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Critique de film
Le film

La Ruée vers l'ouest

(Cimarron)

L'histoire

En 1889, le Président Benjamin Harrison ouvre les portes d’un état jusqu’alors inhabité par les blancs : s’ensuit la fameuse ruée vers l’Oklahoma, étonnante course au lopin de terre organisée par les Etats-Unis afin que les colons choisissent un endroit où s'installer dans ce territoire encore désert dont on vient de déloger les Indiens. Cimarron est un film, s’inscrivant dans la tradition du roman fleuve américain (ceux justement d’Edna Ferber comme par exemple Géant), chroniquant un pan de l'histoire politique et culturelle des USA. Ici, celui de l’Oklahoma étalé sur quarante ans, de 1889 à 1929, à travers l’explosion puis la croissance d’Osage, une ‘Boom Town’ ayant atteint les 10 000 habitants en seulement six semaines, et au regard de la vie et des démêlés sentimentaux d’une famille de pionniers qui arrive dans cette ville champignon dès son éclosion, les Cravat. Yancey Cravat est un riche aventurier préférant quitter sa paisible vie à Wichita pour fonder un journal dans cette ville nouvelle. Durant son existence, envers et contre beaucoup (y compris son épouse élevée dans un milieu bourgeois, et ayant gardé de son éducation des principes rigides), il défendra tour à tour les Indiens spoliés à qui il veut donner la citoyenneté et les prostituées mises au ban de la société, prendra sous sa coupe un Juif, acceptera une bru indienne et finira par mourir dans le dénuement après avoir sauvé un ouvrier.

Analyse et critique

Cimarron est l'un des premiers films à avoir reçu l'Oscar suprême, celui du meilleur film justement. Aujourd'hui, il récolterait encore probablement la statuette convoitée et, dans la foulée, de nombreux chroniqueurs ne se gêneraient pas de se gausser ensuite de l'attribution du prix à une oeuvre trop politiquement correcte, véritable machine à Oscars ! Mais dans le contexte de l'époque, il s'agissait d'un film très courageux et qui forçait le respect ; que le personnage principal d'un film prenne dès lors fait et cause (sur un ton certes un poil paternaliste mais qui peut s'excuser) pour les Indiens, les juifs, les noirs, les prostituées... que le même film applaudisse à l'émancipation de la femme..., ce n'était pas si courant et le western, genre considéré comme plutôt mineur, en est sorti grandi !


Un très beau personnage de fondateur énergique et plein de vitalité, à l’aide duquel le réalisateur se sert pour nous délivrer un message de tolérance au milieu d’une ère qu'il décrit comme plutôt violente, raciste et despotique. De nombreuses scènes d'anthologie comme la célèbre séquence de la ruée, l'improvisation du journaliste en pasteur d'un soir, le procès de la prostituée, l’attaque de la banque (d'un étonnant réalisme)... ; à côté de ces séquences spectaculaires et de quelques éléments sentimentaux et mélodramatiques assez bien menés (le fils décidant d'épouser une indienne malgré le désaccord de sa mère ; la solitude de l’épouse alors que le mari n’a pas pu résister à l’appel d’une nouvelle ruée vers l’inconnu…), un aspect documentaire loin d'être évacué et au contraire passionnant. Ruggles s'attarde avec talent sur des images de cette 'naissance' et de cette 'croissance' non dénuées de poésies et de grandeur. Chaque nouvelle période est annoncée par un plan d’ensemble de la ville en plongée montrant son mouvement et son évolution ; on la voit ainsi sous nos yeux se bâtir, grandir, évoluer.


Cimarron débute par la fameuse séquence de la course aux terres Cherokee en Oklahoma (reprise encore par la suite par Anthony Mann en 1960 dans son remake homonyme). Comme attendu, cette scène est assez ébouriffante, mais pourtant moins spectaculaire qu’une autre quasi identique dans Trois sublimes canailles (Three Bad Men) de John Ford cinq ans plus tôt. C’est d’ailleurs là que se situent les limites de l’épopée de Wesley Ruggles ; il a beau ne pas être dénué de talent, il ne possède cependant pas le sens du cadre et de l’image qu’avaient John Ford ou Raoul Walsh, ni la chaleur du premier ou la vitalité du second. Stylistiquement et esthétiquement parlant, le mélo westernien de Ruggles fait pâle figure à côté de The Iron Horse ou The Big Trail par exemple. Il est pourtant loin d’être déshonorant et se suit sans aucun ennui d'autant plus que l'interprétation est très convaincante, Richard Dix étant un excellent Yancey Cravat et Irene Dunne se sortant très bien d'un personnage difficile car pas forcément sympathique. Un très beau western progressiste que n'aurait certainement pas renié le Franck Capra période New Deal !
 

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 7 février 2007