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Livres

Un demi-siècle à Hollywood
Une autobiographie de Raoul Walsh

Editions Calmann Levy
Ramsay Poche Cinéma

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Analyse et Critique

Après plus de cent films dans lesquels il dirigea les plus grandes stars, parmi lesquelles Wayne, Flynn, Bogart ou Swanson, Raoul Walsh décide de dépoussiérer sa mémoire et de rédiger son histoire dans cette autobiographie intitulée Un demi-siècle à Hollywood. Chaque cinéphile connaît le talent de narrateur du cinéaste, mais ceux qui n’ont pas lu cet ouvrage manquent la plus belle histoire qu’il ait jamais racontée … celle de sa vie.

Lire la biographie de Raoul Walsh c’est se pencher sur l’histoire d’Hollywood, mais au-delà de cet aspect, c’est la joie de plonger au cœur d’un fabuleux récit d’aventures que nous offre "l’oncle" comme aimait le surnommer Errol Flynn.

Dès les premières pages, Walsh décrit ses tendres souvenirs d’enfance et nous précipite dans une saga digne des plus grands romans américains. Elevé dans une famille riche et influente de New York, le jeune Raoul observe les nombreux invités de son père. Parmi ceux-ci Buffalo Bill, Theodore Roosevelt ou Mark Twain contribuent à son éducation et lui forgent un caractère enclin à l’aventure. Dès qu’il en a l’occasion, il part sur les bords de l’Hudson River et s’imagine dans la peau du général Custer ou d’un chef sioux. Après avoir perdu sa mère, l’adolescent prend la piste de ses héros : il quitte New York pour Cuba, puis file au Mexique où il apprend à manier le lasso et à monter sur un cheval. Il s’engage alors dans une troupe de cow-boys, dont il découvre le mode de vie lent et poussiéreux. De cette expérience éprouvante mais riche en anecdotes, il tire son amour de la nature et des hommes qu’il racontera si souvent devant sa caméra. Au détour d’un chemin, il rencontre un personnage qui changera sa vie : D.W. Griffith.

Le célèbre réalisateur lui propose de l’assister et de devenir apprenti. Séduit par sa personnalité, Walsh accepte et se lance dans cet art débutant qu’est le cinéma. Il réalise de nombreux court métrages, vit des aventures rocambolesques et interprète quelques rôles, notamment celui de l’assassin de Lincoln dans Naissance d’une Nation (Birth of a nation - D.W. Griffith, 1915). Il faut se souvenir qu’à cette époque le cinéma n’en est qu’à ses balbutiements et, pour de nombreux américains, il est un spectacle réservé aux pauvres dont on perçoit mal le caractère fictionnel. Walsh illustre parfaitement ce propos en rappelant le discours que lui tient une femme qui vient de le voir jouer dans un de ses courts (Home from the sea, 1914) : "Ben vrai ! Te voilà dans le cinéma maintenant ! Miss Alice et moi t’avons vu dans un film. Tu étais sur un bateau dans une tempête épouvantable - les vagues s’abattaient sur les bateaux et les hommes étaient emportés à la mer. Comment diable t’en es-tu sorti vivant ? Ca a dû être bien triste pour les parents de ceux qui se sont noyés" !!

Griffith lui confie ensuite la réalisation d’un premier long métrage consacré à la révolution menée au Mexique par Pancho Villa : Life of Villa, 1915. A partir de cette date, Walsh enchaînera film sur film et participera, aux côtés de Warner, Griffith, Pickford et Chaplin, à la construction d’Hollywood.

L’intérêt du récit de Raoul Walsh, tient avant tout dans son enthousiasme pour ces années de bonheur créatif et relationnel qu’il vécut en Californie. Avec Ford, Curtiz ou Hawks, Walsh fait partie de cette génération de l’âge d’or Hollywoodien. Entre les lignes de son texte, la passion, et parfois la mélancolie, débordent. Dans les dernières pages, c’est avec nostalgie qu’il constate les méfaits du "star system" et du pouvoir des syndicats. Après la mort de Bogart, Flynn et Gable (entre 1957 et 1960), Walsh sait que la plus belle page des studios est tournée, la sienne aussi …

Mais ne croyez pas vous sortir de ce récit les larmes aux yeux. Bien au contraire, c’est avec un sourire radieux que vous tournerez la dernière page, inscrivant dans votre mémoire tant d’anecdotes savoureuses et, bien au-delà, la passion d’un artiste et d’un homme, un vrai !

Aujourd’hui, aucun ouvrage complet et détaillé n’est consacré à la vie et l’art de Walsh. Outre ses entretiens avec Bodganovich ou des analyses succinctes comme celle proposée par Marmin, aucun cinéphile ne s’est plongé dans la mémoire du cinéaste. En attendant qu’un Todd McCarthy ou autre rédacteur de talent s’attèle à la tâche, délectez-vous avec plaisir de cette autobiographie savoureuse du cow-boy cinéaste, le grand Raoul Walsh.

Par François-Olivier Lefèvre - le 1 janvier 2003