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Critique de film
Le film
Affiche du film

Doomwatch

L'histoire

Le docteur Del Shaw est chargé par l'organisation Doomwatch d'analyser les effets d'une marée noire sur la côte de la petite île de Balfe. Il y découvre une population isolée et hostile qui voit d'un mauvais œil l'arrivée de ce nouveau venu, et semble dissimuler un secret. Étonné par leurs comportements, puis par une macabre révélation, Shaw commence à enquêter, assisté par la jeune institutrice du village, Victoria Brown.

Analyse et critique


Au début des années 1970, en Grande-Bretagne, le film fantastique est sur le déclin. Alors que le genre se réinvente déjà aux États-Unis, avec des films comme Rosemary’s Baby (1968), La Nuit des morts-vivants (1968), et bientôt L’Exorciste (1973), les grands studios, et notamment la Hammer, accusent le coup. Le gothique et le vampirisme n’attirent plus vraiment les foules : nous sommes dans une période de flottement où les sociétés de production se regardent en chien de faïence. La Tigon British Film Productions, plutôt à l’aise dans cette configuration historique, en profite donc pour sortir d’audacieux films d’horreur : Le Grand inquisiteur (1968), La Maison ensorcelée (1968), Le Vampire a soif (1968), Lâchez les monstres (1970), La Nuit des maléfices (1971)... Ouverte aux nouvelles tendances, et passant d’un sous-genre à un autre, elle s’attache à anticiper ou à recycler des mouvances. Le film fantastique (ou d’anticipation) écologique, par exemple, commence à se constituer : le plus connu est sans aucun doute Soleil vert (1973), mais on peut penser à Terre brûlée (1970), THX 1138 (1971), Silent Running (1972) ou Zardoz (1974). Les mouvements sociaux des années 1968, qui ne peuvent être réductibles à la seule libération des mœurs, ont fait émerger la question environnementale : l’écologie politique commence à être sérieusement définie. C’est donc dans ce contexte de redéfinition de l’offre (fantastique) et de la demande (écologique, entre autres) que Doomwatch s’inscrit.


Adaptation d’une série très populaire en Grande-Bretagne, mais inconnue en France, ce film n’est pourtant pas un épisode grand format, comme on pourrait le penser. Certes, il reprend les principaux traits du scénario original : une agence gouvernementale chargée d’étudier les scandales écologiques, une enquête policière, des trafics démantelés... Mais le réalisateur Peter Sasdy, issu de la Hammer, ne reprendra rien des spécificités télévisuelles (qui auraient pu être un carcan) et saura s’entourer d’une équipe technique et d’un certain nombre d’acteurs rompus au cinéma. Ian Bannen, tout d’abord, qui a joué pour Sydney Lumet (La Colline des hommes perdus, 1964) et Robert Aldrich (Le Vol du phénix, 1965), plutôt crédible dans son rôle de Dr. Del Shaw. George Sanders, aussi, à la carrière monumentale et dont ce sera la dernière apparition au cinéma. Tom Smith, enfin, maquilleur de vampires en tout genre, futur make-up artist de Shining (1980).


Contrairement à ce qui faisait son succès, Peter Sasdy se détourne du gore et du tape-à-l’oeil. Les "monstres" de l’île, qui ne sont en fait que de simples habitants victimes d’une surdose d’hormones de croissance présentes dans l’eau de mer, ne sont montrés qu’à la toute fin du film. Il prend le parti de faire monter le suspense et de ne pas s’appesantir sur un usage immodéré des gueules déformées. L’intrigue, également, s’attache à démêler le vrai du faux : toute la première partie du film est centrée sur le rapport du Dr. Del Shaw aux habitants de Balfe. Suspicion, paranoïa, ombres fuyantes et malentendus : nous sommes quasiment dans une intrigue lovecraftienne (on pense au Cauchemar d’Innsmouth). Puis, alors que l’enquête semble s’orienter vers un empoisonnement dû à une gestion criminelle de produits chimiques (avec toute la collusion para-gouvernementale que cela implique), le rythme s’accélère : les plans se font plus larges, le montage et les dialogues plus mordants, les acteurs plus nombreux. Nous passons du fantastique au thriller scientifique. Refusant le spectaculaire jusqu’aux toutes dernières séquences, malgré quelques scènes de grande tension nécessaires à l’intrigue, Peter Sasdy prend le parti d’offrir un long métrage à cheval entre plusieurs esthétiques : naturaliste, baroque, horrifique, policier.


Le risque est de perdre quelque peu le spectateur qui ne sait plus vraiment à quoi se rattacher. On ressort donc de Doomwatch avec cette étrange impression d’avoir vu quelque chose d’inabouti, tout à la fois film d’anticipation et enquête techno-scientifique, aux questions écologiques mal exploitées. Un vrai sujet d’interrogation.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Florian Bezaud - le 22 juin 2017