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Portraits

Portrait de Mervyn LeRoy

  

Même s’il ne peut décemment pas prétendre être compté parmi les plus grands cinéastes hollywoodiens, Mervyn LeRoy ne mérite néanmoins pas le dédain avec lequel on le toise souvent dans un nombre incalculable de critiques et d’ouvrages français. Au contraire, nous devrions lui accorder plus de considération au vu des quelques perles décelées dans sa filmographie et des apports non négligeables qu’il a apporté au cinéma ne serait-ce que dans les années 30. A ce propos, Olivier-René Veillon, dans son essai sur le cinéma américain (aux Editions Points virgule), est un des rares à avoir pris sa défense avec des arguments tout à fait convaincants. LeRoy lui-même n’était pas dupe : il n’a jamais cultivé une position d’auteur, ne s’est jamais considéré comme un artiste mais comme un artisan chevronné, coopératif avec les producteurs et studios pour qui il a travaillé, ‘’simple rouage d’une œuvre commune dont il assure la cohésion’’ écrivait l’essayiste cité ci-dessus. Aucun génie, aucun style vraiment affirmé préférant l’adapter et le changer suivant le sujet traité, une ‘patte’ effectivement non reconnaissable sans audace véritable, mais un professionnalisme rarement pris en défaut et grâce auquel rares sont ses films aujourd’hui imbuvables si l’on excepte dans sa fin de carrière où on le sentait nettement moins concerné et convaincant. On se demande même encore quelle mouche l’a piqué d’avoir participé à la réalisation des Bérets verts de John Wayne, film à mille lieux de ce qui semblaient être ses préoccupations habituelles.

Né à San Francisco le 15 octobre 1900, il est le neveu du producteur Jesse L. Lasky ; pourtant il débute loin des plateaux de cinéma comme acteur de music hall. Puis il décide d’entrer dans le monde du 7ème art, au départ en tant que chef opérateur à la FBO puis réalisateur à la fin du muet à la First National, y tournant de petites bandes de pur divertissement. Quand le studio fut absorbé par la Warner, il y resta signant 33 films en neuf ans. Son professionnalisme lui permit de s’adapter à tous les genres passant avec une grande aisance de films à petits budgets à d’autres plus prestigieux ou ambitieux. Il fut même surnommé à cette époque ‘The Boy Wonder’ au vu de sa facilité à rendre rentables des productions au départ peu onéreuses. En 1931, les spectateurs restent ébahis devant Little Caesar, film n’ayant pas forcément bien vieilli mais qui eut une influence capitale sur ce nouveau ‘genre’ que constituait le film de gangster par son rythme nerveux et son montage syncopé lors des scènes d’action ; il entraina dans son sillage tout une flopée d’œuvres remarquables tels Scarface d’Howard Hawks, L’Ennemi public de William Wellman et bien d’autres encore. Il su ainsi tirer le meilleur parti du style sombre et réaliste de la Warner signant ensuite aussi bien de puissants drames sociaux tel le sublime Je suis un évadé (I am a Fugitive from a Chain Gang) sur l’extrême dureté des conditions carcérales ou le non moins réussi Quand la ville gronde (They Won’t Forget), dénonciation du lynchage à placer au moins au même niveau que le Fury de Fritz Lang, que des comédies musicales avec un arrière plan social aussi assez prononcé comme Chercheuses d’or 1933 (Gold Diggers of 1933). Tous des films historiquement très importants dotés d’une réelle et puissante critique de la société de l’époque et techniquement irréprochables. N’oublions pas qu’il fut aussi un sacré découvreur de talents puisque c’est lui qui lança Humphrey Bogart et James Cagney.

Il abandonne ensuite la Warner pour rejoindre la firme du lion. Changement assez radical puisque la noirceur et la sécheresse de style du studio précédent font place au monde des comédies familiales sophistiqués et des mélodrames sentimentaux ; les descriptions sobres et réalistes sont remplacées ici par des décors surchargés, des costumes somptueux mis très souvent en valeur par un Technicolor chatoyant du plus bel effet. Malgré la brusquerie de la mutation, LeRoy s’accommode parfaitement de ces nouvelles donnes et la première chose qu’il décide en tant que producteur à la MGM est d’imposer Victor Fleming face à George Cukor à la mise en scène du Magicien d’Oz. Dans un tout autre genre, il produit aussi Un jour au cirque avec les Marx Brothers. Il n’en abandonne pas pour autant la mise en scène, signant surtout des mélodrames sentimentaux adaptés de Best Sellers, véritables tremplins pour ses actrices préférées, Greer Garson et surtout Lana Turner qu’il découvrit et dont il fit une grande vedette. On ne compte plus les jugements lapidaires sur les films de cette deuxième partie de carrière dont font partie Prisonniers du passé et Les Quatre filles du Dr March : mièvres, larmoyants, pantouflards, sirupeux, bavards, pénibles, dégoulinants de guimauve et croulants sous les bons sentiments… Objectivement, ce n’est pas tout à fait faux mais le métier et l’expérience de Mervyn LeRoy font que, même si le cinéaste ne cherche pas à transcender le style MGM (comme Vincente Minnelli savait admirablement le faire retournant tous les clichés à son avantage), la plupart de ses films des années 40 gardent un charme certain et des mélos comme, pour ne citer que le plus célèbre, La Valse dans l’ombre (Waterloo Bridge), conservent intacts leur pouvoir émotionnel.

  

Les films de Mervin LeRoy chroniqués sur Classik

Par Erick Maurel - le 6 décembre 2006