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Critique de film
Le film

Casablanca, nid d'espions

(Noches de Casablanca)

L'histoire

1942, Casablanca est une plaque tournante de la Résistance. A sa descente d’avion, à peine débarqué, un agent allemand se fait assassiner et voler la mallette qu’il transportait. Pour appréhender le meurtrier et démanteler le principal réseau de résistants auquel on pense qu’il fait partie, les Allemands font appel au commissaire de police français Maurice Desjardins (Maurice Ronet). Ce dernier n’est-il réellement qu’un simple fonctionnaire de police à la botte de Vichy ou est-ce derrière lui que se cache le fameux ‘Loup’, chef de la Résistance française ? Pour quel camp opère la belle et troublante chanteuse, Teresa (Sara Montiel) dont le compagnon vient lui aussi de se faire trucider ? "Autant d’interrogations qui font de Casablanca un épineux et mystérieux nid d’espions" - mais qui ne feront pourtant pas avancer l’intrigue d’un pouce…

Analyse et critique

En effet, nous sommes bien obligés d’en passer par là et de le dire d’emblée : qu’importe l’intrigue puisque, le film étant tellement mauvais, ce qui s’y passe ne nous touche absolument pas et nous n’essayons même pas de nous y accrocher malgré la meilleure volonté du monde. Et ce calvaire est d’autant plus triste qu’Henri Decoin était un des cinéastes et scénaristes français les plus attachants des années 40. Comment l’auteur de films aussi délicieux que Battement de cœur ou Premier rendez-vous, aussi sensible que Les amants du pont Saint-Jean, aussi passionnant que Au grand balcon, aussi jouissif que Entre onze heures et minuit, comment l’homme qui a su si intelligemment adapter Simenon avec Les inconnus dans la maison et surtout La vérité sur Bébé Donge a-t-il pu en fin de carrière nous pondre un tel nanar "kitchissime" ? Nous préférons ne pas le savoir ou espérer pour lui que cette réalisation fut purement alimentaire. Dans tous les cas, je comprends mieux maintenant pourquoi je n’ai trouvé nulle trace d’un quelconque commentaire sur ce film d’espionnage auprès duquel les OSS 117 de André Hunebelle, Michel Boisrond et consorts pourraient presque faire office de chefs-d’œuvre !

N’ayant absolument aucun rapport avec le célèbre film de Michael Curtiz et à cent coudées du premier James Bond sorti l’année précédente, James Bond contre Docteur No de Terence Young, rien donc dans ce film ne saurait retenir l’attention ni le rendre sympathique ou attachant. Une telle indigence à tous les niveaux relève purement et simplement de l’insulte envers le spectateur. La mise en scène de Henri Decoin est d’une mollesse à peine croyable, qui pourrait faire croire que Derrick a été réalisé par Oliver Stone, et parfois même carrément aux abonnés absents ; le scénario est d’une médiocrité absolue et le montage pitoyable ; le compositeur de la musique a même préféré garder l’anonymat après avoir livré sa soupe absolument indigeste : aucune mention sur la jaquette, dans une quelconque base de données et même au générique de départ, du jamais vu ! Et dire que Sara Montiel se fend d’interpréter quatre chansons mais malheureusement le mouvement de ses lèvres n’est jamais raccord avec les paroles. Ce sont néanmoins les scènes les plus appréciables car les seules que vous pourrez vous permettre de passer en accéléré sans rien louper de l’intrigue : la nullité de ces séquences (on demande Arthur Freed SVP) fait que vous ne le regretterez pas. Que d’anachronismes flagrants dans les costumes et les décors d’une laideur totale ! Quels mauvais dialogues dont voici un exemple : "Vous chantiez vachement bien ; vous étiez magnifique ; vous aviez beaucoup de sex-appeal" dira l’un des protagonistes pour toutes congratulations à notre espionne-chanteuse après qu’elle ait fini de massacrer lamentablement La vie en rose de Edith Piaf.

Et nous sommes bien obligés encore d’enfoncer le clou plus avant en parlant des comédiens, tous très sympathiques par ailleurs, mais qui ne se sentent visiblement pas concernés par cet improbable navet. Sara Montiel justement, en Mata Hari de pacotille, dont nous nous rappelons surtout ses interprétations dans Vera Cruz de Robert Aldrich et Le jugement des flèches de Samuel Fuller, qui se permet d’être exécrable (pour en juger, rendez-vous directement sur la séquence de son emprisonnement dans laquelle elle est tout simplement épouvantable) ; Maurice Ronet, pourtant prodigieux la même année dans Le feu follet de Louis Malle, se demande comment il a atterri ici ; pas mieux pour Franco Fabrizzi qui était pourtant très bien en Vitelloni chez Fellini… Pas besoin de continuer pendant des heures, tout est à l’avenant et nous déplorons une nouvelle fois les coproductions franco-italiennes des années 60 qui n’ont pas abouti à grand chose dans la plupart des cas, bien au contraire : tant de capitaux dépensés pour de tels résultats, un constat triste à pleurer mais heureusement l’époque de ce type de coproductions européennes pour lesquelles on se demandait souvent dans quelles poches passait l’investissement de départ, est bel et bien révolue.

Pour conclure, si vous décidez d’organiser une soirée bien arrosée entre copains et que vous commencez à vous lasser de vous retaper pour la 20ème fois le commentaire audio de l’immense Vercingétorix, ce DVD de remplacement est fait pour vous ! ;-)

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 24 décembre 2003