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Portraits

Simone Simon nous a quitté dans la nuit du mardi 22 au mercredi 23 février. Agée de 93 ans, elle avait été rendue célèbre pour son rôle dans La Féline de Jacques Tourneur. Sans faire preuve d'un immense talent de comédienne, cette petite femme avait su imposer son charme devant la caméra de réalisateurs de renom comme Tourneur, Ophuls ou Renoir.

Née à Marseille en 1911, Simone Simon entame une carrière de mannequin avant de devenir créatrice de mode. Passionnée par le théâtre, elle monte rapidement sur les planches et irradie les salles de sa beauté lumineuse. Au début des années 1930, elle est remarquée par Marc Allégret. Après quelques apparitions dans Mam'zelle Nitouche en 1931 ou La Petite chocolatière en 1932 par exemple, le cinéaste français lui offre ses premiers grands rôles dans Lac aux dames (1934) et Les Beaux Jours (1935). En 1936, Darryl Zanuck tombe lui aussi sous le charme de la belle Française et lui propose un contrat avec la Fox. On aperçoit alors son visage gracieux dans Girls' Dormitory (1936, Irving Cummings), Ladies in Love (1936, Edward H. Griffith), Love and Hisses (1937, Sydney Lanfield), ou Josette (1938, Allan Dwan).

Malheureusement, aucun de ces rôles ne parvient à transformer la pretty french girl en star. Dépitée, elle retourne en France où Jean Renoir lui propose d'incarner Séverine aux côtés de Jean Gabin dans la superbe adaptation de La Bête Humaine (1938) d'Emile Zola. On la remarque ensuite dans Cavalcade d'amour (1940) de Raymond Bernard. Sa carrière prend alors un nouvel élan et Hollywood tente à nouveau de la séduire. Attirée par la Cité des Anges, elle apparaît dans quelques films intéressants comme All That Money Can Buy (William Dieterle, 1941) et fait une rencontre déterminante avec un jeune producteur de talent : Val Lewton.

Il faut croire que le surdoué de la RKO était un porte-bonheur pour les Français. Non seulement Lewton fut l'homme qui mit en lumière le talent de Jacques Tourneur, mais il offrit également à Simone Simon son plus beau rôle, celui d'Irena Dubrovna, l'étrange féline de Cat People (1942). Sa fragilité du jour opposée à sa férocité nocturne transforme alors Simon en une des femmes fatales les plus racées de l'histoire du septième art. L'ambiguïté de son personnage et sa beauté troublante dégagent un charme dévastateur, une puissance sexuelle intimidante à laquelle il est difficile d'échapper. Les salles obscures des années 40 deviennent soudain le théâtre de fantasmes masochistes pour le moins étranges et envoûtants...

Après ce succès, on retrouve Simone Simon, dans Mademoiselle Fifi (1944) et The Curse of the Cat People (1944, Robert Wise) séquelle de La Féline où ses apparitions fantomatiques participent à l'ambiance onirique de ce magnifique film encore une fois produit par Val Lewton. Curieusement, sa carrière ne décolle toujours pas et le succès de Cat People ne l'empêche pas de jouer dans des séries B sans grand intérêt comme Tahiti Honey (John Auer, 1943) ou Johnny Doesn't Live Here Anymore (Joe May, 1944).

Mais Simone Simon est une femme de caractère. Elle refuse d'en rester là et repart de nouveau en Europe où ses aspirations artistiques trouveront un nouveau terrain d'expression auprès de Max Ophuls avec lequel elle tournera dans La Ronde (1950) et Le Plaisir (1952).

Ensuite, le mystère demeure car Simone Simon ne jouera quasiment plus la comédie devant les caméras. Déçue par le cinéma ou simplement en quête d'autres expériences, elle ne se concentre plus que sur son premier amour, le théâtre. Elle monte sur les planches dans de nombreuses pièces et termine sa carrière à Paris.

A 93 ans, la Féline s'est donc éteinte dans les rues de Montmartre où elle résidait ces derniers temps. Toutefois le mystère qui l'entourait et la rêverie dont elle fût la source restent à jamais gravés dans nos mémoires cinéphiles. RIP lovely woman … strange killer cat !!

Par François-Olivier Lefèvre - le 25 février 2005