très bel hommage à Clark Gable dans un montage assez bien réalisé avec en arrière fond la chanson, dédiée par la MGM à sa star, qu’interprète la toute jeune et déjà talentueuse Judy Garland en 1938.

* Mickey Rooney faisant des claquettes à l’âge de 10 ans suivi, dans un montage encore judicieux, des différents extraits de films de la série Andy Hardy collés les uns aux autres et qui font ainsi penser qu’il ne s’agit que d’un seul et unique film « tellement les intrigues étaient interchangeables, seuls les noms des personnages étant modifiés », et du très bon final de Babes on Broadway, toujours en duo avec sa partenaire de prédilection, Judy Garland.

* The Babbitt and the Bromide, unique confrontation dansante entre Gene et Fred dans The Ziegfeld Folies, ce segment ayant été réalisé par Vincente Minnelli.

* Deux numéros de Royal Wedding dans lequel Fred Astaire et les techniciens accomplissent des prouesses : le premier voit l’acteur danser avec pour partenaire, un porte manteau (Sunday Jumps), le second n’étant autre que la célèbre danse sur les murs et au plafond qui, même si on en connaît à présent les ficelles, reste toujours un formidable tour de force technique (You’re All the World to Me).

* Dancing in the Dark de The Band Wagon : un monument d’élégance, de poésie et de magie. Le spectateur se sent des ailes en contemplant ce numéro dansé par Fred Astaire et Cyd Charisse, l’un des plus beaux (mais en même temps d’une simplicité apparente désarmante) jamais réalisés !

* Un "kitsch hommage" à Esther Williams, mais toujours impressionnant et spectaculaire.

* Debbie Reynolds minaudant I Wanna Be Loved by You (bien avant Marilyn) dans Three Little Words.

* Le 25ème anniversaire du studio au cours d’un repas donné sur son plus grand plateau transformé pour l’occasion en restaurant : distribution prestigieuse et jeu de reconnaissance à la clé : mieux que le Trivial Pursuit !

* Ann Miller, meilleure claquettiste du studio dans Small Town Girl (I Gotta Hear That Beat).

* Le fameux et hilarant Make' em Laugh par Donald O’Connor dans le non moins fameux Singin’ in the Rain de Stanley Donen.

* Trois extraits montrant l’exubérance des couleurs, costumes, décors ainsi que la beauté des chansons (Cotton Blossom, la merveilleuse Make Believe et la célébrissime Ol’ Man River) de l’émouvant Show Boat de George Sidney.

* Hommage à Gene Kelly à travers des morceaux célébrissimes de The Pirate, dansant avec la souris Jerry dans Anchors Aweigh, arpentant les rues de New York dans On the Town (New York, New York) et chantant sous la pluie dans Singin’ in the Rain of course !

* Liza Minnelli rend un vibrant hommage à sa mère à travers des extraits de ses premiers courts métrages (on la voit chanter La Cucaracha en tant que Gumm Sisters) et du Magicien d’Oz. On la voit ensuite dans le superbe Get Happy dans Summer Stock puis dans un florilège enchanteur (Trolley Song ; Under Bamboo Tree ; Boy Next Door ) de Meet Me in St Louis.

* Bing Crosby nous parle de lui même à travers de merveilleux extraits de High Society, l’un en duo avec Sinatra, Did You Evah, l’autre avec Grace Kelly, le magnifique air que constitue True Love.

* Le numéro le plus acrobatique de l’histoire de la comédie musicale, celui de la grange dans Seven Brides of Seven Brothers (Barnraising Dance).

* Un extrait du délicieux Gigi de Vincente Minnelli.

* Enfin, Frank Sinatra revient nous présenter des extraits du numéro qu’il estime le plus parfait jamais tourné pour un musical, le ballet de An American in Paris. Et je lui donne entièrement raison ! ;-)


That’s Entertainment Part 2

* Tout d’abord, une superbe mise en bouche, le très beau générique ludique concocté par Saul Bass dont je touche un mot plus haut.

* Un autre prologue ingénieux lui aussi : l’utilisation du Split Screen faisant voir à gauche le numéro That’s Entertainment de The Band Wagon tandis qu’à droite défilent à l’écran des extraits de films MGM de prestige tels Ivanhoé, Les Chevaliers de la table ronde, Quo Vadis, Scaramouche : tout cela pour nous démontrer ce que pouvait représenter "l’Entertainment" façon MGM.

* Le premier rôle de Gene Kelly, chantant ici en duo avec Judy Garland la chanson-titre de For Me and My Gal.

* Une séquence « Que pensiez-vous ne jamais voir à l’écran ? » avec Robert Taylor chantant, Greta Garbo dansant et autres charmantes mignardises.

* L’un des sommets du musical, Kiss me Kate de George Sidney, à travers un extrait (bien lamentablement abîmé) du sublime From this Moment On.

* Le prédécesseur de Make' em Laugh, une chanson qui lui ressemble plus qu’étrangement, le vigoureux Be a Clown de The Pirate.

* Duo acrobatique de charme en scope : All for You de Silk Stockings. Vous aurez certainement reconnu Fred Astaire et Cyd Charisse !

* Lena Horne chantant le standard The Lady is a Tramp dans Words and Music.

* Autre standard chanté cette fois par Kathryn Grayson puis dansé par le couple Marge et Grower Champion : Smoke Gets in Your Eyes du film Lovely to Look At.

* La chanson titre du film le plus présent dans ces trois anthologies : le final de Easter Parade. Rarement Judy Garland aura été aussi élégante. Plus tard, dans le même film, Fred Astaire dansera "au ralenti" dans Steppin’ Out with My Baby. Et vers la fin du métrage, nous verrons aussi le fameux A Couple of Swells qui voit Fred et Judy déguisés en clochards.

* Extrait du premier film de Minnelli, entièrement interprété par des comédiens noirs : Cabin in the Sky (Taking a Chance of Love chantée par Ethel Waters).

* Le final impressionnant de Girl Crazy, typique du travail du Busby Berkeley des grands jours.

* Scène ahurissante (et éminemment drôle au 150ème degré) tirée de The Great Waltz, au cours de laquelle Johann Strauss (interprété par Fernand Gravey) compose son "Histoire de la forêt viennoise" en quelques minutes en écoutant le chant des oiseaux et l’insupportable voix de sa partenaire Meliza Korjus !!! Heureusement, le ridicule ne tue pas !

* L’euphorique Good Morning de Singin’ in he Rain.

* Les "bébés" non moins drôles de Triplets dans The Band Wagon.

* Impossible de ne pas avoir les larmes aux yeux en voyant le visage baigné de tristesse de la toute jeune Margaret O’Brien écoutant sa grande sœur (Judy Garland) chanter Have Yourself a Merry Little Christmas dans le sublime Meet Me in St Louis. Anthologique !

* Le numéro 10 Cents a Dance du très beau Leave Me or Love Me, drame musical de Charles Vidor mettant en scène Doris Day (la chanteuse) et James Cagney (le gangster).

* Le très sympathique I Got tiré de An American in Paris ; le célèbre numéro au cours duquel Gene Kelly danse avec des enfants.

* Hommage à Frank Sinatra qui débute très bien (Anchors Aweigh et sa superbe chanson I Fall In Love Too Easily ; le bel hymne d’amour à Grace Kelly avec You’re Sensational dans High Society…) mais qui finit dans un montage approximatif de scènes ultracourtes et horriblement pan and scannées. Dommage !

* Love is Here to Stay, danse au bord de la Seine entre Gene Kelly et Leslie Caron dans An American in Paris, morceau qui annonce en un peu moins achevé le Dancing in the Dark de The Band Wagon du même Minnelli.

* Séquence du bal dans The Merry Widow au cours de laquelle Ernst Lubitsch fait preuve de son génie visuel.

* Sinbad the Sailor : numéro d’une folie et d’un surréalisme réjouissants tiré de Invitation to the Dance de Gene Kelly, voyant ce dernier danser avec des personnages de dessins animés.

* Magnifique : le duo Bing Crosby et Louis"‘Satchmo" Armstrong dans High Society : Now you has Jazz.

* Les jambes et le costume vert de Cyd Charisse dans un court extrait du Broadway Melody de Singin’ in the Rain.

* Le célèbre hommage d’Irving Berlin au spectacle dans Annie reine du cirque : There’s no Business like Show Business.

* Hors sujet mais sympathique et plutôt bien luxuriant : l’hommage au couple formé par Spencer Tracy et Katharine Hepburn.

* L’étonnant I Like Myself, numéro de patins à roulettes / claquettes par Gene Kelly dans It’s Always Fair Weather, comédie musicale amère mais magnifique de Stanley Donen.

* Le délicieux I Remember It Well, duo devant la mer au soleil couchant de Maurice Chevalier et Hermione Gingold dans Gigi.

* Bouncin’ the Blues : Dernière danse ensemble de Ginger et Fred dans Barkleys of Broadway.


That’s Entertainment Part 3

* Lucille Ball avec son fouet et ses femmes chats dans le ballet de Ziegfeld Folies, Here’s to the Girls.

* Séquence Clean as a Whistle au fort potentiel érotique et qui montrait ce qu’Hollywood pouvait tourner dans les années 30 avant que le code Hayes vienne s’en mêler. La MGM sera malheureusement le premier et le plus virulent des censeurs, tenant absolument, au sein de son studio, à faire respecter la moralité, refusant pour cela toute « vulgarité et bassesse ».

* Tournage du numéro Fascinating Rhythm dans Lady Be Good avec Eleanor Powell : intéressante utilisation du Split Screen qui fait voir à gauche de l’écran le numéro fini tel qu’il apparaît en salle, et sur le côté droit, le tournage de la scène. Impressionnant de voir les moyens mis en œuvre et le nombre de personnes travaillant sur une seule séquence de ce type. On comprend mieux le budget qui devait être alloué aux films du genre.

* Esther Williams se rend un propre hommage avec entre autres de très belles scènes dans Jupiter’s Darling avec le réveil des statues au fond de l’eau.

* La craquante June Allyson dans l’allègre et euphorisant numéro Cleopatterer dans Till the Clouds Roll By sur un air assez génial de Jerome Kern.

* Easter Parade encore et toujours avec Ann Miller dans Shakin’ the Blues Away.

* Un Pass that Pipe Pass pétillant de vitalité dans le premier film de Charles Walters, Good News.

* Somptueux hommage à Gene Kelly par Cyd Charisse qui vient nous le présenter devant les toiles peintes utilisées dans Brigadoon. Suite de séquences dansées peu connues et qui mériteraient pourtant vraiment de l’être : on le voit tout d’abord danser avec des feuilles de journaux dans Summer Stock (You Wonderful You) puis dans une chorégraphie pleine d’imagination Slaughter on Tenth Avenue dans Words and Music. Célèbres eux en revanche, on poursuit avec le délirant et virtuose Fit as a Fiddle tiré de Singin’ in the Rain, le passage Lautrec de l’insurpassable ballet finale dans An American in Paris et enfin l’enchanteur The Heather on the Hill de Brigadoon. Il était temps qu’on parle enfin de ce chef-d’œuvre pour la première fois évoqué ici !

* Debbie Reynolds dans deux extraits inédits : You Are My Lucky Star dans Singin’ in the Rain puis l’excellent A Lady Loves tiré du film I Love Melvin.

* Dolores Gray dans le formidable et stylisé Thanks a Lot but No Thanks dans It’s always Fair Weather.

* Partie "exotisme dans le musical" : vous aurez la chance de voir non moins que Cyd Charisse et Ann Miller se disputer le beau latin lover qu’est Ricardo Montalban dans The Dance of Fury tiré de The Kissing Bandit. Puis viennent le coloré Cha Bomm pa pa par Carmen Miranda et ses chapeaux farfelus puis surtout le pastiche très réussi de cette dernière par Mickey Rooney dans la chanson (aujourd’hui tube planétaire) Mama yo Quiero, extraite de Babes in Arms.

* Lena Horne qui nous parle sans langue de bois : « Je ne me suis jamais très bien intégrée à Hollywood. On ne savait pas trop quoi faire des noires ». On la découvre ensuite dans une scène coupée par la censure du Cabin in the Sky de Minnelli, Ain’t It the Truth dans laquelle elle chante nue dans un bain moussant. Elle évoque ensuite sa déception de ne pas avoir été choisie pour un rôle prévue pour elle au départ (car les producteurs ne voulaient pas voir à l’écran d’idylle entre un blanc et une noire), celui de Julie dans le Show Boat de George Sidney, rôle qu’elle avait pourtant déjà tenu lors d’une scène de Till the Clouds Roll By interprétant la superbe chanson Can't Help Lovin' That Man. Cette même chanson dans Show Boat qu’on entend maintenant chantée par Ava Gardner dans sa version doublée puis avec la vraie voix de l’actrice : on se demande pourquoi on a ressenti le besoin de la doubler car elle chantait à merveille !

* Long et excellent montage en hommage à Judy Garland, présenté par son partenaire de prédilection, Mickey Rooney. Après des séquences célèbres de The Wizard of Oz (entre autres) nous avons ensuite droit presque exclusivement à des séquences inédites jamais intégrées dans le montage final des différents films : une aubaine incroyable pour tous les fans de l’actrice. Au programmes, deux séquences, et non des moindres, tournées avec l’actrice avant que celle-ci n’abandonne le tournage de Annie Get Your Gun : I’m an Indian too et Doin’ What Comes Natur’lly. On voit ensuite l’actrice chanter Minnie for Trinidad dans Ziegfield Girl dont le final est assez spectaculaire ; l’inédit, et d’une folle virtuosité par sa réalisation, March of the Doagies tiré de Harvey Girls ; l’excellentissime et encore inédit Mr Monotony initialement prévu pour faire partie de Easter Parade (mais elle reprendra le même costume dans Summer Stock).


* Fred Astaire maintenant (puisque c’est à son tour d’être sur le devant de la scène) avec Lucille Bremer dans la séquence Coffee Time de Yolanda and the Thief, dans l’excellent Drum Crazy de Easter Parade au cours duquel il nous donne une leçon de batterie assez inhabituelle, puis dans quelques courts extraits du magnifique Girl Hunt Ballet de The Band Wagon, bel hommage au film noir.

* Fred Astaire encore qui nous prouve que ses numéros étaient millimétrés et chronométrés : I Wanna Be a Dancin Man du film Belle of New York en Split Screen, la scène ayant été tournée deux fois à quelques jours d’intervalles, une fois en smoking, l’autre en tenue de ville : Chapeau bas Monsieur Astaire !

* L’ahurissant et hilarant Anything You Can Do, I Can Do Better Than You de Annie Get Your Gun, un duo "scène de ménage" détonnant entre Howard Keel et Betty Hutton.


* Partie "nouvelles techniques cinématographiques, stéréophonie et cinémascope" : Stereophonic Sound dans Silk Stockings, Love Me or Leave Me avec un morceau précédemment chanté par Ann Miller et cette fois par Doris Day : Shakin’ the Blues Away, pour finir avec un autre genre de musique que celle de Broadway et Hollywood, le rock avec Jailhouse Rock évidemment entonné par Elvis Presley.

* Et une troisième fois, on termine avec la chant du cygne de l’âge d’or du musical, Louis Jourdan interprétant la chanson titre de Gigi.


Soit ce listing aura achevé de vous dégoûter du genre (ce serait d’ailleurs bien dommage car ce n’était pas le but recherché), soit, je l’espère sincèrement, il vous aura mis l’eau à la bouche pour essayer de réintégrer ces extraits dans l’intégralité des films présentés. Bref, oubliez tous les défauts que peuvent comporter ces trois anthologies et savourez en chaque instant avec délectation ou bien laissez tourner le DVD en fond sonore, c’est toujours extrêmement revigorant !

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 28 décembre 2004