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Critique de film
Le film

Battle of Rogue River

L'histoire

1850 en Oregon. Alors que beaucoup de tribus indiennes sont envoyées dans les réserves, celle de la Rogue River Valley, menée par le vaillant Chief Mike (Michael Granger), résiste encore, remportant victoire sur victoire aux dépens des Tuniques Bleues. Le Major Wallish ne sachant plus comment reprendre le dessus malgré l'aide des volontaires du trappeur Stacey Wyatt (Richard Denning), l'intransigeant Major Frank Archer (George Montgomery) est envoyé sur place avec un régiment et un canon afin de remplacer Wallish et de renforcer le petit fortin qui doit faire face au soulèvement grandissant des Indiens, ces derniers luttant avec raison pour ne pas se voir évincés de la région. A son arrivée sur place, Archer constate que le laxisme a envahi la place et décide d'y remettre bon ordre au risque de se faire mal voir par une majorité des résidents y compris par la charmante et vivace fille du sergent McClain, Brett (Martha Hyer). Il tente également de trouver une solution pacifique à la menace indienne, ce qui n'est pas du goût de tout le monde. En effet, certains hommes d'affaires véreux font tout afin de maintenir cette guerre pour ne pas que le territoire de l'Oregon devienne un Etat sous tutelle des USA et ainsi pouvoir continuer à prospérer sans lois édictées à leur encontre...

Analyse et critique

Depuis 1943, William Castle avait déjà tourné plusieurs dizaines de films avant d’en arriver à ce Battle of Rogue River. Il réalisera neuf autres westerns, mais il est peu probable que nous les croisions sur le bord de notre route car, pour la plupart, ces films demeurent toujours inédits en France. Cependant, je ne pense pas que nous loupions grand-chose puisque aucun de ses westerns ne possède une réputation digne de ce nom, le cinéaste étant plus apprécié par les amateurs de films fantastiques et d’horreur que par les aficionados du genre qui nous préoccupe ici. Castle était d'ailleurs dans l'ensemble plus doué a priori pour le marketing que pour la pure mise en scène.


Dans son autobiographie, William Castle racontait que c'était en voyant les files d'attente devant les cinémas pour voir Les Diaboliques d'Henri-Georges Clouzot qu'il eut l'idée de réaliser des films d'angoisse ou d'horreur pour empocher le pactole. Car il ne s'est jamais caché de les avoir tournés par pur opportunisme commercial. Castle est même devenu un roi du teaser : il imagina une police d'assurance qui garantissait un capital pour la famille en cas de décès par épouvante à la vision d'un de ses films ; il fit installer des fauteuils à vibrations électriques pour la diffusion de The Tingler (Le Désosseur) ; pour La Nuit de tous les mystères (House on Haunted Hill), son film le plus célèbre, il accrocha des squelettes en plastique au plafond des salles qui le projetaient, qu'il faisait fondre sur les spectateurs au moment où les personnages de son film subissaient ce même genre d'attaques... Bref, il fut durant les années 60 un réalisateur culte pour les fans d'épouvante bon marché. Pour en revenir à Battle of Rogue River, même si son esthétique fait assez cheap et s'il ne casse pas trois pattes à un canard, notamment à cause de sa mise en scène calamiteuse, il peut facilement faire passer un agréable moment pour d'autres raisons d'autant que sa durée n'excède pas les 71 minutes.


Les principales raisons qui peuvent transformer ce western fauché en un agréable passe-temps lors d'une après midi pluvieuse sont les qualités d'écriture de Douglas Heyes ainsi que les trois comédiens principaux. Car comme nous le disions ci-avant, il ne faut pas compter sur une quelconque idée de mise en scène ni s'amuser à rechercher la beauté d'un plan ; plastiquement, l'ensemble est très pauvre. Avec un budget aussi serré, William Castle aurait d'ailleurs mieux fait de ne pas tourner de scènes d'action qui ressemblent plus ici à des bagarres de cour de récréation (d'autant que les cascadeurs ne semblent guère aguerris) qu'à des séquences guerrières. Les premières minutes du film laissaient d'ailleurs augurer du pire. Sur des images tirées d'un autre western (Warpath de Byron Haskin, il me semble), le pré-générique se déroule sur une voix off annonçant une sempiternelle histoire de conflit entre soldats et Indiens ; et quand il nous est enfin donné l'occasion de voir ces derniers, c'est le fou rire qui manque de peu de s'emparer de nous alors que la situation sérieuse ne s'y prêtait guère. Il faut dire que nous n'avions encore jamais eu l'occasion de voir des Indiens aussi peu "authentiques", d'autant que leur chef est prénommé Mike et que l'acteur qui l'interprète ressemble autant à un Indien qu'Alan Ladd à un joueur de football américain. Il semble alors que les quelques 70 minutes risquent d'être un calvaire ; mais dès l'arrivée de George Montgomery au fort, on pousse un soupir de soulagement et le film restera assez plaisant tout du long.


Car, pour son premier et l'un de ses rares scénarios pour le cinéma, Douglas Heyes, sans rien révolutionner, nous démontre de bonnes qualités d'écriture : son script est carré, maniant très bien l'ellipse, et ses dialogues nous procurent pas mal de punchlines bien senties. Et puis son histoire s'avère finalement assez captivante ; un film pro-Indien pas aussi bête qu'on aurait pu l'imaginer au vu des premières séquences et un coup de théâtre à mi-course que personne n'avait vu venir ni n'aurait pu prévoir (sauf ceux qui auront bien fait attention à l'affiche qui en dit bien trop long, plus que n'importe quel spoiler), qui est non seulement surprenant mais également basé sur des faits historiques pas inintéressants. A savoir que certains ont fait en sorte de laisser perdurer la guerre entre l'armée et les Indiens pour ne pas que le territoire qu'ils se partageaient se constitue en un Etat, auquel cas ils n'auraient probablement pas eu le droit de continuer à pressuriser la contrée et à en tirer autant de profits. Il s'agissait d'hommes d'affaires, d'hommes politiques, de grands propriétaires et de commerçants qui furent bien aise de ne pas avoir de loi pour les contrôler. Les personnages principaux sont également plutôt bien croqués, que ce soit l'officier dur à cuire, cassant et intransigeant, refusant que des liens d'amitié s'installent au sein de sa troupe ("Il me faut des soldats, pas des amis"), imposant à ses hommes une discipline de fer ; le "trappeur-éclaireur" bon enfant mais pour de mauvaises raisons (vu que vous avez malheureusement jeté un œil sur l'affiche, ce n'est désormais plus un secret) ; ou enfin la fille du sergent au caractère bien trempé qui ne s'en laisse compter par personne, ce qui n'empêche pas les deux principaux protagonistes de lui tourner autour.


Dans ces rôles respectifs, on trouve un George Montgomery qui ne manque pas de charisme, un plutôt bon Richard Denning (le futur gouverneur d'Hawaï dans une série célèbre) et enfin la charmante Martha Hayer que l'on avait déjà pu voir dans Roughsod de Mark Robson. Grâce à eux et à une histoire bien charpentée, on peut passer un agréable moment devant ce petit western de série, autrement sans grande originalité et plutôt mal réalisé. A noter une description tout à fait décente des Indiens malgré le fait qu'ils soient interprétés par des Blancs très mal grimés. Enfin, s'ils ne le savaient pas, les férus d'histoire apprendront l'année de l'entrée du territoire de l'Oregon en tant qu'Etat dans la fédération des USA une fois que les problèmes avec les Indiens ont été réglés : 1859.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 26 août 2017