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Livres

les guerres des etoiles
1975 - 1985 - L'INVASION SF

Date de sortie : 23 octobre 2014
Editeur : Huginn & Munnin
Collection : Ciné TV
Broché : 224 pages

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ANALYSE ET CRITIQUE

On ne fera pas mystère que sur DVClassik, on aime régulièrement à se replonger dans la vision de films du patrimoine, de même qu'on valorise la notion que le cinéma représente un univers certes protéiforme mais dans lequel la transmission - à travers les époques - des idées et des approches visuelles reste essentielle. Ce qui induit ainsi une continuité dans le jeu d'influences et de références qui jalonnent son histoire, et donc la perpétuation d'un héritage vivant toujours susceptible de captiver et d'émouvoir. Si en plus on a une sensibilité affirmée pour les films dits "de genre" (aventure, fantastique, science-fiction, horreur, polar...), même si cette étiquette ne rend pas vraiment service à ces productions que beaucoup s'empressent justement de sous-estimer, alors tous les paramètres sont réunis pour que l'on se plonge goulument dans la lecture de l'ouvrage Les Guerres des étoiles - 1975-1985 - L'invasion SF, écrit par Jérôme Wybon et publié fin octobre 2014.

De nombreux lecteurs du site, et même beaucoup de cinéphiles intéressés par les coulisses du cinéma, connaissent l'auteur de ce livre, même s'ils n'ont pas nécessairement retenu son nom. Depuis des années déjà, Jérôme Wybon, collaborateur également de certaines revues de cinéma spécialisées, est l'un des tout meilleurs réalisateurs français de films documentaires prenant pour sujet la fabrication des longs métrages. Chacun d'entre nous peut régulièrement apprécier son travail dans les suppléments des éditions vidéo (DVD et Blu-ray) dont il a la charge. Passionné par l'envers du décor des productions (françaises mais aussi étrangères) datant principalement des années 1960 aux années 1980, Wybon est un véritable passionné. Fuyant l'aspect promotionnel des œuvres dont il ausculte l'historique (même si cet aspect peut entrer en ligne de compte dans son travail), il serait plutôt une sorte d'archéologue cinéphile toujours en quête de documents rares (images, vidéos et sons) et d'anecdotes instructives à amasser puis à retranscrire dans des documentaires généralement abondants en informations et d'une exemplaire fluidité. Féru aussi de fantastique et de science-fiction, Wybon s'emploie cette fois à mettre ses capacités au profit d'un ouvrage ayant pour objectif d'isoler une décennie particulière, au cours de laquelle le genre du space opera retrouve une nouvelle vitalité suite à la révolution opérée par le premier Star Wars de George Lucas sorti en mai 1977 aux États-Unis.

Si le livre s'adresse à tous les amateurs de science-fiction en général et du space opera en particulier, quel que soit leur âge, il apparaît évident rien qu'en survolant l'ouvrage que la qualité première de Guerres des étoiles - 1975-1985 - L'invasion SF est de faire resurgir des souvenirs émouvants à certains cinéphiles trentenaires et surtout quarantenaires. Pour ces derniers, l'éveil cinématographique à ce type de culture s'était accompli à travers ces nombreuses productions visibles en salles, à la télévision et sur des VHS plus ou moins respectueuses des œuvres, et ce quel que fut le rendu artistique de ces dernières (fabuleux ou carrément calamiteux). C'est donc un parfum très agréable de nostalgie que diffuse ce livre, pour des personnes qui certes ont déjà acquis des connaissances sur l'objet de leur passion mais qui ont ici la possibilité d'apprécier un regard disant et temporel sur un phénomène précis. Ce qui intéresse avant tout Jérôme Wybon, c'est la résurgence d'un genre à un moment particulier de son histoire - lié à la quintessence des effets spéciaux pré-numériques - et son expression via un réseau d'influences évidentes, souvent amusantes et plus ou moins assumées, à travers plusieurs territoires (surtout les États-Unis bien sûr, mais aussi d'autres pays comme l'Italie ou le Japon). De plus, l'auteur a eu l'intelligence de ne pas se limiter au cinéma puisqu'il inclut avec pertinence dans son étude des œuvres télévisuelles (dont l'animation) qui ont plus ou moins marqué les esprits à l'époque de leur diffusion. Evidemment, Wybon n'est pas dupe : même s'il traite avec le même respect éditorial tous les travaux évoqués, il ne place pas ces derniers sur un même plan qualitatif malgré son approche avant tout historique. Les films importants bénéficient d'une attention plus marquée en nombre d'informations et de documents visuels fournis, de même que les productions fauchées, ratées, ridicules ou bêtement plagiaires sont clairement identifiées comme telles, quel que soit par ailleurs le plaisir qu'on éprouve à les visionner. Après tout, quel est l'intérêt de revoir un film comme Lifeforce de Tobe Hooper - malgré ses ambitions premières - si ce n'est d'apprécier la plastique exceptionnelle de Mathilda May qui se promène totalement nue dans les quatre coins de l'image ?


Pour donner un peu l'idée du voyage spatio-temporel assez roboratif que nous fait effectuer Les Guerres des étoiles - 1975-1985 - L'invasion SF, voici la liste des productions étudiées :

Cosmos 1999 (Gerry & Sylvia Anderson, 1975-76), La Guerre des étoiles (George Lucas, 1977), La Guerre de l'espace (Jun Fukuda, 1977), Les Evadés de l'espace (Kinji Fukasaku, 1978) et San Ku Kaï (Minoru Yamada, 1979), Battlestar Galactica (Glen A. Larson, 1978), Le Trou noir (Gary Nelson, 1979), Alien (Ridley Scott, 1979), Moonraker (Lewis Gilbert, 1979), Star Trek : Le film (Robert Wise, 1979), Star Crash (Luigi Cozzi, 1979), L'Humanoïde (Aldo Lado, 1979), Buck Rogers au XXVème siècle (Glen A. Larson, 1979), Alerte dans le cosmos (George McCowan, 1979), L'Empire contre-attaque (Irvin Kershner, 1980), Flash Gordon (Mike Hodges, 1980), Saturn 3 (Stanley Donen, 1980), Galaxina (William Sachs, 1980), Outland (Peter Hyams, 1981), Inseminoid (Norman J. Warren), Star Trek II : La colère de Khan (Nicholas Meyer, 1982), Le Retour du Jedi (Richard Marquand, 1983), Bye Bye Jupiter (Koji Hashimoto, 1984), Ice Pirates (Stewart Raffill, 1984), 2010, l'année du premier contact (Peter Hyams, 1984), Star Trek III : A la recherche de Spock (Leonard Nimoy, 1984), Dune (David Lynch, 1984), The Last Starfighter (Nick Castle, 1984), Lifeforce (Tobe Hooper, 1985), Enemy Mine (Wolfgang Petersen, 1985). On trouve également des chapitres consacrés à l'espace animé (avec La Bataille des planètes, Albator, Capitaine Flam, Ulysse 31, Cobra), à la vague italienne (cinq films réalisés par Alfonso Brescia), au space opera en affiches, au système Roger Corman avec la production de cinq films, à des projets avortés, à la périphérie de Star Wars (Star Wars Holiday Special, L'Aventure des Ewoks, La Bataille d'Endor) et à... Turkish Star Wars.

Pour aborder chacune de ces productions, Jérôme Wybon utilise la même méthodologie, liée aux influences déterminantes qu'ont eues respectivement les sorties de La Guerre des étoiles pour le space opera pur et d'Alien pour l'intrusion de l'horreur dans le genre. En bon dénicheur des secrets de production, l'auteur s'applique pour chaque œuvre à décrire les origines du projet, sa mise en chantier, le tournage proprement dit, le travail des effets spéciaux et l'impact produit auprès des spectateurs. Viennent selon les cas s'adjoindre des anecdotes relatives aux conditions de production - souvent difficiles, ou du moins agitées - propre à chaque film. Le systématisme de cette approche chronologique et thématique, s'il n'offre que peu l'occasion de surprises ou d'analyses profondes et croisées (mais tel n'est pas l'objectif poursuivi par l'auteur), permet toutefois de tracer une perspective éclairante sur l'évolution du genre et sur les artisans responsables de ses réussites (comme de ses échecs) concernant une décennie excitante pour quiconque a vécu cette période, et aussi pour les plus jeunes qui redécouvrent par ce biais certains films dont l'aura ne cesse de briller plus de trente ans après leur sortie en salles. De même qu'il est amusant de voir traiter des films de deuxième ou troisième catégorie que l'on regarde aujourd'hui avec une certaine indulgence, voire tendresse, et surtout un second degré salvateur. Et Wybon ne cache d'ailleurs pas sa bienveillance pour certains d'entre eux - pour des raisons artistiques ou bien techniques - comme Le Trou noir, Star Crash, The Last Starfighter ou même Lifeforce (décidément, on y revient !). C'est ici qu'intervient l'honnêteté de l'auteur, qui se manifeste par un même respect apporté à chacun des sujets traités, de même que par la citation de toutes ses sources. On le redit, l'approche choisie n'est pas critique mais historique, un choix qui laisse le lecteur totalement libre de ses inclinaisons mais qui surtout met en exergue la mentalité qui régnait alors, celle d'artistes et d'artisans plus ou moins ambitieux, animés surtout par un esprit joueur et créatif qui donnait vie aux rêves les plus fous, et qui revendiquait un imaginaire complètement débridé. C'est cet esprit rafraîchissant - malgré le cheminement tortueux, voire cynique, qui caractérise la mise en œuvre de la majorité des films - qui ressort finalement de la lecture de l'ouvrage et qui finalement le rend précieux.


Une autre vertu évidente de Guerres des étoiles - 1975-1985 - L'invasion SF est son iconographie. Ce livre grand format propose son lot impressionnant de photos de tournage, d'images de production et d'affiches dans une qualité de reproduction irréprochable (à une ou deux images près) et pour certaines planches dans la hauteur bienvenue d'une page. Pour beaucoup, il s'agit d'images rares ou inédites qui réjouissent nos rétines et font marcher notre imaginaire entremêlé de souvenirs de visionnage. Enfin, l'équilibre visuel entre textes et images a bénéficié d'un soin manifeste. En revanche, il nous faut pointer un défaut qui semble découler d'un manque de vigilance éditorial (peut-être dû à la précipitation ?). En effet, on relève sur l'ensemble de l'ouvrage plusieurs coquilles (fautes d'orthographe, oubli de mots) qui se révèlent surprenantes alors que le travail historique proprement dit est plutôt rigoureux. Cela dit, ce manque d'attention ne grève en rien le plaisir pris à la lecture de ce livre qui se présente comme un document parfaitement complémentaire d'ouvrages plus précis et analytiques consacrés à un seul film (comme il en existe de nombreux sur Star Wars ou Alien, par exemple).

Par Ronny Chester - le 6 février 2015