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Critique de film
Le film
Affiche du film

Cinq Survivants

(Five)

L'histoire

Dépeuplée par un holocauste nucléaire, la Terre n'est plus qu'un vaste cimetière. Seules cinq personnes semblent avoir miraculeusement survécu. Se retrouvent dans un site privilégié, épargné par les retombées radioactives : une femme enceinte, un homme de couleur, un employé de banque, un philosophe et un alpiniste raciste. Vont-ils, malgré leurs différences, parvenir à coexister face au tragique de la situation ?

 

Analyse et critique

« A story about the day after tomorrow… »

Considéré, à raison, comme le premier film traitant d’une société ayant "survécu" à une déflagration nucléaire, Les Cinq survivants a toujours pâti d’une audience confidentielle. Pourtant, on retrouve des réminiscences de ce film d’avant-garde jusque dans des monuments comme La Bombe (Peter Watkins, 1965), La Planète des singes (Franklin J. Schaffner, 1968), Malevil (Christian de Chalonge, 1981) ou La Route (John Hillcoat, 2009). Pour ne citer qu’eux. Même si le genre post-apocalyptique ne s’est jamais vraiment renouvelé, dans ses thèmes comme dans ses psychologies, il existe un long métrage en ayant posé quelques jalons. Et c’est celui-ci. Générique explosif (avec la Tour de Londres, la Tour Eiffel, Notre-Dame de Paris et le Taj Mahal, déchirés par des flammes en surimpression), versets de la Bible, héros errants, grisaille, souffle du vent : tout y est.


Bien sûr, un espace isolé, caché et difficile d’accès, servira de point de rencontre aux derniers survivants de l’humanité. C’est presque toujours ainsi. Le monde est petit. Roseanne Rogers, jeune femme sur le point d’accoucher, Michael Rogin, hirsute, qui a tout d’un pionnier, Mr. Barnstaple, ancien banquier, Charles et Eric, couple noir et blanc, antagoniste, sans noms. La maison qui leur sert de refuge, et qui préfigure les cabanes bergmaniennes, est la propre maison du réalisateur, Arch Oboler. Que dire de lui, sinon qu’on l’a souvent considéré comme une sorte d'Orson Welles ? Venu de la radio, où il excellait, plus coulant, moins jusqu’au-boutiste, il s’est fait un nom dans les premières expériences 3D du Crazy Hollywood. Les Cinq survivants reste son film le plus personnel, le plus maîtrisé, empruntant beaucoup à toute une tradition du cinéma européen. Les scènes de chasse, par exemple, ou d’agriculture, font tout autant penser à Teuvo Tulio - Le Chant de la fleur écarlate (1938), Le Rêve dans la hutte bergère (1940)... - qu’à Ingmar Bergman - Jeux d’été (1951) notamment. Un naturalisme un peu étrange, étant donné le sujet, et qui se contente de signifier la fin du monde par des étendues dépeuplées. Ce n’est que vers la fin du film qu’une exploration urbaine donnera lieu aux séquences les plus fortes : si les plans larges et l’atmosphère sonore caractérisaient les scènes 'hors la ville", nous avons droit ici aux plans serrés, aux zooms angoissés, aux sirènes, aux squelettes et au chaos industriel. Un changement de ton radical, qui aurait gagné à être développé, mais qui sera malheureusement expédié en une dizaine de minutes. Le budget de 75.000 dollars ne l’a sans doute pas permis...


Politiquement, le message est sans nuances : les hommes ne parviendront jamais à coopérer, le racisme se perpétuera, le partage sexué des tâches également. Mais s’il est un aspect qu’Arch Oboler introduit mal, et sans mesure, c’est la religiosité. Preuve en est ce psaume, récité excessivement (et béatement) par un des personnages, alors que Roseanne donne naissance à l’Enfant nouveau. Inutile, téléphoné, n’apportant rien à l’intrigue, on ne peut qu’être déçu par cet écart. C’est d’autant plus maladroit que la mort du nouveau-né, qui est la dernière séquence marquante du film, interroge plus pertinemment les rapports des êtres et des générations entre eux. Un final pessimiste, donc, absolument en accord avec la tonalité générale, radicale, mais qui aurait pu être mieux amené.

Les Cinq survivants est donc une excellente découverte, encensée à sa sortie par François Truffaut, et qui a initié, sans le vouloir réellement, une flopée de longs métrages ayant pour cadre un holocauste atomique. Mais ici, notons-le, l’ambition est plus humaniste que commerciale : Arch Oboler, l’air de rien, adresse un avertissement subtil aux sociétés. Avec le peu de moyens qu’il a.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Florian Bezaud - le 5 mars 2018