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Critique de film
Le film
Affiche du film

Butch, Cassidy et le Kid

(Butch Cassidy and the Sundance Kid)

L'histoire

Au début du XXème siècle, les deux malfrats Butch Cassidy et Sundance Kid, pilleurs de banques et détrousseurs de trains de haute volée, ne cessent d'énerver des autorités toujours plus répressives alors que le Far West se rétrécit avec les progrès de la civilisation moderne. Une escouade de détectives déterminés est engagée par l'Union Pacific et se lance à leurs trousses. Butch et Sundance, obligés de prendre constamment la fuite, ont néanmoins régulièrement un temps d'avance sur leurs poursuivants. Imperturbables, ils décident même de se rendre en Bolivie, attirés par la liberté et les stocks d'or qui leur tendent les bras. Mais l'étau finit par se resserrer...

Analyse et critique

Les années 60 marquent aux Etats-Unis la fin de l'époque brillante des grands studios et des producteurs moguls, qui perdent progressivement de leur puissance et de leur influence au sein de l'industrie du divertissement. Si ce chamboulement génère une période d'incertitude dans la mise en place de la plupart des projets, il est néanmoins porteur de profondes mutations à venir. D'autant que le pays lui-même craquelle de toutes parts alors que les mouvements de contestation et de défense des droits et des libertés vont peu à peu dessiner une société nouvelle. Alors que les USA sont englués dans une guerre fortement critiquée et que la jeunesse commence à revendiquer sa propre culture, le cinéma américain va être alimenté par l'ensemble des phénomènes sociologiques et culturels qui agitent la société. Aucun genre (polar, western, drame, science-fiction, comédie...) ne sera épargné par ces mutations, et quelques films déterminants vont amener un bouleversement profond dans la nature intrinsèque des films, jusqu'à leurs modalités de production, et ainsi annoncer la formidable décennie 70, celle du "Nouvel Hollywood" tel qu'on le nomme de nos jours. A la fin des années 60, des films emblématiques comme Bonnie and Clyde, Easy Rider, Macadam Cowboy, La Horde sauvage ou M.A.S.H. tracent le sillon de la révolution morale, politique et esthétique à venir.

En 1969, le western, genre fondamental du cinéma américain - par ailleurs en panne d'inspiration alors que le western italien lui taille des croupières depuis l'entrée en matière de Sergio Leone -, connaît à son tour un vent de fraîcheur grâce à Butch Cassidy and the Sundance Kid. Le mérite en revient d'abord à William Goldman (scénariste de Détective privé, des Quatre malfrats, des Hommes du président, de Marathon Man, de Magic) qui recrée librement deux fameux personnages de western (Butch Cassidy et Billy le Kid, à maintes reprises malmenés dans l'histoire du genre) pour les mettre en phase avec les préoccupations et les ambitions de la jeunesse des années 60 et les situer dans un récit qui mêle action, road movie et comédie. Les héros sont beaux, flamboyants, drôles, insouciants, sans attaches, constamment en mouvement, liés par une amitié indéfectible, ils forment quasiment un ménage à trois avec la superbe et touchante Katharine Ross, puis fuient en Amérique du Sud comme des crypto-hippies en quête d'une existence nouvelle, explosant ainsi la fameuse frontière du western classique. Le film oscille constamment entre la nostalgie et la rigidité d'un monde perdu et les promesses d'un avenir à réinventer, à travers une course poursuite éperdue dont on sent qu'elle ne peut que mal se terminer tant les deux héros, à la fois dynamiques et nonchalants, se moquent de toutes les conventions avec un cynisme rigolard.

Derrière la caméra on trouve George Roy Hill, qui parvient à maintenir ce subtil équilibre entre d'un côté une forme de classicisme avec ses figures du genre et de l'autre la fantaisie et l'allégresse qui viennent contaminer ces dernières. Illuminée par la splendide photographie mordorée du grand Conrad Hall, la réalisation est tour à tour alerte, précise, puis relâchée selon les pauses réflexives que s'accordent les personnages, décalée quand l'humour s'installe, digressive et mélancolique quand le film unit dans un même mouvement les deux niveaux temporels - celui du film et celui des spectateurs - (cf. la fameuse séquence de la bicyclette sur l'air de Burt Bacharach, " Raindrops Keep Fallin' on My Head "). Le même savoir-faire du cinéaste fera des merveilles plus tard surAbattoir 5, L'Arnaque ou encore Le Monde selon Garp. Butch Cassidy et le Kid marque évidemment l'histoire du cinéma américain par la réunion de deux grandes stars au sommet de leur potentiel de séduction, Paul Newman (Butch) et Robert Redford (Sundance). Même si Redford, plus jeune, n'a pas encore l'aura et le charisme de son partenaire, l'association entre les deux acteurs procure un plaisir de tous les instants tant leur complicité dynamite la narration. On ne pouvait rêver meilleur casting et George Roy Hill s'en souviendra en réunissant à nouveau les comédiens dans L'Arnaque en 1973. Le couple Newman/Redford - symbole de beauté, de classe tranquille, de dérision, de fraîcheur et d'amitié - entre alors dans la mythologie du cinéma et leurs portraits iront s'afficher un peu partout dans le monde aux côtés de ceux de James Dean et de Marylin Monroe.

Butch Cassidy and the Sundance Kid, s'il ne peut être tout à fait comparé aux productions contemporaines qui transforment Hollywood en profondeur, possède quand même un petit goût de subversion et d'autodérision. Malgré sa légèreté et son esprit potache, le film véhicule un désenchantement progressif et distille un parfum aigre-doux qui indique que les rêves les plus fous - même incarnés par des "méchants de cinéma" flambeurs - doivent se heurter au mur d'une réalité incontournable. La fuite en avant est belle, l'aventure émoustillante, mais pour quelle finalité ? Le jeu en valait-il la chandelle alors que l'Histoire vient rattraper les fuyards ? C'est toute la question posée par ce western. On n'est pas prêt d'oublier son plan final, un arrêt sur image qui fige les deux (anti)-héros romantiques pour l'éternité.

Dans les salles

Film réédité par Swashbuckler Films

Date de sortie : 23 février 2011

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Le Dossier de presse

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La fiche IMDb du film

Par Ronny Chester - le 12 février 2011