Menu
Critique de film
Le film

Hanzo the razor - La chair et l'or

(Goyôkiba: Oni no Hanzô yawahada koban)

L'histoire

Onibi et Manushi, les deux assistants d’Hanzo, sont surpris aux abords d’une rivière jouxtant la maison du trésor du Shogun, par une apparition fantomatique. Effrayés, ils se précipitent vers l’inspecteur, qui bravant le danger se réjouit à l’idée de faire l’amour à cette créature froide et humide. Arrivé sur place, il déjoue l’arnaque. Le fantôme n’est que la femme d’un officier de la garde du trésor grimée, dont le rôle consiste à écarter les curieux d’un trafic de pièces volées au Shogun. Hanzo fait subir à la captive son célèbre supplice du filet, mais celle-ci est tuée avant de pouvoir livrer le nom de celui qui se cache derrière le trafic. Hanzo est bien décidé à faire la lumière sur cette affaire où vient bientôt se glisser le nom d’Ishiyama, un étrange maître de Koto, aveugle respecté dont l’influence remonte jusqu’au conseiller Hotta, numéro deux du Shogun. Hanzo retrouve un ancien ami, Heisuke, qui a emprunté une forte somme à l’aveugle usurier qui le presse de céder la lance de sa famille, pièce unique issue des forges de Nagato.

Analyse et critique

Personnage clé de ce troisième épisode, Sugino Genan est un médecin qui prédit la fin du Japon s’il refuse de s’ouvrir à l’Occident. En cette période clé de l’ère Edo, des groupes antagonistes se déchirent au sein du Shogun. Les partisans d’un Japon fort et fidèle à ses traditions (« Le Japon est le Japon, il doit rester tel qu’il est » déclame le conseiller Hotta) s’opposent à ceux qui pensent que l’influence de l’Occident est inévitable et qu’il faut apprendre leurs sciences et leurs techniques. Genan est de ceux-là, il aimerait voir le gouvernement apprendre à utiliser les machines à vapeur ou encore à prendre modèle sur leur artillerie. Initié à la médecine occidentale (à l’époque incarnée par Hollande), il est vu comme un traître à sa nation et condamné pour dissidence. Il convainc Hanzo du bien fondé de sa démarche et l’inspecteur accepte de le cacher pendant un mois, le temps qu’il mette au point un canon sur le modèle occidental, plus rapide et puissant, qui devrait prouver une fois pour toute aux décideurs que sans ouverture le Japon est condamné à être envahi. Autre personnage important, Heisuke représente une autre mutation à l’œuvre dans la société des Tokugawa. Les samouraïs sont petit à petit écartés de leur importance d’origine. Un nouveau système hiérarchique se met en place, nombre de fiefs sont démantelés, la paix règne, bref les illustres guerriers n’ont plus leur place dans la société d’Edo. Heisaku est ainsi passé de Samouraï à fabriquant de parapluie. Acculés à la pauvreté, les samouraïs se reconvertissent, souvent deviennent ronin. Ils ont normalement l’interdiction de devenir marchand ou paysan, Heisuke représente donc la plus misérable des chutes. L’usurier Ishiyama profite de cet état de feu en poussant les samouraïs à lui emprunter de fortes sommes. Il pousse même le conseiller Hotta à faire fructifier l’or du Shogun en l’utilisant pour endetter les samouraïs.

Hanzo se trouve confronté également à Ishiyama, homme au plus haut de la hiérarchie des grands maître aveugles. Sa duplicité est le principal adversaire de l’inspecteur. Alors que le conseiller Hotta est une cible facile pour Hanzo (il est juste corruptible), Ishiyama est plus insaisissable et The Razor doit user de mille stratagèmes pour défaire cette crapule. Il découvre que des fêtes sont organisées pour ses élèves de koto. Des fêtes où elles donnent libre cours à leurs désirs sexuels. L’occasion de montrer le carcan social dans lesquelles les femmes sont enfermées dans cette société. Alors que les hommes batifolent à droite et à gauche, les femmes sont abandonnées de leurs maris et le moindre écart les condamne à l’opprobre public voire la mort.

La saga Hanzo trouve avec son personnage d’éternel insoumis et ces allusions historiques, un fort écho dans la jeunesse japonaise de ce début des années 70. Une forme de cinéma contestataire qui répond aux révoltes étudiantes, au mécontentement qui secoue le pays, mais sans entrer dans le courant du cinéma social. Une sorte de contestation fun en somme, où le plaisir de transgression tient lieu de programme politique.

Chishi Makiura prend la relève de Kazuo Miyagawa au poste de chef opérateur. Avec huit Zatoichi et quatre Baby Cart à son actif, le directeur de la photo est l’une des figures incontournables de l’écurie Katsu. C’est Hideaki Sakurai qui signe la bande originale, déjà auteur de celle de cinq épisodes de la saga Baby Cart. Son travail sur Hanzo s’inscrit pleinement dans ce qu’il compose pour Baby Cart, une musique pop entraînante et rythmée, haute en couleur et en passages psychédéliques. Chapeautant le tout, Yoshio Inoue, cinéaste recommandé par Masumura, brille par des scènes de combat intelligemment découpées, mais ne parvient pas à donner un réel rythme au film, ni à imbriquer de manière satisfaisante les différents thèmes qui se côtoient. Heisuke et Genan ne sont pas assez exploités, leur portée historique reste bien trop en retrait par rapport à l’intérêt qu’ils auraient pu apporter au film. Plus grave, Inoue se contente de répéter les formules établies dès le premier opus, épuisant une série qui ne parvient pas à se renouveler et ce dès le début. Le scénario aurait pu être prétexte à de nouveaux horizons, mais Katsu et ses collaborateurs se reposent trop sur leur lauriers, et noient dans l’œuf la franchise.

Au final le constat à la vision de cette mythique saga est assez mitigé. D’un côté, les films sont loin d’être aussi délirants et outranciers que la légende ne le laissait supposer. Trop sages par rapport à ce que l’on attendait, et surtout trop répétitifs. De l’autre, les trois épisodes d’Hanzo the Razor demeurent de bonnes séries B d’exploitation, filmées sans génie mais avec efficacité, et surtout dotées de scénarios bien construits aux intrigues multiples qui maintiennent intact l’intérêt du spectateur. Le tout est porté par un Shintaro Katsu qui s’en donne à cœur joie et dont l’interprétation, naviguant entre fureur et burlesque, est constamment jouissive. Très loin d’égaler la splendeur des Baby Cart et la profondeur des Zatoichi, Hanzo reste une véritable curiosité à même de ravir les amateurs de films gentiment décalés.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

La Critique de Hanzo the razor -L'Enfer des supplices

Par Olivier Bitoun - le 13 avril 2006