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Critique de film
Le film
Affiche du film

Bon voyage

(Bon Voyage)

L'histoire

Londres, 1943. A la suite de son évasion hors de France, le sergent John Dougall a rejoint l’Angleterre avec l’aide de Stefan Godowski. Il raconte les péripéties de sa fuite au colonel des Forces Françaises Libres. Mais le récit prend une nouvelle tournure lorsque ce dernier révèle au sergent la véritable nature de son compagnon de voyage...

Analyse et critique

Ces deux titres du maître du suspense sont deux petites perles tournées en 1944 pour le British Ministry of Information, enfin disponibles aujourd'hui grâce au support numérique. Alfred Hitchcock ne prend la guerre que comme un lointain prétexte pour nous livrer deux étranges curiosités qui préfigurent les futurs épisodes de la série Alfred Hitchcock Presents, des petits récits d’une vingtaine de minutes à la structure narrative rapide et solide. Le nom de Hitchcock au générique ne laissait préfigurer que le meilleur et en effet, les deux courts métrages se révèlent purement jouissifs.

Le premier, Bon voyage, nous présente d’abord une intrigue narrée selon un point de vue unique, celui du sergent John Dougall, puis selon les renseignements appris par le FFL. Dougall n’a pas menti, mais il a juste mal perçu ce qui lui a été présenté. La vérité n’est plus alors qu’une simple représentation de la réalité. Le spectateur retrouve une variation de la célèbre allégorie de la caverne de Platon : ce que raconte Dougall, c’est la caverne. Pour voir l’ensemble de la réalité, le colonel lui livrera certaines informations sur Godowski. Le second court métrage, Aventure malgache, avec son intrigue compliquée, est une histoire assez déroutante qui se présente à l’aide d’une série de flashbacks.

La guerre n’apparaît qu’en arrière-plan, et d’autres thèmes hitchcockiens sont ici développés : le double, la traîtrise, le suspense, la manipulation, les faux-semblants, l’importance du point de vue... Cela a d’ailleurs posé des problèmes à la diffusion des films, qui auraient dû être détruits (ceux-ci portaient d’ailleurs la fameuse mention "à brûler" et devaient disparaître) car la commande des producteurs n’avait pas été respectée.

La photographie et les éclairages s’avèrent magnifiques et rappellent les grandes heures du cinéma expressionniste allemand, notamment Fritz Lang. La scène dans la cave de Bon voyage, à elle seule, exprime toute l’ambiance du film et se révèle inoubliable de beauté plastique. La symbolique hitchcockienne qui se compose d’une alchimie parfaite entre humour et métaphore (la plus célèbre étant le train qui s’engouffre dans le tunnel lors de la scène du "baiser sur la couchette" de La Mort aux trousses) est elle aussi présente, comme dans le second court métrage lorsqu’à l’annonce du débarquement des Anglais à Diego Suarez, Michel affiche un portrait de la reine Victoria et jette une bouteille de Vichy !

Ces deux programmes présentés ensemble se révèlent être une très bonne surprise, une cerise posée sur le gâteau filmographique hitchcockien dont le goût est certes excellent, mais que nous connaissons trop. Et même si le scénario d'Aventure malgache ne peut cependant pas rivaliser avec d’autres films, courts - Four O’clock, Incident at the Corner, mais surtout le magnifique Lamb to the Slaughter - ou longs - en 1944, Hitchcock sortait de L’Ombre d’un doute et du trop invisible Lifeboat, et préparait l’âge d’or de sa carrière américaine avec La Maison du docteur Edwardes et Les Enchaînés - le cinéaste nous régale avec Bon voyage, de son scénario à tiroir magistralement orchestré comme il nous a si souvent habitué et de quelques superbes scènes, comme celle de la cave ou du meurtre de la jeune résistante avec laquelle notre narrateur semblait fonder les prémices d’une histoire d’amour. D’ailleurs, la mort de l’être aimé est quelque chose de rare chez le réalisateur.

Notons pour finir quelque chose d’étrange : les films ont été tournés en français. En effet, ils étaient destinés à un public de résistants français de Londres. Cela donne au jeu des acteurs une dimension plus théâtrale, parfois un peu fausse ou pas toujours très audible, spécialement au début du premier court métrage.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Homergana - le 22 mars 2003