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Critique de film
Le film
Affiche du film

Fais ta prière... Tom Dooley

(The Legend of Tom Dooley)

L'histoire

1865. Le Sud aux abois, la mission des petits groupes disséminés de Confédérés est désormais de déstabiliser au maximum l’ennemi en empêchant ravitaillement et armes d’arriver à destination. C’est ainsi que trois jeunes soldats sudistes, Tom Dooley (Michael Landon), Abel (Dee Pollock) et Country Boy (Richard Rust) attaquent une diligence conduite par des soldats unionistes ; ils sont malheureusement obligés de tuer les convoyeurs nordistes qui tentaient de se défendre. Tout ceci n’aurait été qu'un banal fait de guerre de plus si celui-ci avait été commis avant la reddition du Sud. Hélas, n'ayant pas eu vent de la fin des hostilités, Tom Dooley et ses compagnons deviennent dès lors des assassins. Pas de chance pour Tom, l’un des passagers civils témoins de l’attaque l’a reconnu. Après avoir fait soigner Abel, blessé lors de l’escarmouche, Tom, en essayant de fuir pour échapper à la potence, entraine dans son escapade la fille dont il est tombé amoureux et qu’il était venu chercher, la jolie Laura Foster (Jo Morrow), courtisée dans le même temps par le déplaisant Charlie Grayson (Jack Hogan). Militaires et civils n’auront désormais de cesse de vouloir appréhender les trois "meurtriers malgré eux", Charlie Grayson étant le plus acharné, espérant ainsi se débarrasser de son rival en amour. Comme le prévient la chanson dès le générique de début, l'aventure prendra une tournure tragique...

Analyse et critique

The Legend of Tom Dooley est le deuxième film réalisé par Ted Post, le premier étant The Peacemaker, petit western de série datant de 1956. Il faudra attendre une petite dizaine d’années avant qu’il ne signe un troisième long métrage, à nouveau un western cette fois bien plus connu, Pendez-les haut et court (Hang’em High), qui marquait le retour de Clint Eastwood à Hollywood après son succès mondial dans le rôle de l’homme sans nom de la trilogie des dollars de Sergio Leone. Ted Post mettra également en scène plusieurs épisodes de la série Rawhide avec le même Eastwood, et sa carrière continuera à se dérouler principalement à la télévision (Gunsmoke, Wagon Train...). Si l’on a pu entendre parler de Fais ta prière... Tom Dooley, c’est surtout pour la ballade qui l’accompagne, une chanson traditionnelle de Caroline du Nord popularisée par le Kingston Trio et qui fut dans cette version un énorme succès aux États-Unis en 1958 - elle remportera même un Grammy Award. Le projet du film s’est d’ailleurs monté autour de cette chanson, les producteurs espérant tirer partie de sa popularité. Inspiré de cet immense tube folk qui rythme d’ailleurs le film, le western de Ted Post raconte les dernières heures d’un jeune soldat confédéré qui, n’ayant pas appris à temps la fin de la guerre civile, est devenu un assassin alors qu’il pensait avoir accompli un simple fait de guerre. Ayant tué trois soldats nordistes alors que le conflit avait pris fin, il se retrouve du jour au lendemain poursuivi pour être pendu, sachant pertinemment qu’il ne sera écouté et cru par personne, que sa sincérité et sa bonne foi seront occultées. Comme nous l’apprennent les paroles de la chanson qui résonne dès le générique de début, sa fin ainsi que celle de sa fiancée seront dramatiques.

Hang down your head Tom Dooley,
hang down your head and cry,
Hang down your head, Tom Dooley
Poor boy, you're bound to die.


On devine donc dès le départ comment toute cette histoire se terminera, on imagine parfaitement le destin morbide qui attend la plupart de ses protagonistes. Malgré tout, on suit le film sans ennui car le producteur/scénariste ne dévie pas d’un iota de son fil rouge basique, posant son intrigue sur des traces bien profondes sans jamais digresser, un peu comme l’avait fait, toutes proportions gardées, Anthony Mann pour La Porte du diable (Deevil’s Doorway) : une ligne de fuite toute droite et aucun débordement. Trois "rebelles" recherchés par les autorités civiles et militaires, un homme jaloux, lui aussi prêt à tout pour arrêter les "hors-la-loi" afin de faire place nette, une femme amoureuse bravant son père pour suivre son amant. Voilà les seuls éléments sur lesquels repose toute l'intrigue du film ; Stanley Shpetner a fait simple, il ne semble pas avoir voulu se soucier de psychologie mais au contraire s’attarder sur les faits, rien que les faits et l’inéluctable et sombre drame qui se met en place : poursuite, partie de cache-cache, arrestation, évasion, poursuite, arrestation... Et l’ensemble se révèle loin d’être désagréable. Il s’agit d’un film à très faible budget de la Columbia qui profite des décors créés pour ses séries, qui ne s’encombre pas de figuration et qui convoque des comédiens très peu connus pour un tournage qui aura à peine duré plus d’une semaine.

L’interprète du personnage-titre tiendra peu de temps après les rôles de "Little Jo" Cartwright dans Bonanza et celui surtout de Charles Ingalls, le père de famille dans La Petite maison dans la prairie. Sa carrière cinématographique n’est en revanche pas très prestigieuse, le seul film dans lequel vous l'avez peut-être vu est Le Petit arpent du bon Dieu (God’s Little Acre) d’après Erskine Caldwell et adapté par Anthony Mann (le cinéaste n'en a d'ailleurs pas fait l’un des sommets de sa carrière). Encore tout jeune, Michael Landon est, malgré un physique assez fade, plutôt convaincant, et le couple qu’il forme avec la blonde Jo Morrow se révèle assez crédible : la séquence de leur mariage précipité est d’ailleurs assez touchante, le couple en fuite devant aller très vite avant qu'il ne soit rattrapé, s’arrêtant chez le premier pasteur qu’il rencontre. Ce dernier, défroqué, demande à son fils d’être le témoin ; à ce moment nous voyons s’avancer un jeune homme manchot portant une tenue yankee. Ce dernier accepte de rester pendant la cérémonie qui ne dure que quelques secondes mais leur demande de quitter immédiatement les lieux après, n’ayant toujours pas digéré le conflit civil qui vient de se terminer et qui l'a privé d’un de ses bras, éprouvant toujours de la rancune envers les Confédérés - le jeune marié porte d’ailleurs toujours l’uniforme gris. Il aura fallu attendre cette toute fin de décennie pour que Hollywood mette autant en avant dans ses westerns les ravages physiques et psychologiques causés par la guerre de Sécession : en quelques semaines nous aurons donc vu ce minuscule second rôle pourtant assez marquant au sein de ce film, un autre Nordiste ayant perdu un bras comme protagoniste principal du Courrier de l’or (Westbound) de Budd Boetticher, ainsi que toute une galerie de personnages qui subissent la violence du conflit dans Les Cavaliers (The Horse Soldiers) de John Ford.

Pour en revenir aux acteurs, nous trouvons aussi Richard Rust, très bon lui aussi dans la peau de l'ami fidèle de Tom (une amitié très forte que celle décrite ici) et qui prouvera à nouveau ses qualités de comédien les années suivantes chez Budd Boeticher (Comanche Station) ou Samuel Fuller (Les Bas-fonds new-yorkais), ainsi que Jack Hogan qui arrive parfaitement à se faire détester et qui lors d’une séquence d’une rare vigueur se battra à poings nus contre Michael Landon au milieu d’une bâtisse en cendres, les deux hommes se servant de toutes les planches et poutres à leur disposition pour se castagner encore plus fort. Ted Post nous prouvait à cette occasion qu’il pouvait être un réalisateur très efficace, nous faisant oublier par son modeste talent le budget ridicule du film. Les autres séquences d’action sont rares mais toutes aussi réussies, à commencer par l’attaque de la diligence qui ouvre le film ; le noir et blanc colle parfaitement bien à l’atmosphère sombre de ce western et la mélodie de la ballade est entêtante même si pas toujours utilisée à bon escient. Le reste de la musique n’est pas désagréable mais guère mémorable, à tel point que le réalisateur choisit à de nombreuses reprises de ne pas en mettre du tout, notamment lors des scènes de chevauchée, ce qui rend ces dernières finalement peut-être plus puissantes.

Fais ta prière... Tom Dooley est donc un western tourné sans grands moyens mais que le réalisateur et les comédiens arrivent à nous rendre presque constamment captivant. Attention, rien d’inoubliable ni de mémorable non plus mais plutôt une jolie surprise, assez touchante par le fait de nous proposer une galerie de personnages qui s’entêtent à lutter contre un destin que l’on sait funeste puisque annoncé tel quel d’emblée. Plaisant et surtout loin d'être aussi mauvais que les user reviews du site IMDB laissaient à penser !

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 1 octobre 2016