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Interviews

entretien avec Pierre etaix

Clown, caricaturiste, gagman, cinéaste, comédien... « C’est ça Pierre Etaix », pour reprendre le titre de l’abécédaire qu’Odile et Marc Etaix viennent de publier (voir encadré). DVDClassik a toujours défendu le cinéaste de Yoyo, y compris quand ses films étaient invisibles du grand public, bloqués par une sombre histoire de droits. C’est donc avec une émotion certaine que nous nous sommes rendus chez le dernier des grands gagmen. Il a accepté de revenir avec nous sur sa filmographie et d’évoquer la mémoire de ses illustres prédécesseurs, héros d’un cinéma révolu : le slapstick. Il a également tenu à rendre hommage à ses compagnons de route avec l’humilité qui le caractérise. C’est aussi ça, Pierre Etaix.

DVDClassik : Vous êtes passionné par les arts plastiques, le cirque et le music-hall, mais dans quelles circonstances avez-vous été amené à coréaliser, avec Jean-Claude Carrière, Rupture, votre premier film de cinéma ?

Pierre Etaix : J’ai fait des choses très différentes les unes des autres. Et ce sont toutes ces choses qui m’ont amené à faire du cinéma. J’ai rencontré Jacques Tati parce qu’il s’intéressait à mes dessins et c’est lui qui a décidé de m’engager sur Mon oncle. Ça ne me serait jamais venu à l’esprit sans ça. Je trouvais le cinéma intéressant mais ce n’était vraiment pas ma passion. Mon objectif, à l’époque, c’était le contact en direct avec le public, par le biais du music-hall et du cirque. Et puis, après avoir travaillé comme gagman pour Tati sur Mon oncle, j’ai eu l’envie d’écrire un court métrage. C’était surtout l’idée d’exploiter le gag qui m’intéressait. J’ai sollicité Jean-Claude Carrière, que j’avais rencontré au moment où Tati faisait faire une adaptation littéraire des Vacances de Monsieur Hulot, ce qui était une folie. A l’époque, tous les auteurs se cassaient les dents dessus. Et puis un beau jour, j’ai lu quelque chose de formidablement intelligent. C’était Le Journal d’un promeneur de Jean-Claude Carrière. Il était professeur d’Histoire à l’époque et il n’avait qu’une idée en tête, faire du cinéma. Et pas n’importe quel cinéma : du cinéma comique. Je dois dire que je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’autre qui ait mieux compris ce que devait être un gag que Jean-Claude Carrière. C’est un observateur né. Nous avons donc commencé à travailler ensemble. Un court métrage, puis un second, Heureux anniversaire. Le fait que celui-ci ait gagné l’Oscar a permis à notre producteur, Paul Claudon, de nous lancer sur un long métrage.


Pierre Etaix et Jacques Tati sur le tournage de Mon oncle

On peut donc dire que Jacques Tati a été votre école de cinéma ?

Je dirais presque malgré lui et à mon insu. Je n’avais pas d’attirance spéciale pour le cinématographe. Quand il m’a proposé de travailler pour lui, je lui ai d’ailleurs dit : « Je n’y connais rien. » Il m’a répondu : « Ça s’apprend en huit jours, vous verrez. » J’avais vu les films de Chaplin, de Laurel et Hardy et de Harold Llyod. Le slapstick a donc été ma clé, ma porte d’entrée dans le monde du cinéma. Tati était incapable de formuler quoi que ce soit, mais il m’a appris à construire un gag. Il nous présentait des situations et il fallait chercher des idées autour. Par exemple, il disait : « Aujourd’hui c’est la distribution des prix et l’enfant voudrait que son oncle soit présent » et il fallait partir de là pour proposer des idées. On lui présentait ces idées et il répétait souvent : « Travaillez, travaillez... » Moi qui travaillais jour et nuit dessus, je ne pouvais pas faire plus. Jusqu’au jour ou Henri Marquet, son fidèle collaborateur, m’a expliqué ce que Tati entendait par « Travaillez » :  quand on avait une idée, il fallait s’en tenir à cette idée et la travailler jusqu’au bout. Exploiter toutes les possibilités qu’elle avait à offrir. On observe quelque chose... Qu’est-ce qu’on peut en tirer ?


Pierre Etaix et Jean-Claude Carrière

Fort de votre expérience de gagman pour Tati, vous commencez donc à collaborer avec Jean-Claude Carrière. Comment se déroulaient les sessions d’écriture à quatre mains. Ecriviez-vous les gags et la structure séparément ? Vous répartissiez-vous les tâches ?

Le scénario, c’était un ensemble. Généralement, je proposais une idée à Jean-Claude Carrière et lui s’enflammait dessus. (Rires) Et puis, Huit et demi de Fellini qui est un bouleversement, en terme de récit cinématographique, est arrivé. Cela a provoqué en moi un élan. Je me suis dit : « Le cinéma, c’est ça. » Je trouvais ça passionnant en terme de langage cinématographique. Je voulais faire un film comme ça... Mais je ne savais pas quoi. C’était après Le Soupirant. Les bureaux de notre production se trouvaient dans les locaux des Rothschild. Je me suis mis à les observer faire des allées et venues avec leurs Bentleys. Et ils avaient l’air de s’ennuyer terriblement. Une idée a alors germé en moi : l’histoire d’un milliardaire qui s’ennuie. Et Yoyo est parti de là. Tout s’est construit autour de cette idée. A partir d’observations que nous faisions, d’anecdotes qu’on nous racontait.


Dessin préparatoire pour la villa Arpel de Mon oncle / Tati par Etaix

Vous citiez Fellini. Comme vous, ou comme Ettore Scola, il a été caricaturiste avant de faire du cinéma. Est-ce que le dessin vous aidait dans la construction de vos gags ?

C’est vrai qu’il n’y a pas mieux que le dessin pour formuler une idée. En trois dessins vous avez un gag. Trois étapes qui dévoilent une histoire. Travailler dans le dessin d’humour m’a beaucoup aidé même si je ne me destinais pas à des choses plus sérieuses dans le domaine. J’avais notamment travaillé pour un maître verrier, qui m’avait appris beaucoup et m’avait orienté vers des choses plus sérieuses. J’ai appris beaucoup de choses des aînés. C’est une constante dans ma vie. Dans tous les domaines, aussi bien en dessin que dans le cirque, quand j’ai travaillé avec le clown Nino Fabbri.


Le Soupirant

Le Soupirant, votre premier long métrage, est influencé par les « aînés » comme vous dites, mais il sort dans une période particulière pour le cinéma français : en pleine Nouvelle Vague. Connaissiez-vous personnellement les cinéastes du moment ?

Non. J’ai rencontré Godard et Truffaut mais pas au moment de la sortie du Soupirant. Plus tard, au moment de Yoyo, Godard était venu me voir. Il voulait un gag dans son film. Il a commencé à me raconter une histoire, qui me semblait totalement incohérente (rires) mais c’était drôle, ça lui ressemblait. « Alors on traversera un champ de Colza » m’avait-il dit. C’était ce film avec Belmondo.

Pierrot le fou.

Oui. Belmondo devait voler une voiture et je devais imaginer comment. Alors j’ai réfléchi de mon côté et je lui ai soumis une idée tout en lui disant : « J’aimerais être avec vous au moment du tournage, parce que ça demande une grande rigueur. » Je ne sais pas si c’est ça qui ne lui a pas plu, mais ça ne s’est pas fait. De toute façon je n’avais pas la prétention de lui apporter quelque chose. Quant à Truffaut, il était venu au cabaret dans lequel je passais. Il avait vu mon numéro. C’était au moment de Jules et Jim, et il voulait que je trouve quelque-chose de drolatique pour une séquence censée se dérouler précisément dans un music-hall. J’ai cherché des choses... Mais il ne savait pas très bien où il voulait aller. En dehors de cela, cette génération de cinéastes m’a ignoré de A à Z.

Pourtant eux aussi glorifiaient un cinéma des « aînés ». Les leurs, certes...

Oui, voilà. Le cinéma comique n’était pas du tout leur affaire.


Pickpocket

Et quels étaient vos rapports avec les cinéastes qui vous faisaient tourner en tant que comédien ? Je pense à Robert Bresson sur Pickpocket.

Bresson était venu me chercher car il savait que je faisais de la prestidigitation. Il voulait que j’applique ça dans le film où nos personnages dérobent les montres et les portefeuilles. Je dois dire que j’étais fou de bonheur. Puis, quand je suis arrivé sur le plateau, j’ai été terrorisé car c’était un homme extrêmement froid, glacé même. On était dans une salle vide et il nous décrivait une action des personnages. On devait la visualiser car il n’y avait personne autour. Par exemple, je suis dans un bistrot et je suis censé regarder ce que font mes voisins. Mais il n’y a personne. Bresson disait : « Regardez-les... Regardez-les fort ! » Je m’exécutais. Il rajoutait : « Non... Ne les regardez-pas dur, regardez-les fort ! » Une prise, deux prises... Dix prises. On arrivait à trente prises sans interruption. Je me souviens qu’un jour nous tournions à la Gare de Lyon, sous une chaleur épouvantable. Bresson était face à moi, dans un wagon. Il suçotait un glaçon à la menthe en tenant son fume-cigarette de l’autre main. Et tout d’un coup, il devenait convivial, plus rien à voir avec le Bresson du jour d’avant. Il allait même jusqu’à se confier : « C’est intéressant de faire du cinéma quand on imagine les choses. Moins quand on les réalise. » Il y avait chez lui une espèce de... Pas de sadisme, mais disons qu’il aimait provoquer des réactions chez les gens.

Avec Bresson on est évidemment loin du comique mais, à l’instar du slapstick, c’est un cinéma qui accorde une grande importance à la gestuelle et aux objets.

Oh là là, oui. C’est absolument admirable. Dans Quatre nuits d’un rêveur, quand on entend le bruit de la brosse du peintre sur la toile, à la fin du film, toutes les sensations, les émotions, il les transmet par le son. Il le répétait d’ailleurs. Pour lui, le son était au moins aussi important que l’image. Et je partage son point de vue puisque dans mes films j’ai toujours fait refaire les sons. On tournait avec un son témoin, mais je faisais tout refaire après.


Federico Fellini et Pierre Etaix sur le tournage des Clowns

Vous n’avez pas tourné uniquement avec des cinéastes français. Fellini, qui vous a tant bouleversé avec Huit et demi, vous a offert un rôle dans Les Clowns.

Oui mais alors là... Aucun intérêt. J’ai été tellement déçu. Je n’attendais pas ça de Fellini. Sur ce projet, il ne savait pas où il allait. Il venait de faire Satyricon. Je lui ai demandé : « Qu’est-ce qu’on peut faire après un film comme celui-là ? » Il m’a répondu : « Un autre film. » D’accord. Malin comme un singe qu’il était, au lieu de faire un film pour le cinéma, il a fait un film pour la télévision. Mais les moyens déployés pour le faire étaient considérables. Et ce qui était très drôle dans l’histoire, c’est que ceux qui étaient ses assistants étaient constamment émerveillés : « Quel dommage que ce ne soit pas projeté sur un grand écran ! » Une assistante répétait ça tout le temps : « Si vous aviez vu les rushes hier. Sur un grand écran, ce serait formidable. » Et donc finalement, malin comme il est, Fellini réussit à faire sortir le film au cinéma, tout en précisant qu’il avait été tourné pour la télévision. Et du coup, tout le monde a dit : « Ah dis donc, si la télé pouvait nous proposer des choses aussi intéressantes plus souvent » (Rires). Il était comme ça. Vous savez, j’ai aimé quantité de ses films. Amarcord est un pur chef-d’œuvre. Mais l’homme était farceur. Trop malin pour moi.

Parmi les cinéastes étrangers qui ont compté pour vous, il y a eu aussi Jerry Lewis.

Ah, Jerry Lewis, c’est pas pareil. Il y a une vraie connivence. Il a fait un film admirable qui est The Nutty Professor, que j’ai dû présenter l’autre jour à la Cinémathèque tout en ne sachant pas trop quoi en dire sans le déflorer. C’est un chef-d’œuvre.


Avec Jerry Lewis sur le tournage de The Day the Clown Cried

Vous avez tourné dans son The Day the Clown Cried. (1) Pensez-vous qu’on finira par le voir un jour ?

Non. Enfin, pas avant 2025, puisqu’il a donné le film à la Bibliothèque du Congrès américain à condition qu’il ne soit pas visible avant 2025. Comme ça, il n’aura pas à répondre à ne serait-ce qu’une question sur le sujet.

Quels souvenirs gardez-vous du tournage ?

Celui de son producteur qui l’a laissé tomber. Et à partir de là, ça a été le démantèlement total du film. On a tourné au Cirque d’Hiver et toutes les misères nous sont arrivées sur ce film. Il voulait tourner là-bas avec du public. Son producteur lui avait dit que ce n’était pas un problème, qu’il pouvait profiter du tournage de l’émission La Piste aux étoiles. Nous sommes donc arrivés pour tourner et il y avait des caméras de télévision partout. Et Pierre Tchernia nous a refusé l’accès. Ne pouvant pas faire ce qu’il attendait - tourner une séquence de "première" au cirque, avec les réactions du public -, Jerry a essayé de trouver une solution. Après une nuit à cogiter, il m’annonce qu’il a trouvé une idée. A la place de la scène en public, on va tourner une scène de répétition dans le cirque vide, devant le directeur. Mais ce n’était pas la même chose. Et c’était comme ça tout le temps. S’adapter continuellement. Cela m’a fait beaucoup de peine car ce n’est pas quelqu’un qui est calculateur. Pas le moins du monde. C’est quelqu’un de spontané, qui aime éperdument son métier. Et c’était très douloureux d’assister à tout ça. J’aimerais beaucoup que ses films ressortent. Qu’on les redécouvre.


Yoyo

Ce qui me frappe dans le slapstick, c’est que ce n’est pas du tout un cinéma déconnecté de la réalité. Quand on voit The Cameraman de Buster Keaton, la filmographie de Tati qui rend compte des bouleversements sociétaux (congés payés, société de consommation...) ou vos films… Je pense à Yoyo et à la manière dont vous intégrez, dans le récit même, le bouleversement qu’a constitué l’avènement de la télévision.

Oui, et l’arrivée du parlant aussi. Le film commence en 1925, quand le cinéma est encore muet. Et les premiers dialogues du film sont prononcés sur un écran noir, qui clôt la période du muet, par une voix-off qui dit : « C’est à ce moment-là que cinéma devint parlant. » D’ailleurs, quand j’ai vu le film en salles, à ce moment précis du film j’ai entendu des spectateurs pousser un ouf de soulagement.

Comme si l’absence de dialogues était un défaut en soi.

Dans le cinéma français actuel, le dialogue est omniprésent. On bavarde, on bavarde. Je ne dis pas que le dialogue n’a pas d’importance. Il a même une importance extrême. Mais pas seulement pour son contenu, pour sa forme aussi. Je veux dire par là que le cinéma construit sur des bons mots ne peut pas exister dans le slapstick, qui est une forme très pure. Dans ce type de comique, quand il y a un dialogue, il est important en tant que son. Tati l’avait bien compris.


Le Grand amour

Du son, passons à l’image. Le Grand amour est votre premier long métrage tourné en couleurs. Dans le film, vous portez une attention extrême à l’aspect des intérieurs, aux vêtements. On a l’impression que la couleur fait partie du récit.

En même temps, la couleur est extrêmement dangereuse dans un film comique car elle peut ruiner un effet. Si on tourne en extérieurs par exemple et qu’un élément vif bouge et vient attirer notre attention, c’est fini... Ca nous détourne du premier plan et ça gâche l’effet comique. Quand on tournait en extérieurs, je faisais attention à ce type de détails. Notamment aux gens qui circulaient en arrière-plan. Dans les scènes du jardin public, les gens étaient priés de se mettre hors champ et les seuls qu’on voyait étaient ceux que j’avais choisis pour la scène.

Après Le Grand amour, vous quittez la fiction pour le documentaire. Mais comme vos films de fiction, Pays de cocagne est fondé sur l’observation.

Quand vous partez d’éléments bruts, le travail a priori que vous faites en fiction devient un travail a postériori. Ce n’est pas construit comme se construit un gag mais ça se construit malgré tout. On est amenés d’une histoire à une autre, d’une situation à une autre et c’est ça qui est intéressant. C’était une expérience qui, de mon point de vue, aurait dû être reproduite. Mais elle n’a pas fait école.


Buster Keaton dans Steamboat Bill, Jr.

Peut-on parler de pérennité du slapstick à l’ère du numérique ? Je sais que vous avez assisté à la rétrospective Buster Keaton à la Cinémathèque française. Ce qui m’a touché pendant cette rétrospective, c’est la réaction des enfants de 9-10 ans qui découvraient ce cinéma-là et qui riaient à gorge déployée - preuve que ces films traversent le temps. Mais aujourd’hui, le gag dans lequel Buster Keaton manque de se prendre la façade de la maison sur lui serait tourné autrement. A l’époque ce n’était pas sur fond vert, il risquait sa vie en l’exécutant.

Oh là là, oui. Mais ce passage ne peut pas exister autrement que comme Keaton l’a fait. Ça représentait, pour le chef décorateur, quelque-chose d’extrêmement rigoureux. Vous imaginez s’il rate son effet. Cette façade de maison, c’était calculé au dixième de millimètre près. D’ailleurs on voit qu’il ne bouge pas, mais il ne bouge pas du tout. Evidemment, plus personne ne ferait ça. L’autre jour, je suis tombé sur un film d’action à la télévision. Le montage... c’était du hachis. C’était fait de telle façon qu’à un certain moment on ne savait plus où on était. Keaton, c’est le contraire. Dans chaque plan, il développe ce que l’on doit voir. Vous savez, la marche contre le vent qu’il fait à un moment ? C’est prodigieux ça. Avec des ventilateurs hors-champ. Il est presque à plat ventre. Fabuleux.

Vous me disiez en début d’interview que dans les années 60 vous n’étiez pas un spectateur forcément assidu, en dehors du slapstick s’entend. Et aujourd’hui ? Le cinéma contemporain trouve-t-il parfois grâce à vos yeux ?

Dès qu’un film crée une émotion en moi, il trouve grâce à mes yeux. Je ne suis contre rien de ce qui se fait aujourd’hui. Au contraire. J’attends toujours d’être surpris, même si beaucoup de films manquent de pureté aujourd’hui. Il en reste quand même... Je ne sais pas... Certains films de Clint Eastwood. Sur la route de Madison, c’est un chef-d’œuvre. (Il sollicite son épouse pour retrouver le titre d’un film qui leur a beaucoup plu. Il s’agit de Victoria de Sébastian Schipper) Ah oui, Victoria ! C’est tourné entièrement en plan-séquence. C’est sublime. Pas du tout un exercice de style. Quand je pense au travail que ça a dû nécessiter. En cinéma comique, en revanche, je ne vois pas de contemporains, non... Mais je guette toujours. J’attends encore de trouver les successeurs des Master Clowns de la belle époque.


Harry Langdon et Harold Lloyd

On parle de successeurs mais... Déjà dans les comiques de l’époque, il reste des noms à réhabiliter, ne trouvez-vous pas ? Keaton a été célébré sur le tard. Mais que penser de ceux dont on ne parle plus, comme Harry Langdon... qui a été un peu oublié, me semble-t-il.

Je pense bien ! Quand j’entends des gens se lancer dans des comparaisons : « Langdon c’est moins bien que les autres, Harold Lloyd ? Bof... » C’est d’une vacherie épouvantable quand on voit ce que ces gens-là ont apporté au cinéma. Vous parlez de Langdon, eh bien pour moi Long Pants est un chef-d’œuvre. Pour trouver ce type de personnage comique, il faut beaucoup de temps, de travail. Le visage de bébé de Langdon, son air lunaire, c’est extraordinaire.

On parlait des enfants qui riaient à gorge déployée devant les films de Keaton. Le livre que votre épouse et votre fils publient a pour titre C’est ça Pierre Etaix. Si un enfant vous demandait de vous décrire, vous mettriez en avant quel aspect de votre travail ? Le dessin ? L’aspect clownesque ?

Je n’ai jamais cherché à me définir. Une chose à nourri l’autre. Mais si je devais dire mes préférences, je mettrais en avant la comédie clownesque...


(1) Réalisé et interprété par Jerry Lewis, le film narre l’histoire d’un clown emprisonné dans un camp de concentration. Jamais sorti, il est considéré comme un film maudit.

En LIbraire

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Seguler / Arte Editionss
Première édition : 7 novembre 2015
Format: 19,5x25 cm - 408 pages
Prix indicatif : 39,00 euros

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Odile et Marc Etaix ont plongé dans les archives du maître et exhumé des trésors protéiformes (dessins, affiches, photos, poèmes...) qu’ils ont rassemblés sous la forme d’un abécédaire. Bel objet, le livre permet d’appréhender l’univers de ce touche- à-tout de génie.

Merci à Elodie Dufour (Cinémathèque française), Henriette Souk (Arte), Pierre et Odile Etaix, Olivier Bitoun, Xavier Jamet et Emmanuel Voisin.

Par Chérif Saïs - le 20 novembre 2015