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Critique de film
Le film
Affiche du film

Bandolero

L'histoire

Quand Dee Bishop et ses acolytes sont pris par le shérif alors qu'ils volaient une banque, son frère Mace décide d'aller lui porter secours. En effet, le vol a très mal tourné et deux innocents ont été tués. C'est donc la corde qui attend les prisonniers. Mace Bishop parvient à organiser l'évasion pour le moins rocambolesque du petit groupe. Tous fuient dans le désert, poursuivis par le shérif et ses hommes. En chemin, ils prennent la belle Maria en otage, mais Dee commence bientôt à éprouver envers elle des sentiments très forts...

Analyse et critique

Andrew V. McLaglen, fils de Victor McLaglen (l’un des acteurs fétiches de John Ford, entre autres choses), reste encore aujourd’hui un cas particulier dans l’histoire du cinéma américain des années 1960-70. On ne peut décemment pas lui accorder une place importante, mais si l’on est un admirateur de John Wayne, de James Stewart ou d’autres acteurs glorieux de l’âge d’or hollywoodien, on ne peut pas réellement passer à côté de sa filmographie. On y est forcément confronté un jour ou l’autre, très rarement pour le meilleur, régulièrement pour le pire. Et pourtant, le cinéaste vaut un peu mieux que la réputation qu’on lui a faite, celle d’un réalisateur fort médiocre, installé dans le grotesque, incapable de diriger correctement ses (grandes) vedettes, spécialiste des films imbuvables au récit (trop) lourd de sens. La vérité est sans doute un peu plus méliorative, car rapprochant les efforts mis en cause du résultat obtenu. Médiocre, oui, mais au sens littéral du terme, c'est-à-dire d’un niveau tout à fait moyen, McLaglen s’est illustré dans le cinéma de genre, et avant tout dans le western et le film de guerre, toujours accompagné de stars ravies de se détendre l’espace d’un film entre ses mains.

Pêle-mêle, La Route de l'ouest n’est pas très intéressant, malgré une distribution trois étoiles (Richard Widmark, Kirk Douglas et Robert Mitchum), et ce ne sont pas Les Loups de haute mer (emmené par un Roger Moore inconvenant à souhait) ou Le Commando de Sa Majesté qui relèveront un niveau à peine convenable. Parfois l’impression domine qu’il s’agit de téléfilms maquillés en films. McLaglen signera toutefois deux très bons films de guerre, également nantis de stars vieillissantes : La Brigade du diable et Les Oies sauvages. Le premier, surtout, grâce à un équilibre assez efficace entre la forme (techniquement solide) et le fond (un récit linéaire mais relativement captivant). En outre, il tourna cinq films avec John Wayne, inégaux mais parfois très sympathiques. Le Grand McLintock reste une sucrerie assez grossière que l’on peut apprécier à condition de prendre le film pour ce qu’il est vraiment : un enchaînement ininterrompu de scènes balourdes dont l’unique plaisir réside dans le cabotinage des acteurs (et surtout le couple John Wayne / Maureen O’Hara). Sur le milieu des pompiers des puits de pétrole, Les Feux de l’enfer est un film d’aventure efficace, quoiqu’un peu simpliste. Les Géants de l’Ouest est un joli western à vitesse variable tout à fait digérable, Chisum est une catastrophe hideuse balafrée de zooms métronomiques et autres tics grossiers (sans parler d’une narration binaire insupportable), et Les Cordes de la potence reste peut-être le plus intéressant des films tournés avec Wayne, grâce à sa mise en scène la plupart du temps très sobre et son scénario assez bien écrit. Trois films avec James Stewart sont d’un niveau à peu près comparable. Si Shenandoah s’avère régulièrement superbe, en partie grâce à sa tonalité sombre et ses enjeux convaincants, Rancho Bravo revient aux fondamentaux de McLaglen, situés quelque part entre des situations rocambolesques absurdes et des acteurs en roue libre guère inspirés par leurs rôles. La mise en scène d'Andrew McLaglen brille généralement par son absence de style. Comprenez que d’un film à l’autre, il est souvent difficile d’y reconnaître une empreinte visuelle, tant il essaye autre chose et surtout tente de recopier vainement certaines scories aperçues dans des films collatéraux. On reconnaît davantage sa personnalité dans le fond de ses films, c'est-à-dire dans les différentes thématiques déployées, à vrai dire souvent schématiques. Des valeurs américaines et un héroïsme pompier sidérant de désuétude donnent régulièrement l’impression de regarder des films hors de leur temps. Autre élément curieux, la violence et la tragédie s’immiscent dans des ensembles souvent légers de prime abord. La deuxième partie des Oies sauvages renverse ainsi totalement le ton préalablement mis en valeur par le récit, rendant très brutale la suite des évènements pour le spectateur. Cela fonctionne en partie, mais ce n’est absolument pas le cas de tous ses films. La plupart du temps, le grotesque suit le drame qui suit le grotesque, quand ces deux opposés ne forment pas tout simplement une seule et même entité... C’est là toute la saveur et, disons-le, toute l’étonnante mécanique d’un cinéma étriqué, lourd et où le bon et le mauvais goût s’y disputent la vedette. On peut bien entendu en apprécier la teneur (ce qui est le cas pour l'auteur de ces lignes), notamment à l'égard de toutes les stars que l’on adore et qui y défilent, tout en reconnaissant la vacuité d’une filmographie relativement négligeable, quoique entièrement dédiée à une certaine idée du divertissement familial.

Réuni le temps d’un film intitulé Bandolero, le trio James Stewart / Dean Martin / Raquel Welch se retrouve donc dans l’Ouest pour des aventures au premier abord sympathiques et trépidantes. Précisons immédiatement que ce film reste effectivement un condensé de tout ce que McLaglen sait faire et ne pas faire. Les défauts sont nombreux, les maladresses très régulières, mais cela ne gâche pas totalement le spectacle, comme ce fut pourtant le cas pour un certain nombre de ses films. McLaglen a décidé de rester sobre, et pour cela compose une mise en scène évitant autant que possible les trop rapides mouvements d’appareil qu’il ne maîtrise à l’évidence pas bien habituellement. Presque aucun zoom optique n’est à déplorer (un tic de mise en scène qui peut pourtant facilement devenir envahissant chez lui), et l’on peut apprécier un cadre généralement assez joli. Les paysages sont assez bien filmés, il suffit pour cela d’observer le générique d’ouverture et les quelques chevauchées émaillant le film. En outre, un budget visiblement conséquent lui a permis de développer un récit généreux en scènes d’action, quoique classique et sans imagination particulière. C’est là l’un des plus importants problèmes du film, que l’on retrouve en fin de compte bien trop souvent chez ce cinéaste, cette propension à ne finalement rien raconter de très palpitant. Un vol de banque qui tourne mal, une évasion plutôt amusante, une longue course-poursuite, un shérif volontaire, des bandits armés en territoire hostile et un petit village déserté dans lequel se régleront les attentes diégétiques. Aucune originalité, et aucune envie d’en créer. Andrew V. McLaglen a l’habitude de réaliser ce type de films doucement régressifs faisant référence à des clichés bien connus. En l’occurrence, il compte généralement sur l’action pour rendre ce genre de film trépidant. Le malheur est qu’il ne brille pas non plus par son inventivité à ce niveau précis. Excepté avec La Brigade du diable et Les Oies sauvages, McLaglen n’a jamais pu filmer des séquences aussi convaincantes qu’il l’aurait voulu, malgré des tentatives (plus ou moins réussies selon les scènes) avec Shenandoah, Les Feux de l’enfer, Les Géants de l’Ouest ou encore Les Cordes de la potence. Des titres solides, mais un brin rudimentaires. Les affrontements dans ses westerns se résument grossièrement à deux bandes rivales se tirant dessus à grands renforts de munitions. Avec Bandolero, quand l’action se déroule sur des positions fixes, McLaglen parvient à faire illusion. Le vol de la banque et l’attaque dans le dénivelé rocheux ne sont pas de mauvaises scènes, même si elles répondent à des critères artistiques forts simples. Il est à noter que le montage est en majeure partie responsable de ces relatives réussites. En revanche, la dernière scène de fusillade mêle des assiégés retranchés, une bagarre à mains nues, des chevaux tous azimuts montés par des assaillants teigneux et une tension due à la volonté d’aller récupérer un sac contenant une petite fortune. McLaglen est dès lors incapable de confronter efficacement les enjeux entre eux, il hésite même à filmer au cœur de l’action, préférant souvent l’encadrer et s’en contenter. Sa réalisation, lourde et sans relief, peine à décoller ; et une fois de plus, le montage doit rattraper bien des éléments. Cela reste tout à fait regardable, notamment grâce à l’énergie déployée par les acteurs et les cascadeurs. Quelques chorégraphies parviennent de surcroît à garder une part de leur effet, comme lorsque Dean Martin se jette devant des chevaux et tire sur les cavaliers.

Collatéralement à cela, McLaglen a encore succombé à son goût mortifère pour la violence malsaine. Les quelques plans où les fameux "bandoleros" tombent sur certains hommes du shérif et les tuent à coups de machette pour leur voler absolument tout (les laissant par ailleurs entièrement nus) sont très clairement voyeuristes et provoquent un sentiment de malaise. Le chef des bandits est également uniquement représenté en gros plans, plus vil que jamais, et sa tentative de viol sur Raquel Welch est une fois de plus l’occasion pour le cinéaste de célébrer son inclination pour le mauvais goût. Fort heureusement, la scène tant redoutée n’arrivera pas et Dean Martin s’interposera. Il convient encore de préciser que le scénario, bien que secoué de touches humoristiques et d’une semi-légèreté assez agréables, préfère terminer sa course dans le drame larmoyant en envoyant ses deux principaux protagonistes rejoindre les cieux. Cette conclusion, bien que compréhensible (deux frères en recherche d’une réhabilitation impossible), n’était pourtant pas nécessaire. Mais c’est encore l’une des nombreuses facettes de cet héroïsme tragique, sincère mais suranné que McLaglen affectionne tout particulièrement.

Le gros atout du film restera de toute évidence sa distribution. Dean Martin est en mode automatique et ne semble pas très intéressé par les rares dialogues auxquels il participe, mais sa présence reste extrêmement plaisante. On est loin de ses meilleures performances dramatiques (Comme un torrent, Rio Bravo...), mais ce n’est pas très grave. Raquel Welch est vraiment une belle femme, elle le montre une nouvelle fois, mais aussi une piètre actrice qu’il a souvent fallu aider pour améliorer son jeu. McLaglen a su faire preuve d’intelligence en lui confiant des dialogues simples et des répliques courtes. Enlacer Dean Martin, pour lui faire comprendre qu’elle l’aime, reste par exemple une très jolie idée qui lui permet de jouer sur un registre sobre qui lui sied bien mieux que de longs discours. En gros ours aimable, George Kennedy possède bien son métier, sans faire d’étincelles. Le meilleur reste James Stewart, très visiblement peu ou pas dirigé. Dans ces cas-là, il lui arrive souvent de cabotiner, ce qui est bien entendu le cas ici même. Mais il s’en sort très bien grâce à un élément simple : ce rôle semble beaucoup l’amuser, surtout dans la première partie du film lorsqu’il prend la place d’un bourreau. Ses attitudes sont parfois succulentes de cynisme et sa présence à l’écran est indiscutable. Une performance très mineure au sein de son immense carrière, mais relativement juste et sincère, et dans laquelle il s’investit beaucoup pour exprimer une histoire qui manque au départ de saveur. On pourra cependant le préférer la même année dans Les Cinq hors-la-loi de Vincent McEveety.

Bandolero reste un western de gamme moyenne, mais qualitativement plutôt positif au regard du bilan global d'Andrew V. McLaglen. Il est certain que l’on aura tout à fait le droit de bouder sa contemplation agressive de la violence, ainsi que les "sautes d’humeur" d’un récit au ton décidément déséquilibré. Mais grâce à son improbable trio de stars, sa progression narrative sympathique et la musique d’un Jerry Golsdmith très discret, il sera en tout cas possible de profiter tranquillement de ce divertissement anodin.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Julien Léonard - le 24 février 2012