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Portraits

Portrait de KING HU

   

King Hu (Hu Jinquan) démarre sa carrière dans le Huangmei Diao, en écrivant des scénarios pour Li Han-hsiang. Il collabore avec le réalisateur sur The Kingdom and The Beauty (1959) et coréalise The Love Eterne en 1963. Après cet immense succès populaire, il réalise en 1964 The Story of Sue San (supervisé par Li Han-hsiang) pour la Shaw Brothers. En 1965 avec sa deuxième réalisation pour la Shaw, Sons of Good Earth, il rentre déjà en conflit avec Run Run Shaw qui remonte le film.

En 1966, L’Hirondelle d’or ouvre la voie au genre et le fait rentrer dans son âge d’or. Le film est un tournant dans l’histoire du Wu Xia Pian. Il tranche tout d’abord par l’évolution du rôle féminin. L’immense majorité des productions voient alors les rôles principaux tenus par des femmes, et King Hu introduit dans son film la parité homme / femme, au grand désarroi de Run Run Shaw qui voit d’un mauvais œil cette évolution.
Historien renommé, King Hu et son scénariste Yi Cheung donnent au Wu Xia Pian ses lettres de noblesse. Méticulosité de chaque instant, tant dans la reconstitution historique que dans la description des personnages et des conflits, réalisation au cordeau, direction d’acteur parfaite…au final un film épique et poétique qui intègre les arts martiaux comme mécanique u récit et non comme simple séquence d’action obligée. King Hu s’éloigne de l’aspect purement fantastique qui baigne alors le Wu Xia Pian. Quasiment plus de magie, mais un réalisme accru, tant au niveau historique que dans les exploits de ses héros. King Hu est extrêmement pointilleux. Ainsi, fort de son passé de décorateur, il fait construire un véritable temple pour les besoins du film.

King Hu opère une autre grande révolution dans le cinéma d’action. Il veut rompre définitivement avec le rendu théâtral des combats martiaux, et développe des chorégraphies qu’il veut crédibles. Elles ne sont plus aussi descriptives, chaque coup porté n’est pas précisément retranscrit. King Hu crée un mouvement général au sein du plan et dans leur enchaînement. Le Kung-fu devient véritablement un « art du mouvement ». King Hu insiste auprès de son interprète principale, Chang Pei-pei, sur les liens qui unissent la danse et les chorégraphies martiales. Le réalisateur mise sur le passé de danseuse de l’actrice plus que sur des talents de combattante qui guident habituellement les castings . Il conditionne son approche du film par l’écoute d’improvisations de jazz moderne. Celles-ci immergent l’actrice dans les changements de tons et de rythmes qui confèrent au film sa beauté toute musicale. Contrairement à Chang Cheh qui ne s’investit que peu dans les chorégraphies martiales, King Hu travail en étroite collaboration avec Han Ying-chieh. Ce dernier est un spécialiste du Kung-fu du nord et est issu de l’Opéra de Pékin, cet opéra qui passionne le réalisateur bien plus d’ailleurs que le Kung-fu. King Hu envisage ses films comme des ballets, et donne à la musique une place prépondérante dans sa conception filmique. Le cinéaste joue des mouvements de caméra, fait se déplacer constamment ses comédiens, compose ses cadres avec précision, englobe les chorégraphies de Han Ying-chieh dans un vaste mouvement musical. Il exploite à merveille les décors, utilise l’ellipse et le découpage avec une clarté qui manquera souvent aux futures réalisations martiales.

Les frères Shaw sont déçus par le rythme du film et confient à Han Ying-chieh le soin d’ajouter au métrage des scènes d’action et de couper les passages les moins spectaculaires. Le film est au final un immense succès. Mais King Hu quitte la Shaw Brothers, suite aux différents qui existent entre le réalisateur et son producteur. Run Run Shaw juge King Hu trop perfectionniste et donc coûteux. Depuis la sortie de L’Hirondelle d’or et le remaniement de son film, King Hu refuse de travailler dans ces conditions. Il s’installe donc à Taiwan où il tournera son film suivant, le sublime Dragon Gate Inn en 1967 (distribué cependant par la Shaw Brothers sur le territoire hongkongais). Comparé à la production pléthorique d’un Chang Cheh ou d’un Chu Yuan, King Hu ne tournera que peu de films, une quinzaine tout au plus. Mais des titres comme A Touch of Zen (1971) et Raining in the Mountain (1979) vont lui apporter une reconnaissance internationale. Le succès commercial de ces deux films, et celui la même année de One-Armed Swordsman de Chang Cheh, relance la mode du Wu Xia Pian, qui était en perte de vitesse depuis le début des années 50.

Par Olivier Bitoun - le 3 décembre 2011