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Critique de film
Le film
Affiche du film

Rio das Mortes

L'histoire

Deux amis, Michel (Mikael Konig, le révolutionnaire christique du Voyage à Niklashausen) et Gunther (Gunther Kauffman) cherchent à se rendre au Pérou pour y trouver un trésor dont ils ont la carte. Hanna (Schygulla), la petite amie de Michel, n'est pas vraiment d'accord.

Analyse et critique

Catégorisé un peu abusivement comme un des faux films noirs première manière de Fassbinder – le glamour du genre (rouge à lèvres, femme fatale et revolver n'apparaît ainsi qu'à la toute fin – le film paie quand même son tribut à Hollywood. Sorte de prologue d'un film d'aventures du style Le Trésor de la Sierra Madre, le film s'achève là où tout commence traditionnellement dans le genre. Et nous rappelle malicieusement que si l'aventure, c'est l'aventure, il y a forcément à l'action un prologue, une préparation que Fassbinder s'amuse à étirer comme à son habitude. L'action n'est ici qu'une idée, évoquée dans les récits de marin de Gunther Kauffman. L'utopie qu'est le Pérou n'est jamais montrée, à peine définie par une publicité d'agence de voyages, une carte au trésor irréelle et ses caractéristiques politiques et économiques.

C'est probablement le seul film de RWF où l'utopie – car chez Fassbinder, on l'attend - est géographique, localisée et prise au sens étymologique : c'est un non-lieu. Le procès très explicite qu'intente RWF à l'idéologie bourgeoise – incarnée par Schygulla qui se répète devant le miroir la nécessité d'inculquer des valeurs de réussite sociale à ses futurs enfants -, au Capital (l'oncle de Schygulla, qui fait se crasher sadiquement les héros dans le mur de la rentabilité) est encore imprégné d'esprit soixante-huitard (USSA écrit sur un tableau). Mais le critique vachard RWF transforme la course à l'utopie en épreuve constamment masochiste pour nos héros, d'autant que la fin (échec, réussite?) est ouverte. Fassbinder trousse ainsi un film étrangement comique de losers accrochés à leurs rêves, avec ses distanciations habituelles : cadrages théâtraux, une scène fraîche godardienne où Fassbinder danse le rock avec Schygulla, un devoir scolaire lu par cette dernière sur Lana Turner et un étrange intermède documentaire tout droit sorti d'Arte, sur la situation du Pérou en 1970. En fin de compte, c'est pas le Pérou qui compte, mais l'idée d'aller au Pérou, de fuir la morne Allemagne. De fuir, tout court.

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La fiche IMDb du film

Par Leo Soesanto - le 14 décembre 2005