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Livres

Politique des zombies
L'Amérique selon George A. Romero

Coordonné par Jean-Baptiste Thoret

Edition : Ellipses Marketing / Collection Les Grands mythes du cinéma
Date de sortie : 15 novembre 2007
215 pages
Prix public : 16,50 euros

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Analyse et Critique

Jean-Baptiste Thoret coordonne ici un recueil de textes sur la tétralogie des Zombies de George A. Romero et, ce faisant, fédère autour de lui un certains nombres de critiques et d’universitaires chez lesquels il trouve un écho ou un prolongement à ses passionnantes et pertinentes analyses du cinéma américain des années 60 / 70 (Le Cinéma américain des années 70, édition des Cahiers du Cinéma ; 26 secondes, l’Amérique éclaboussée, édition Rouge profond…) et du genre fantastique (Massacre à la tronçonneuse et Mythes et masques : les fantômes de John Carpenter avec Luc Lagier, deux ouvrages aux éditions Dreamland). Jean-Baptiste Thoret ouvre son livre et en quelques pages synthétise son travail sur les nouvelles formes esthétiques du cinéma américain au tournant des années 60 et sur les nouvelles représentations de l’horreur. C’est le hors champ qui se mêle au champ (l’Autre et l’Amérique qui partagent dorénavant le cadre, l’inconnu et le danger ne venant plus de l’extérieur mais prenant leur source à l’intérieur même de la société américaine), le gore comme prolongement des images ramenées du Vietnam ou de celles du meurtre de Kennedy, la perte de repère, le retour du refoulé… autant de signes cinématographiques d’« une décennie placée sous le signe du chaos. » Jean-Baptiste Thoret place George A. Romero comme l’un des acteurs majeurs de cette période, et ses zombies symbolisent parfaitement le basculement et la plongée d’une nation dans la paranoïa, l’ère du doute, la remise en cause de la société américaine, les rouages déréglés de la machine à rêver hollywoodienne.

Dans un premier article intitulé A leur corps défendant, François Augelier remonte l’histoire des zombies, de Béthanie et la résurrection de Lazare au Vaudou de Haïti, en passant par le livre fondateur du mythe du zombie : L’Île magique de William Buehler Seabrook. Augelier retrace ensuite la vie des morts au cinéma : White Zombie, film précurseur des frères Halperin tourné pour Universal, ouvre le bal et installe pour longtemps les grandes figures du récit de zombie qui seront reprises dans les productions fantastiques pendant des décennies et partout dans la monde (citons La Révolte des zombies, toujours de Victor Halperin, King of the Zombies, les productions mexicaines de Santo, les séries italiennes de Maciste, la Hammer…) : un savant fou qui ressuscite les morts afin d’en faire des esclaves, d’assouvir une vengeance ou encore d’asseoir son pouvoir et sa domination. Avec I Walked With a Zombie en 1943, Jacques Tourneur contourne déjà les figures du genre, représentant le vaudou comme une possibilité de guérir et comme la réappropriation de la parole par les descendants d’esclaves de l’île. Mais il faut attendre 1968 et La Nuit des morts vivants pour que Romero rompt définitivement avec ces figures installées : plus de magie, plus de maître manipulateur, plus d’explication au retour des morts, toutes choses qui modifient en profondeur la portée symbolique des zombies au cinéma.

Le texte suivant est la reprise d’une préface de Romero à The Complete Night of the Living Dead Book (1985) où il revient sur la genèse du ce premier volet. Il explique que l’aspect économique est la seule raison à apporter quant à la forme originale du film en regard du cinéma d’horreur (aspect documentaire, noir et blanc). Il réfute les hypothèses politiques proposées par les critiques sur la présence d’un héros noir, affirmant que ce choix ne vient que de la qualité de jeu de l’acteur. Des propos qui ne sont pas sans rappeler ceux d’un John Ford ; à cette différence qu’en 1985, Romero dans ses interviews n’hésite pas à parler de l’aspect politique et social de ses films, de Martin à Dawn of the Dead. Aussi, on peut prêter une attention particulière à ce qui ne pourrait être considéré que comme de la modestie et accepter qu’une part de chance et des circonstances extérieures au projet esthétique aient participé à la réussite artistique de La Nuit des morts vivants. Serge Chauvin, dans son article Du mort et du vivant, voit dans La Nuit des morts vivants un grand film matérialiste. L’aspect métaphorique (le final comme allégorie du lynchage, le massacre des zombies comme référence au "search and destroy" de la guerre du Vietnam…) l’intéresse moins que la capacité de la figure du zombie à échapper à une lecture symbolique. Les morts-vivants fonctionnent comme un miroir, et tous les maux de la société peuvent se refléter peu ou prou dans le film de Romero : rapports filiaux, guerre du Vietnam, conflits sociaux, racisme, fascisme, militarisme… toutes les lectures sont acceptables, la figure en creux du zombie appelant que le spectateur la remplisse. Ce que note par contre Chauvin, c’est que le mort-vivant de Romero ne répond à aucune mystique, à aucun thème religieux, à aucune faute ou malédiction.

Tonny Williams s’intéresse ensuite à Dawn of the Dead. Ce très long article, passionnant, décortique le film et met en exergue cette "politique des zombies" qui donne son nom à l’ouvrage. Williams s’intéresse au naturalisme du film et, ce faisant, aux liens qu’il entretient avec tout un pan de la littérature mondiale, de Zola (le centre commercial comme extension du Bonheur des dames) à Bret Easton Ellis, en passant par Herman Melville, Jack London ou encore Marc Twain. Des rapprochements audacieux qui sous la plume de Williams semblent limpides et évidents. L’auteur renvoie également aux travaux de Dieter Meindl sur le grotesque, qui chez Romero représente « la psyché fragmentaire américaine », outil satirique qui rejoint le réalisme du XIXème siècle qui s’opposait au romantisme et entendait parler de l’homme via son rapport à la société et au présent. Williams étudie également les rapports de Romero aux EC Comics, littérature vue comme un complément aux romans naturalistes américains. Williams décortique ensuite en profondeur le film, ses rapports avec les précédentes réalisations de Romero et s’intéresse à l’évolution des personnages, et notamment des figures féminines au fil des différents volets de la saga des morts-vivants.

Jean-Marie Samocki s’intéresse ensuite dans Le mort-vivant et le cannibale : la tétralogie ou les disparitions impossibles au rapport entre les zombies et le cannibalisme. A contrario des films de Ruggero Deodato par exemple, la découverte du cannibalisme dans la tétralogie n’est pas un climax dramatique, mais est posée quasi d’entrée de jeu comme une donnée brute. Samocki explore la représentation des scènes de dévoration, leur fonction qui est de susciter le dégoût et non la peur. Romero souhaite que le public regarde ces scènes, ne se détourne pas, raison pour laquelle elles ne doivent pas créer de processus d’effroi. Samocki s’interroge alors sur ce qu’emporte avec lui la figuration du cannibalisme via le zombie, cet Autre que l’on ne veut pas voir et que le cinéaste nous force à regarder. Pour Samocki, cet Autre, sans conscience, sans idéal, sans affect, est une part de nous même : cet « être vorace qui s’épuise dans la consommation irrationnelle des marchandises (…) est l’Américain. » L’histoire de l’Amérique et des totalitarismes est inscrite dans la tétralogie, et l’horreur visuelle des films serait selon l’auteur un apprentissage de la lucidité. Ce bref résumé en diagonal ne doit pas faire peur : le texte est très clair, très pertinent, même lorsque l’auteur fait un rapprochement osé avec le cinéma de Bunuel, notamment avec La Mort en ce jardin dont la tétralogie reprendrait le schéma narratif.

Vincent Malausa et Jean-Baptiste Thoret écrivent de concert l’article suivant consacré au Jour des morts vivants et intitulé Cauchemar blanc. Le texte s’ouvre sur une citation de Moby Dick où Achab parle de l’effroi que lui inspire la blancheur de la baleine. Les auteurs expliquent dans un premier temps l’environnement politique et culturel (l’ère Reagan) qui voit la mise en chantier de ce troisième volet et la genèse du film qui de projet ambitieux devient petite production fauchée. Pendant de celui de Williams, ce texte explore en profondeur le troisième volet de la saga : rôle des décors, représentation de l’horreur, fonction des personnages, humanisation des zombies. Thoret et Malausa montrent la modification de la représentation des zombies qui sont devenus entre-temps les héros de la franchise. A travers le personnage de Logan, surnommé Frankenstein, c’est même à une résurgence de la figure du mort-vivant telle que conçue par Halperin à laquelle nous assistons presque. Les humains se vident d’affects tandis que l’on ressent des sentiments envers les zombies. Thoret et Malausa parlent d’un tournant de la saga, qui va vers « le silence et l’épuisement » : humains et zombies sont deux groupes exsangues qui marchent sous le jour blafard.

Dans A l’ouest d’Eden, Carole Lépinay met en relation la saga et les figures de l’île et du paradis, parle de l’opposition entre le moderne et le civilisé dans l’œuvre de Romero et s’intéresse à la temporalité et la géographie de sa mise en scène. Ce texte, bien que très intéressant et riche en pistes d’exploration, reste très théorique et paraît parfois trop déconnecté des œuvres en elles-mêmes.

The Turning Point : le moment décisif d’Adrian Martin, est un texte peu convaincant consacré à Land of the Dead, un film qui ferait preuve à chaque instant, selon l’auteur, "d’une audace stupéfiante" : « Le Capital de Karl Marx sur un écran de multiplexe. » La lourdeur politique, le discours appuyé et l’aspect didactique du film deviennent ici des exemples du courage et de la lucidité de Romero. Adrian Martin précise que seul un film d’épouvante, en l’occurrence un film de zombie, genre rejeté par une grande majorité de la critique dominante, peut parvenir à « échapper au radar idéologique et préparer un mauvais coup, féroce et subversif. » Une telle affirmation est surprenante. Si effectivement le cinéma fantastique demeure encore aujourd’hui peu respecté de la critique, celle-ci a profondément révisé ses jugements à son encontre. Plusieurs réalisateurs sont devenus des coqueluches des revues de cinéma et Romero fait partie de ces auteurs encensés (certes depuis peu) par l’ensemble des critiques, des Cahiers du Cinéma à Positif, en passant par Première et Télérama. Quant à « préparer un mauvais coup », les exemples ne cessent de nous parvenir d’Amérique de ces œuvres qui prennent à bras-le-corps les questions politiques et sociales et qui se posent en pamphlets radicaux à l’encontre de son gouvernement. Adrian Martin affirme plus loin que le cinéma d’horreur politisé fait l’erreur de passer son message politique à la marge, ce qui empêche ce dit message de toucher le plus grand nombre des spectateurs. Ce qui est si souvent reproché à un Michael Moore ou un Ken Loach devient ici une qualité. Un autre point surprend plus encore dans un recueil de textes coordonné par Thoret. En effet Land of the Dead est présenté comme une date du cinéma d’horreur car Romero ne traite plus l’Autre (le vampire, le zombie, le monstre) comme à l’accoutumée : c'est-à-dire soit en le considérant comme une menace extérieure à éradiquer soit, lorsque le réalisateur s’est pris de sympathie pour cet Autre, par son incapacité toutefois à le laisser vivre à la fin de son film. C’est tout de même faire l’impasse sur plus de quarante ans d’un cinéma fantastique qui, justement, s’est interrogé sur la figure de l’Autre et s’est posé comme réaction à la vision jusqu’ici conservatrice du genre. Toutes choses que Thoret n’a cessé de démontrer de textes en textes. Enfin, soutenir que grâce à la radicalité de Land of the Dead c’est toute une vague de cinéma fantastique contestataire qui surgit, l’auteur citant Homecoming de Joe Dante et The Host de Bong Joon-ho, ne peut que nous laisser pantois.

Philippe Rouyer s’intéresse ensuite à George A. Romero et au gore, à l’évolution de la représentation de la violence au fil des films de la tétralogie. Outre l’aspect technique, du bricolage des débuts à l’utilisation du numérique dans Land of the Dead, c’est à une véritable réflexion sur l’image à laquelle Romero se livre de film en film. Le gore est consubstantiel au discours politique de Romero et non un effet de style, une marque, un gimmick. Comme toujours avec Rouyer, l’approche est pertinente et claire.

Masses, meutes, individus de Pascal Couté se concentre sur la question du groupe, la façon dont une poignée d’hommes ou une masse de zombies fondent une société, et sur celle de l’identité perdue ou retrouvée. Questions intéressantes auxquelles l’auteur apporte des réponses qui le sont tout autant.

Enfin le dernier texte de Sébastien Le Pajolec est un petit bonheur assez vachard envers la critique française. En effet, il explore la réception des films de Romero par la presse française, ausculte les revirements et les effets de masses qui ont finalement transformé un cinéaste conspué en un auteur à part entière, plébiscité par les critiques de tous horizons. Même si Le Pajolec explique bien que ce texte n’a pas pour but de mettre en exergue l’aveuglement et les jugements à l’emporte pièce de la critique, mais bien d’appréhender l’évolution de la cinéphilie française, force est de constater que l’on prend un énorme plaisir à voir la façon dont telle ou telle revue change de bord sans vergogne, allant même jusqu’à se poser en défenseurs de la première heure du cinéaste. Difficile de résister au plaisir de proposer un résumé de ce texte extrêmement complet et documenté. Là où les autres revues ne voit dans La Nuit des morts vivants qu’un ersatz de gore grand guignol à la Herschell Gordon Lewis (ce qui n’interdit pas à certaines critiques d’apprécier le film justement pour cet aspect), Positif est quasi la seule à en proposer une lecture politique, même si le critique s’empresse d’ajouter que ce sous texte politique semble exister à l’insu du réalisateur. Daney dans les Cahiers du Cinéma perçoit quelque chose de singulier dans le film, mais s’avoue incapable de mettre des mots dessus. Des cinq réalisations suivantes de Romero, seuls deux sont distribuées en France, et encore très fugitivement (Martin et The Crazies). Zombie est quant à lui interdit par la censure jusqu’aux années 80. Dans le même temps, La Nuit des morts vivants est devenu un classique du genre, une date incontournable. Mais pour la critique c’est un météore, un accident, et Romero n’est absolument pas considéré comme un auteur. Personne ne s’intéresse au cinéaste, ou alors pour souligner la déception engendrée par ses nouvelles réalisations suite à son « classique ». Les Cahiers ne parlent plus du tout de ses films, Positif se contente de quelques rapides notules, Télérama tire à boulet rouge. L’Ecran fantastique suit de près la carrière de Romero, mais ne s’intéresse pas à lui en tant qu’auteur mais en tant que réalisateur de premier ordre de film d’horreur des années 70. Zombie sort enfin en 1983, soit cinq années après sa réalisation. Les raisons de son interdiction par la censure sont explicitées dans un article de Mad Movies daté de 1987. Jean-François Théry, président de la Commission de censure à l’époque de l’interdiction du film, explique que ce qui avait effrayé le comité était la façon dont les zombies devenaient des cibles abattues comme une sous-humanité. Ils considérèrent dès lors le film comme prônant une idéologie nazie. Là où les critiques ne voient toujours pas de lecture politique possible aux œuvres de Romero, la censure, elle, s’en était bien chargée, même si c’était au prix d’un incroyable contresens. La critique (hors revues spécialisées) exècre le film, tout juste bon selon la grande majorité à flatter les plus bas instincts des amateurs de gore. Un film grotesque, écoeurant, stupide. Dans Positif, avis isolé, Emmanuel Carrère prend la défense du film (et ce dès 1979) mais pour sa mise en scène et non pour son contenu. Si Creepshow est étonnement plutôt bien reçu, c’est parce que le gore y est édulcoré, infantilisé. Le Jour des morts vivants, lui, est de nouveau méprisé, vilipendé.

Hormis toujours les deux mêmes revues spécialisées (L’Ecran fantastique et Mad Movies, qui s’intéressent au film du seul fait qu’il appartient au cinéma de genre) et Positif, George Romero est toujours aussi déconsidéré. Toujours ? Non ! Une revue peuplée d’irréductibles cinéphiles vient enfin proposer le premier grand travail critique sur le cinéaste. L’admirable Starfix avait déjà proposé pour Zombie et Creepshow une véritable analyse du cinéma de Romero, le considérant comme un auteur majeur du cinéma américain, et non du seul cinéma fantastique. Entre 1983 et 1986, la revue imprime trois longs articles et un entretien de Romero, parlant enfin de l’aspect idéologique de son cinéma et de sa mise en scène comme acte politique. Sébastien Le Pajolec voit dans la mythique revue menée par Christophe Gans un apport considérable dans la cinéphilie française, à l’image des Cahiers du Cinéma dans les années 50, et l’on ne peut que lui donner raison. En trois ans, Starfix pose toutes les bases de la nouvelle perception de Romero par la critique française, qui dès lors marchera dans les pas de ces textes fondateurs. Il faut cependant attendre encore longtemps, et la sortie de Monkey Shines, même s’il est un film mieux considéré (notamment par Les Cahiers) cantonne toujours Romero dans la case du réalisateur de film d’épouvante. En 1993, Les Cahiers consacrent un long dossier au film d’horreur politique, mais n’écrivent pas une ligne sur Romero, Wes Craven était cité comme père fondateur de ce mouvement. En 2001, La Cinémathèque organise une rétrospective George A. Romero. C’est le coup d’envoi d’un délire critique autour du cinéaste. Les Cahiers réalisent un dossier sur le cinéaste et Zombie devient une référence incontournable pour la revue. Si elle déplore l’aveuglement de la presse à son encontre, elle passe sous silence sa propre position et ne relève pas le travail de Mad Movies, L’Ecran fantastique, Positif et Starfix. On pourrait rajouter au panorama critique dressé ici un épilogue : dans son numéro de septembre 2007, on peut lire dans les colonnes des Cahiers à propos de la sortie de Diary of the Dead : « Romero a souhait accorder son premier entretien important sur ce film aux Cahiers, qu’il crédite de la découverte de La Nuit des morts vivants. » Bruiser, l’un des films les plus faibles de Romero, est pourtant souvent défendu par la presse avec une mauvaise foi hilarante, comme si elle devait rattraper envers et contre tout son retard. La sortie du remake de Zombie est l’occasion pour toute la presse de rappeler que l’original était autrement plus audacieux et stimulant, et Land of the Dead permet enfin aux critiques qui ont si longtemps ignoré Romero de dresser un monument en son honneur. La lecture politique du film, basique et didactique, permet même aux plus aveugles des critiques de parler d’une grande fiction de gauche, d’un pamphlet contre Bush et la politique américaine. Voilà brossé le portrait, incisif, de la presse ciné. Le Pajolec réalise cependant un dossier bien plus fourni et complexe que ne le laisse entendre ce résumé. S’il prend un malin plaisir à montrer les incohérences de la critique, les retournements de vestes, les goûts dominants, le texte évite de sombrer dans le règlement de compte facile.

Deux entretiens avec George A. Romero par Jean-Baptiste Thoret viennent conclure ce recueil. Déjà proposé dans la revue Simulacre, la première interview date de 2001 pour la sortie française de Bruiser. Romero revient sur les neuf années d’inactivité entre La Part des ténèbres et sa dernière réalisation, sur sa collaboration avec Dario Argento sur Zombie et Deux yeux maléfiques, sur la façon dont La Nuit des morts vivants reflète l’esprit des sixties, sur l’Amérique d’après le 11 Septembre. La plupart de ses films sont évoqués, ainsi que quelques éléments de sa conception de la mise en scène, ses influences majeures (Orson Welles et Michael Powell), mais l’accent est surtout donné à sa vision politique de la société américaine. Dans le second entretien, daté d’août 2005, Romero revient sur Land of the Dead, sa genèse, son aspect politique, et il évoque sur sa position de "maverick" dans le cinéma hollywoodien contemporain.

Politique des zombies est un ouvrage passionnant sur l'une des figures majeures du cinéma américain. Si l’on peut regretter le manque d’iconographie, la qualité des textes et la richesse des propositions de lectures de l’oeuvre du maître de Pittsburgh en font un ouvrage incontournable pour tout amateur du cinéma américain.

Par Olivier Bitoun - le 8 avril 2008