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Portraits

Il en va des familles d’artistes comme des familles traditionnelles. Tapis derrière l’oncle excentrique, le grand-père hâbleur et colérique, le neveu rebelle ou le fils prodigue, se tiennent quelques membres qui ne paient pas de mine : des enfants sages pour la plupart, des cousins et demi-frères affairés et discrets qui à la lumière préfèrent l’ombre, volontairement ou par simple obligation. En décembre 2005 s’éteignait l’un des tout derniers grands cinéastes de l’âge d’or hollywoodien. Le 25 mars 2006, celui que beaucoup de cinéphiles prirent l’habitude d’associer à celui-ci dans une sorte d’anonymat relatif, disparaissait à son tour, paisiblement à près de 90 ans, après une vie particulièrement bien remplie : Richard Fleischer venait de rejoindre Robert Wise au firmament des réalisateurs dont les patronymes s’effacent derrière leur œuvre. Fleischer, le nom résonne comme un claquement de fouet, mais comme résonnèrent aussi malheureusement, et pendant très longtemps à nos oreilles échauffées, les jugements expéditifs et peu amènes des commentateurs de tous poils qui conférèrent à cet homme discret un statut simpliste de technicien doué. Technicien hors pair, Fleischer l’était assurément. Mais également un expérimentateur insatiable de nouvelles techniques cinématographiques depuis ses tous débuts, de même qu’un véritable esthète de l’écran large. Le grand public, de son côté, n’en a que faire ou si peu de ces considérations critiques. Seul compte à ses yeux l’impact produit par les films, aussi bien lors des projections ou diffusions télévisées que dans la continuité de celles-ci car les longs métrages de Richard Fleischer, pour leur majorité, savaient tout autant captiver et divertir que provoquer une réflexion sur l’humanité confrontée à ses démons les plus sombres. Fleischer ? Non, cela ne dit pas grand-chose aux spectateurs. Car rares furent les journalistes, les passeurs de culture cinématographique, qui surent volontiers employer leur énergie à défendre l’homme et son œuvre. Fleischer n’avait pas le flamboiement de certains de ses pairs, ne proposait pas avec hardiesse de vision obsédante de notre monde susceptible de l’introduire dans le club plutôt fermé des auteurs. On tâchera de ne pas tomber dans ce débat alambiqué qui n’intéresse finalement qu’un petit nombre de coupeurs de cheveux en huit (dont je pourrais d’ailleurs, je l’avoue, faire partie). Pour en revenir au grand public, dites-lui « Fleischer », il restera circonspect… parlez-lui de 20 000 Lieues sous les mers, Soleil vert, Le Voyage fantastique, Tora ! Tora ! Tora !, Les Vikings, L’Etrangleur de Boston, Dr. Dolittle ou Barabbas et il écarquillera les yeux en vous adressant un large sourire. Oui, voilà qui fut Richard Fleischer.

Né à Brooklyn en 1916, le futur cinéaste se destinait à une carrière de médecin (avec un intérêt pour la psychiatrie révélateur de certaines de ses préoccupations à venir). Il découvre rapidement le théâtre et se lasse vite de ses études scientifiques. Il change alors d’orientation et entre à la Yale School of Drama où il crée en 1937 une troupe de théâtre amateur. Fils de Max et neveu de Dave, les deux célèbres auteurs de dessins animés et créateurs des personnages de Popeye et Betty Boop, Richard Fleischer avait le spectacle dans le sang. En 1942, il débute dan la profession comme scénariste au département des actualités de la RKO. Il passe à la réalisation et à la production de courts métrages qui composent ces bandes d’actualités, participe ainsi à l’effort de guerre avec This is America puis réalise Flicker Flashbacks, autre série de courts à succès. Touche-à-tout de talent, il apprend la lumière et surtout le montage. Un dirigeant du studio, séduit par son travail, l’engage en 1944 dans le département des séries B. Son premier film, Child of Divorce (1946) attire les faveurs de la critique et du public. Il attire surtout l’œil des producteurs Carl Foreman et Stanley Kramer qui lui confient la direction de leur première production indépendante : So This is New York (1948) qui sera son quatrième film. Fleischer ne s’estime pas encore un cinéaste accompli, mais on pourrait facilement apercevoir dans ce film les prémices d’une approche artistique singulière grâce à l’utilisation jubilatoire de procédés techniques, dont la juxtaposition au sein d’une seule réalisation se révèle particulièrement originale dans la production hollywoodienne de l’époque. Ralentis, accélérés, images fixes, montage syncopé, le fils de Max Fleischer met en scène une sorte de cartoon live, préfigurant un peu ce que fera Louis Malle en 1960 avec Zazie dans le métro.

Richard Fleischer se fera surtout la main sur toute une série de films noirs à petit budget tirant souvent vers le réalisme documentaire, à l’exemple de ce qu’avaient initié des réalisateurs comme Henry Hathaway et Anthony Mann après la Seconde Guerre mondiale. Sans égaler ces deux maîtres, Fleischer signe néanmoins plusieurs films au rythme haletant et à l’énergie communicative dont la qualité va en progressant : Bodyguard (1948), The Clay Pidgeon (1949), Follow Me Quietly (1949), Trapped (1949) et Armored Car Robbery (1950). Il atteint son apogée dans le genre avec The Narrow Margin (L’Enigme du Chicago Express) en 1952, dans lequel sa science du cadrage en huis clos, du montage et surtout du mouvement fait merveille. (Tous ces films restent encore aujourd’hui, pour la plupart d’entre eux, toujours difficilement accessibles mais l’on se réjouit d’apprendre que la Cinémathèque Française prépare bientôt une rétrospective Fleischer). C’est alors que le cinéaste choisit d’expérimenter la 3D avec Arena (1953), production MGM avec le rodéo comme sujet (Fleischer reviendra à la 3D trente ans plus tard en 1983 - avec une autre technologie - en dirigeant Amityville 3D, petit film sans aucune prétention qui ne vaut que par ses effets moyennement impressionnants). Cette expérience décevante, selon ses propres dires, va cependant bouleverser sa carrière. Les Studios Walt Disney préparent un film d’aventures d’une ambition folle, une production de grande envergure tant sur le plan artistique que technique. Parce qu’ils voient en Fleischer un excellent directeur d’acteurs doublé d’un technicien habile, ils lui offrent la direction de ce projet, dont le tournage se révélera plutôt pénible. Mais qu’importent les défis techniques et les problèmes qu’ils ont maintes fois engendrés, 20 000 Lieues sous les mers, magnifique adaptation du chef-d’œuvre de Jules Verne, impose sa puissance formelle au public comme aux critiques. Le souffle de l’épopée et l’impétuosité des sentiments parcourent cette magnifique production à laquelle les différents départements (de la direction artistique irréprochable aux effets spéciaux, en passant par la superbe photographie de Franz Planer) donnent un cachet merveilleux. Encore aujourd’hui, ce film d’une beauté renversante pour son usage du Cinémascope, demeure l’un des plus grands films d’aventures jamais tournés par l’usine à rêve californienne. Richard Fleischer est entré dans la cour des grands. Suivent alors une série de films mémorables qui assoit sa maîtrise des outils dramatiques tout en donnant naissance à une œuvre riche, diversifiée et souvent d’une belle cohérence. Engagé par la 20th Century Fox, Fleischer doit certes composer avec Daryl Zanuck qui l’obligera à tourner deux films quelconques, véhicules pour sa maîtresse française Juliette Gréco : Drame dans le miroir (1960) et Le Grand risque (1961). Mais il y signera surtout Les Inconnus dans la ville (1955), film noir à la narration ramifiée et complexe et d’une grande violence sociale qui explose en fin de métrage, La Fille sur la balançoire (1955), drame criminel vénéneux et bouleversant adapté d’une histoire vraie et qui se pare des couleurs du mélodrame (avec une Joan Collins inoubliable), un film de guerre au ton original et désabusé, en rupture avec les récits glorieux de son époque : Le Temps de la colère (1956), magnifique portrait d’un soldat déchu en quête d’humanité avec le thème de l’homosexualité en sous-texte, et sans doute l’une des œuvres les plus poignantes du cinéaste qui confirme à nouveau son talent formel (aussi bien pour la dynamique interne de ses cadrages en Scope et ses mouvements précis de la caméra que pour son art du raccord), ou encore Duel dans la boue (1959), sympathique western en format large avec Don Murray et la belle Lee Remick. Fleischer aura eu l’occasion, hors de son contrat avec la Fox, de réaliser un autre western avec le bourru Robert Mitchum pour la United Artists, Bandido Caballero (1956), lorgnant maladroitement vers le Vera Cruz (1954) de Robert Aldrich mais qui, sans égaler ce dernier, vaut surtout par sa mise en scène et sa magnifique captation des paysages en Cinémascope.

Il sera surtout engagé par Kirk Douglas pour diriger l’autre grand film d’aventures qui fera sa gloire dans le genre : Les Vikings (1958). Les superlatifs risquent de manquer pour qualifier cette réussite éclatante : soucis de l’authenticité (malgré une pléiade de stars), élégance de la mise en scène, emploi ingénieux de la profondeur de champ, compositions picturales qui doivent également beaucoup au travail du directeur de la photographie Jack Cardiff, souffle intimidant de l’épopée historique, lyrisme flamboyant... Il est certain que si l’on ne devait retenir qu’un nombre restreint de films pour illustrer la carrière de Richard Fleischer, Les Vikings figurerait dans le peloton de tête. Fleischer récidivera dans l’ampleur et la magnificence picturale avec son ambitieux Barrabas pour la Columbia en 1962. Portrait intimiste d’un homme aux prises avec la foi de ses contemporains et sa propre quête de l’âme dans l’ombre de Jésus Christ crucifié à sa place, Barrabas se situe dans la lignée des grandes fresques intimes de David Lean. Malheureusement, le succès critique et public ne sera pas au rendez-vous et cette œuvre plus complexe qu’il n’y paraît, et défendue par un Anthony Quinn déchirant, attend toujours sa réévaluation. Comme autre de ses réussites plastiques, on n’oubliera pas d’évoquer Le Voyage fantastique (1966). Chef d’orchestre d’un projet au scénario incroyable, un équipage de militaires et de scientifiques sont miniaturisés à une taille microscopique et implantés dans le corps d’un diplomate dans le coma afin de le sauver, Richard Fleischer, grâce à des effets spéciaux d’une folle originalité pour l’époque, organise avec une précision millimétrée dans ses cadrages une chorégraphie visuelle qui confine à la poésie, flattant ainsi l’œil et l’esprit d’un spectateur indulgent avec des personnages malheureusement un peu taillés à la serpe.

Les réussites artistiques de Fleischer viendront à s’espacer avec le temps, et le tournant de la fin des années 60 s’avère relativement difficile à maîtriser. Si Dr Dolittle (1967) convainc par sa direction artistique et la verve de Rex Harrison, le film reste en deçà des possibilités et de l’histoire et de son réalisateur. Che ! (1969) avec les improbables Omar Sharif en Che Guevara et Jack Palance en Fidel Castro est un ratage monumental. A la même époque, Fleischer, séduit par les expérimentations des écrans multiples qu’il découvre lors de l’Exposition Universelle de Montréal, a l’idée d’utiliser ce procédé pour un film qui va bientôt marquer l’histoire du cinéma. En 1968, sort L’Etrangleur de Boston, nouvelle adaptation à l’écran par le cinéaste d’un fait divers criminel. Par son usage original des split screens, le réalisateur parvient à décomposer tant les affres de la traque policière menée difficilement par Henry fonda (qui constitue la première partie du film) que, surtout, la personnalité dérangée et éclatée du serial killer interprété par Tony Curtis, impressionnant d’intelligence dans un rôle à contre emploi, passant de l’impassibilité à la fébrilité en un rien de temps. Réussite majeure de Fleischer, L’Etrangleur de Boston précède de trois ans une autre étude d’un tueur en série inspirée d’une histoire vraie : L’Etrangleur de la Place Rillington (1971), avec Richard Attenborough et John Hurt. Le traitement de la colorimétrie y est encore plus poussé : la violente désaturation des couleurs, associée à la sensation d’oppression apportée par ce huis clos incommodant, rend parfaitement compte de la violence psychique d’une œuvre désespérante et terrifiante par ses partis pris visuels. Ce film se positionne de même ouvertement contre la peine de mort. Ces deux thrillers psychologiques offrent l’occasion de se pencher sur une constante de son œuvre : l’observation presque clinique du Mal et de la violence morale souterraine qui imprègne ses personnages. Réalisateur de films à succès, ayant abordé tous les genres qui vont de la comédie à l’horreur, Richard Fleischer n’est pourtant que très rarement tombé dans le piège du manichéisme. Bien au contraire. Les hommes et les femmes qu’il dépeint ne sont jamais ou presque définis sur un mode superficiellement positif, même dans ses films d’aventures les plus exaltants. Dotés d’une personnalité complexe, ils se débattent avec leurs tentations et affrontent un danger permanent qui peut tout autant venir de l’extérieur que des conséquences de leur combat face à ce dernier. Il faut remonter à 1959 avec Compulsion (Le Génie du mal), seconde étude d’une vraie affaire criminelle après La Fille sur la balançoire, pour comprendre l’intérêt que porte Fleischer au « Mal » comme concept moral et comme valeur sociale. Il raconte l’histoire de deux étudiants de la bourgeoisie de Chicago attirés par la théorie nietzschéenne du sur-homme. Se sentant au-dessus des lois et de la morale judéo-chrétienne, ils décident d’assassiner un jeune garçon et de jouer avec la police afin de démontrer leur supériorité. Une erreur dans leur organisation du fameux crime parfait scellera pourtant leur destin. Ils seront défendus par un grand avocat, joué par Orson Welles, qui s’échinera à les sauver de la peine capitale. Film méconnu, mais d’une sécheresse et d'une efficacité redoutables, Le Génie du mal donne une première idée de l’inclinaison de Fleischer pour ce type d’étude de caractères, allant du déterminisme de la condition sociale à l’affranchissement de cette dernière qui peut aboutir soit à une libération soit à un enfermement toujours plus prononcé dans le dérèglement psychique. S’il ne fallait retenir qu’un thème plus ou moins récurrent dans la carrière de Richard Fleischer, ce serait celui de la fascination/répulsion pour le Mal (sous plusieurs formes) et sa révélation au moyen d’une technique visuelle régulièrement innovante et jamais gratuite.

A l’orée des années 70, le cinéma de Fleischer se teint d’une certaine noirceur. Cette période commence avec le film de guerre spectaculaire Tora ! Tora ! Tora ! qui conte l’attaque de Pearl Harbor. Production américano-japonaise qui se propose de reconstituer cet événement historique avec un double point de vue, Tora ! Tora ! Tora ! bénéficie d’un scénario particulièrement intelligent, fait de petits segments réalistes qui trouvent leur point d’achoppement avec la scène d’attaque finale. Fleischer réalise la moitié du film, le reste du métrage ayant été confié à Kinji Fukasaku et Toshio Masuda. La crédibilité et l’efficacité sans esbroufe des scènes d’action, comme des séquences dialoguées parvient facilement à faire oublier le nanar récent de Michael Bay. En 1971, le cinéaste livre un excellent petit thriller, Terreur aveugle (1971), avec Mia Farrow jouant une aveugle au prises avec un tueur dans la campagne anglaise. Fleischer ne montre jamais l’assassin à l’écran et innove encore sur le plan technique en filmant plusieurs séquences au ras du sol pour placer le spectateur sur le même plan que le personnage principal, obligé de composer avec son environnement en utilisant son sens du toucher. Ce sont surtout avec deux films très sombres par leur propos et leur traitement, et une fresque historique brutale amputée par ses producteurs, que Fleischer va marquer de son empreinte cette décennie. D’abord avec Les Flics ne dorment pas la nuit (The New Centurions, 1972). L’époque est aux westerns urbains qui donnent une vision sombre, paranoïaque et décadente de la cité. L’Inspecteur Harry (1971) de Don Siegel ou Un Justicier dans la ville (1974) de Michael Winner en sont des exemples caractéristiques. Richard Fleischer adapte un roman au style incisif écrit par un ancien policier et livre un film coup-de-poing qui dépeint la condition violente et précaire des flics de la mégalopole de Los Angeles. Un jeune policier idéaliste interprété par Stacy Keach est pris en main par le vétéran de la brigade joué par George C. Scott, se fracasse la tête contre la réalité glauque et perverse de sa mission et finit par perdre toutes ses illusions. Le réquisitoire est terrible, le cynisme affleure partout, le pessimisme est roi. Fleischer livre un film nocturne et cauchemardesque qui lui vaudra bien des remontrances critiques, le plus souvent injustifiées. La sensation de cauchemar est encore plus prégnante avec son opus suivant : Soleil Vert (1973) chef-d’œuvre représentatif des films d’anticipation de l’époque et certainement l’une de ses productions les plus célèbres. Ici la ville est un véritable enfer sur Terre, la planète souffre de surpopulation, les denrées alimentaires sont devenues rares, l’effet de serre a rendu la température intolérable, l’eau est rationnée, la pauvreté est endémique, la différenciation des classes sociales est maximale : les riches vivent cloîtrés dans des appartements de grand luxe et vivent une vie de débauche, les pauvres végètent à même le trottoir. L’état fournit un aliment spécial, le Soylent (de plusieurs couleurs selon leur valeur nutritive). Un policier brutal et cynique enquêtant sur le meurtre d'un cadre de la société Soylent va être amené à découvrir avec horreur la véritable origine du nutriment Soylent Green. Le seul témoignage d’humanité du film est donné par le vieux personnage joué par Edward G. Robinson qui décide de mourir devant la projection d’images nostalgiques et révolues de paysages verdoyants. Classique du film de science-fiction pessimiste, qui fait le deuil de toutes nos utopies en faisant atteindre à l’être humain, véritable marchandise, le stade ultime de la récupération économique, Soleil Vert est le dernier grand film de Richard Fleischer. Mandingo (1975) aurait pu prétendre à ce titre s’il n’avait pas été charcuté par ses producteurs. Souffrant de l’absence de près d’une heure et demi de film (!), Mandigo reste une fresque ô combien malade mais toujours percutante par son propos. Injustement accusé de racisme et de complaisance dans la violence par la critique déchaînée de l’époque, ce film rageur et bouillonnant est pourtant une œuvre d’une réelle beauté plastique qui ambitionnait d’illustrer à l’écran les terribles ravages de l’esclavagisme. Sans concessions à la morale bien-pensante, très explicite vis-à-vis des nombreuses souffrances endurées par les Noirs et des perversions morales et sexuelles des Blancs, Fleischer attaque de front son sujet et vise juste. Le dvdphile habitué aux nombreux director’s cut pourrait aujourd’hui espérer une édition future de ce film avec le montage initial, cela ne serait que justice et constituerait un hommage bienvenu au cinéaste récemment disparu.

Le reste de la filmographie de Richard Fleischer compte quelques œuvres de qualité moyenne mais plutôt sympathiques telles que The Spikes Gang (1974), western mélancolique avec un Lee Marvin émouvant, Mister Majestyk (1974) film d’action efficace avec l’imperturbable Charles Bronson écrit par Elmore Leonard, ou bien Le Don est mort (1973) pour lequel il retrouve Anthony Quinn, film qui investit le milieu de la mafia mais qui tente surtout de profiter du succès retentissant du Parrain (1972) de Francis Ford Coppola. La suite est quelque peu négligeable, Fleischer ayant d’ailleurs été appelé successivement à trois reprises pour remplacer des réalisateur licenciés. De même, sa version réactualisée du Chanteur de Jazz (1980) avec Neil Diamond ne laissera probablement aucun souvenir. Enfin, Fleischer, contacté à nouveau par Dino De Laurentiis, tente de retrouver le souffle épique avec Conan le Destructeur (1984). Si ce film d’aventures n’a pas trop à rougir sur le plan formel (Jack Cardiff se chargeant de la lumière), il ne peut rivaliser un instant avec la puissance visuelle et mythologique du Conan le Barbare (1982) réalisé par John Milius. Il reste même tout à fait honorable si l’on tient à le comparer avec son film suivant, Kalidor (Red Sonja, 1985), qui sombre dans un ridicule achevé, malheureux navet indigne du talent de son réalisateur qui le reniera justement. Ce dernier essaiera ensuite de rebondir par deux fois dans ces années 1980 qui n’étaient décidément pas faites pour lui, mais sans succès. Qu’importe donc cette fin de carrière morose et largement bâclée, la liste des chefs-d’œuvre et classiques laissés par Richard Fleischer parle d’elle-même. Il ne reste plus pour les amateurs de cinéma à associer automatiquement et définitivement un nom à ces nombreuses réussites. La disparition de ce noble artisan ayant frôlé le génie à plusieurs reprises permettra à coup sûr, c’est une habitude tristement répandue, d’accomplir ce prodige.

Par Ronny Chester - le 1 avril 2006