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Critique de film
Le film
Affiche du film

Bye Bye Braverman

L'histoire

Leslie Braverman embarrasse tout le monde en disparaissant brutalement à l'âge de 41 ans. Sa veuve se voit obligée de s'occuper des obsèques et ses amis n'ont pas vraiment à cœur de lui rendre un dernier hommage, comme Morroe Rieff (George Segal) qui se voit contraint de promettre à Inez Braverman (Jessica Walter) de se rendre aux funérailles de son mari. Il sonne le tocsin pour rassembler les vieux amis de Leslie - Felix (Joseph Wiseman), Holly (Sorrel Booke) et Barnet (Jack Warden) - et tous les quatre partent à bord d'une Volkswagen rouge pour une folle virée de Greenwich Village à la synagogue de Brooklyn...

Analyse et critique

Bye Bye Braverman - adaptation d'un roman satirique de Wallace Markfield, To an Early Grave - est comme une version mineure et comique de The Group. L'époque a changé et les huit femmes cèdent leur place à quatre intellectuels juifs, mais le fond est peu ou prou le même. Dans un premier temps, Sidney Lumet installe ses personnages, consacrant une petite séquence introductive à chacun des quatre compères. Le ton est ironique et le cinéaste épingle leurs petits travers, l'arrogance d'un tel ou le je-m'en-foutisme d'un autre, dans la pure tradition de l'humour juif new-yorkais. On prend ensuite place à leur côté, à bord de la Volkswagen, et l'on suit les échanges entre ces quatre intellectuels quelque peu pompeux et fats. On regrette dans un premier temps la construction très fragmentée du film, son manque de cohérence, comme si le scénariste Herbert Sargent (qui a pour le reste uniquement travaillé à la télévision) alignait les saynettes sans avoir une véritable vue d'ensemble.

Mais grâce à des dialogues enlevés et à la fougue des acteurs, cette succession d'échanges, de sketches et de digressions confère finalement au film une fort sympathique sensation de liberté. Les personnages peuvent s'affranchir des contraintes d'un scénario balisé et fermé, et ils gagnent au fur et à mesure du film une vérité et une profondeur qu'on n'imagine pas vraiment au départ. On passe de conversations pleines d'humour à des moments touchants, on est tour à tour gênés puis émus par les pensées et réflexions du quatuor. La construction par instantanés, qui aurait pu être un défaut rédhibitoire, fait finalement tout l'intérêt de ce petit film plus touchant et profond - on y parle beaucoup de la vieillesse, de l'amitié, du judaïsme et de la mort - que ne le laisse supposer sa forme relâchée et son humour.

L'apport de Sidney Lumet se trouve essentiellement dans la façon dont il utilise New York, introduisant chaque personnage par un carton indiquant à la fois son nom et le lieu où il habite. Le cinéaste caractérise ainsi ses personnages par leur quartier, multipliant les indications sociales ou communautaires pour que l'on saisisse quelque chose de la construction kaléidoscopique de la cité. Il nous promène dans les rues, nous offre une visite guidée de Manhattan à Brooklyn non pour jouer sur un quelconque exotisme mais pour raconter les personnages à travers leur appartenance à la ville.

Pour le reste, en dehors de quelques passages très réussis (comme la très belle séquence du cimetière où Lumet parvient à créer une véritable atmosphère, ou cette mosaïque d'images de Brooklyn montées en flashs), on est contraint de constater qu'il y a de la part du cinéaste bien peu de mise en scène, la caméra étant souvent plantée devant les acteurs qui se livrent à leurs numéros. Il y a même, et c'est plus embarrassant, les séquences de rêveries de Morroe qui de part leur esthétique cheap nous font régulièrement sortir du film. Film mineur dans la carrière de Sidney Lumet, Bye Bye Braverman n'en est pas moins très personnel par son ton, par la façon dont le cinéaste aborde des sujets graves avec la politesse de l'humour. Lumet en parlait d'ailleurs comme du film le plus intime qu'il ait tourné, précisant même que « ces quatre intellectuels juifs en post-dépression sont ceux avec qui j'ai grandi... ils sont moi en fait. »

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La fiche IMDb du film

Par Olivier Bitoun - le 1 avril 2011