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Critique de film
Le film
Affiche du film

Frankenhooker

L'histoire

Jeffrey Franken, électricien et inventeur fou à ses heures perdues, voit sa femme adorée se faire hacher menu par une tondeuse à gazon télécommandée de sa conception. Il récupère sa tête, seul vestige intact du cadavre déchiqueté et décide de la ramener à la vie coûte que coûte. Il plonge dans les bas-fonds de New York avec l'idée d'en ramener les éléments anatomiques manquants qui permettraient de refaçonner un corps à sa chère épouse défunte. Afin de récupérer cette matière première, il met au point une drogue, le "super-crack", qu'il distribue à des prostituées soigneusement sélectionnées par ses soins. Ne lui reste plus qu'à prélever sur les victimes de l’overdose les membres nécessaires à l’opération. Mais, ramenée à la vie, Elizabeth, devenue Frankenhooker ("Frankenpute" en français), ne peut s'empêcher d'arpenter les trottoirs...


Analyse et critique

Frank Henenlotter séchait constamment les cours de son lycée de Long Island pour se rendre en train à New York, direction la 42ème Rue. Une quartier fait de sex-shops, de bars, de tripots et de peep-shows. Mais si le jeune Henenlotter arpentait cet endroit mal famé, ce n'était pas pour s'encanailler mais pour dévorer les innombrables films d’exploitation diffusés non-stop par les salles du quartier. C’est certainement ainsi que, dans son esprit, le plaisir procuré par le cinéma s’est retrouvé lié à l’ambiance de cette société interlope, nocturne, fonctionnant autour de la clandestinité et du commerce du sexe, une ambiance aussi glauque que joyeuse qui nous amène directement à ce Frankenhooker.



Henenlotter nous convie aux côtés de sa créature moderne de Frankenstein (excellemment interprétée par Patty Mullen, une playmate de Penthouse) à arpenter un quart-monde ravagé par la drogue et la misère. Si l'on retrouve cette volonté du cinéaste de filmer les bas-fonds, il le fait sur un ton bien plus burlesque que dans ses deux précédents longs métrages, Basket Case et Brain Damage. Dès l'ouverture, Henenlotter cible l'american way of life (une fête d'anniversaire proprette qui vire dans le gore lorsque la tondeuse débite la femme de Jeffrey en petits morceaux) avant de se livrer à une satire du culte de la beauté et à une dénonciation de la marchandisation des corps, le tout en proposant une peinture sans fard de ces bas quartiers où survivent tant bien que mal les laissés-pour-compte du rêve américain.



Mais cet aspect critique cède largement la place aux délires horrifiques et déjantés du cinéaste. Henenlotter multiplie ainsi les idées comico-trash : Jeffrey qui stimule son cerveau à coups de perceuse électrique, son animal domestique qui se trouve être un cerveau doté d'un œil, les cultissimes explosions de prostituées ayant ingéré du "super-crack", le mac attaqué par des amalgames de membres libidineux... Autant de scènes qui tiennent complètement du cartoon et qui nous rappellent que, d'Evil Dead à Re-Animator, le cinéma gore a toujours été plus proche des délires d'un Chuck Jones que du cinéma d'horreur traditionnel.



Mais cet aspect grand-guignolesque ne masque pas le fait que Frankenhooker est un film dans lequel Henenlotter met beaucoup de lui. Il filme avec une grande sensibilité ce monde de la 42ème Rue dans lequel il a grandit et dont il aime si sincèrement la faune. Et son histoire de prostituées n'est pas sans faire écho à son propre cheminement dans le monde du cinéma. En effet, pour pouvoir tourner ce film qui lui tient énormément à cœur, il accepte de réaliser deux suites à Basket Case pour le compte de James Glickenhaus qui espère tirer profit du culte entourant le premier opus pour faire tourner la machine à sous. Une concession au système qui lui permet de signer ce film si personnel, mais qui le laisse amer et va le pousser à abandonner le cinéma pendant seize années. Henenlotter prouvait pourtant avec ce Frankenhooker qu'il n'avait rien perdu de sa force subversive et de sa sincère empathie pour le quart-monde, alliant avec brio l'ambiance underground et oppressante de Frère de sang et d'Elmer, le remue méninges à un ton cartoonesque particulièrement jouissif.

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La fiche IMDb du film

Par Olivier Bitoun - le 5 septembre 2016