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Critique de film
Le film

Black Horse Canyon

L'histoire

Del Rockwell (Joel McCrea) vit dans un ranch avec l’orphelin Ti (Race Gentry), son fils adoptif depuis l’âge de 12 ans. Leur rêve est de capturer ‘Outlaw’, un magnifique étalon noir qui sillonne les prairies de l’Ouest ; un étalon peu apprécié des éleveurs puisque ayant la particularité d'aller faire sortir les chevaux des différents enclos où ils sont parqués. En effet, la jeune Aldis (Mari Blanchard) qui l’a élevé lui avait apprit alors qu’il n’était encore qu’un sage poulain à ouvrir les barrières avec ses naseaux . Elle espère elle aussi que son cheval désormais réputé indomptable vienne un jour la retrouver. Mais un troisième personnage souhaite également mettre la main sur ce mustang sauvage, le rancher Jennings (Murvyn Vye) : il ne verrait pas de mal à le tuer s’il ne parvenait pas à s’en saisir, le cheval lui ayant déjà fait perdre bien trop de bêtes ainsi même qu’un de ses hommes ayant tenté de le dresser. Afin que ‘Outlaw’ ne finisse pas entre les mains de ce sale individu, Aldis s’associe avec Del et Ti pour aller capturer l’étalon noir. Les deux hommes acceptent avec empressement d’autant que Ti est tombé amoureux de cette jeune femme de caractère qui au contraire est plutôt attirée par Del…

Analyse et critique

Le réalisateur Jesse Hibbs possède une petite filmographie constituée de seulement douze titres. Il œuvra surtout dans le domaine du western, tournant principalement avec l’acteur Audie Murphy. C’est d’ailleurs Hibbs qui mettra en scène ce dernier alors qu’il interprète son propre rôle dans un film basé sur sa vie de soldat et de héros de la Seconde Guerre mondiale : L'Enfer des hommes (To Hell and Back) ; grâce à ce fait assez rare dans l'histoire du cinéma, il s'agit encore aujourd’hui de son film le plus connu. Avant de passer derrière la caméra, Jesse Hibbs aura été footballeur avant de devenir assistant réalisateur auprès, entre autres, de John Ford et Anthony Mann ; on aurait pu rêver pire comme formateurs ! Après L'Étoile brisée en 1958 il s'exilera à la télévision et y travaillera jusqu'en 1970, sur plusieurs séries télévisées célèbres, notamment Gunsmoke, Bonanza, Perry Mason, Les Mystères de l'Ouest ou Les Envahisseurs. Sa réputation auprès de la critique française a toujours été désastreuse ; malgré cette extrême sévérité, il aura néanmoins signé quelques westerns très sympathiques tels Chevauchée avec le diable (Ride Clear at Diablo) avec l’excellent duo Audie Murphy/Dan Duryea ou encore L’Homme de San Carlos (Walk the Proud Land), curieux western pro-indien, très digne et quasiment sans aucune violence. En 1954 il réalisait pas moins de quatre westerns dont celui qui nous intéresse ici, les trois autres étant Ride Clear at Diablo mais aussi La Montagne jaune (The Yellow Mountain) avec Lex Barker et Seul contre tous (Rails into Laramie) qui restera pour les amateurs de feu ‘La Dernière séance’, le dernier film présenté lors de cette mythique émission de télévision. A ce propos profitons-en : ce serait une bonne idée que de voir sortir une édition de ce film avec John Payne et Dan Duryea sur galette numérique. A bon entendeur...

Mais que dire de Black Horse Canyon ? Pas grand-chose malheureusement ! Et c’est en découvrant ce film d’une totale médiocrité que l’on peut arriver à mieux comprendre la férocité de certains historiens du cinéma à l’encontre du cinéaste ; car il faut bien se rendre à l’évidence, il n’y a ici quasiment rien à sauver ! La mise en scène est totalement indigente (le film a-t-il bien été tourné en 1.37 comme indiqué sur imdb ? Auquel cas cela prouverait l’absence totale de sens du cadrage de la part du réalisateur) et il en est de même en ce qui concerne la direction d’acteurs : rarement Joel McCrea nous aura paru aussi fade, dénué de charisme. Il faut dire que l’écriture de son personnage est tellement pauvre qu’il était probablement difficile pour le comédien de faire mieux. Quant à Mari Blanchard ou encore le jeune Race Gentry, ils ne sont guère plus convaincants ; et c’est bien gentil de le dire ainsi. L’actrice nous fera bien meilleure impression en reprenant le personnage créée par Marlène Dietrich pour Femme ou démon (Destry Rides again) dans Le Nettoyeur (Destry), remake du premier par le même réalisateur, George Marshall. D’ailleurs, tous les autres protagonistes du film s’avèrent tout autant transparents, les auteurs ayant faits de leur mustang noir le véritable héros de leur ‘intrigue’… si tant est qu’il y en ait une. On se demande d’ailleurs comment Daniel Mainwaring en est arrivé à pondre un scénario aussi inexistant, lui qui fut auparavant l’auteur de ceux de La Griffe du passé (Out of the Past) de Jacques Tourneur, de celui jubilatoire de Ca Commence à Vera Cruz (The Big Steal) de Don Siegel et même, dans le domaine du western, de l’excellent L’Aigle et le vautour (The Eagle and the Hawk) de Lewis R. Foster.

L’intrigue du film tourne donc d’une part autour d’un vague triangle amoureux, de l'autre autour des relations entre un homme d’âge mûr et un autre plus jeune qu’il a pris sous sa coupe, mais narre surtout la poursuite d’un cheval sauvage, sa capture, son dressage, son évasion... sa poursuite, sa capture, son dressage… son évasion... Si seulement le cinéaste avait eu du talent pour filmer tout ça, l'ensemble aurait peut-être pu fonctionner au moins en tant que documentaire sur les cow-boys, leur quotidien et leur environnement. Mais ici on s’ennuie ferme devant une double romance très peu crédible, des relations père-fils guère captivantes ni même touchantes, et l'on s'enquiquine tout autant à suivre cette course poursuite hommes-cheval, ce dernier s'avérant donc être le véritable protagoniste principal du film au point que Mainwaring semble avoir oublié d’étoffer -voire même d’écrire- ses personnages, tous aussi inconsistants les uns que les autres, 'Bad Guys' compris. Aucune alchimie entre eux, aucune (ou presque) lignes de dialogue savoureuses, aucun frémissement dramatique… c’est le vide le plus total sur le fond comme ça l'était sur la forme. Lorsqu’en plus on sait que la musique du film est péniblement redondante, que les paysages de l’Arizona sont pauvrement photographiés et que la plupart des séquences avec chevaux ont été reprises de Red Canyon de George Sherman, il ne reste plus grand-chose d’original -ou tout du moins d'efficace- à se mettre sous la dent.

 Pour les amoureux des chevaux, je conseillerais plutôt de se tourner vers des productions MGM ou 20th Century Fox, les films signés par Clarence Brown (Le Grand national – National Velvet) ou Harold D. Schuster (la série des Flicka), autrement plus beaux et agréables à regarder. A signaler cependant pour ceux que ça intéresserait que Black Horse Canyon est un western familial sans quasiment aucune violence si ce n’est une bagarre à poings nus (assez ridicule d'ailleurs) lors des dernières minutes. En conclusion, on peut facilement faire l'impasse même pour les fanatiques du genre.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 26 décembre 2015